Penser l'après Poutine jusqu'à l'Oural
Paradoxalement, c’est précisément parce que l’Europe n’a jamais été aussi près du gouffre depuis 80 ans, qu’elle n’a jamais été aussi proche de son intégration.
La Russie de 2022 n’a plus rien à voir avec celle de 1995, et Poutine n’a pas vu son propre pays se métamorphoser. Cette guerre s’est trompée d’époque. Culturellement, les russes de moins de 40 ans n’ont jamais vécu en URSS, s’informent avec le VPN, et ils veulent aller chez Zara, Ikea et Starbucks. Ils sont éduqués, informaticiens, et rêvent de high tech’ comme les jeunes roumains ou ukrainiens. Economiquement, la Russie est bien plus intégrée en Europe qu’elle ne l’est de la Chine, on ne triche pas avec la géographie et la culture. Les dommages collatéraux d’une rupture sont impensables à long terme des deux côtés.
Avec l’enlisement, le régime vient de perdre son économie, le support d’une majorité de ses classes moyennes, de ses journalistes, et surtout, le support de la haute bourgeoisie moscovite. La puissante ville-Etat s’est habituée depuis 25 ans à vivre en Europe de l’Ouest, elle va à Courchevel et à Majorque. Les rues de Moscou et de Saint Petersburg sont celles de Berlin et de Paris. Les aspirations des Russes et des Ukrainiens sont similaires et profondément européennes : ils veulent la paix et l’intégration en Europe.
Alors, que vont faire les milliardaires ? Pour l’instant, la majorité fait bloc derrière l’Etat, mais le Z est bien fragile, car tout tient par la menace et non par le réel soutien. Perdre ses privilèges et une partie de son business ne leur fait pas plaisir. Une majorité appuiera secrètement un changement de régime.
A l’international, la méconnaissance de la résistance de son adversaire lui a surtout fait perdre la face vis-à-vis de son plus grand partenaire chinois. La Chine n’est pas à l’aise, la Russie lui avait vendu une guerre éclair qui préserve les chances de récoltes de blé ukrainien, elle devient soudain un allié encombrant. Même si Poutine gagne la bataille militaire, la Russie sait qu’il ne pourra pas gouverner.
Politiquement, la Chine pourrait se retrouver isolée si elle prenait trop fortement partie pour Poutine juste avant un changement de régime imprévu en Russie. Certes, la Chine peut acheter un peu plus de pétrole à bon compte, mais ne peut techniquement pas récupérer le gaz russe car les pipelines supplémentaires n’existent pas. Le poids économique de la Russie ne pèse rien pour la Chine en regard de ses autres échanges mondiaux.
Et géopolitiquement, le parallèle entre l’Ukraine et Taïwan ne l’arrange pas, le rêve russe de voir ouvrir deux fronts en même temps ne semble pas être le choix de Xi Jinping. Taïwan est aux aguets, alors que la Chine prend conscience du risque d’avoir à gérer son propre bourbier asiatique. Historiquement la tradition chinoise a toujours été la non-ingérence, et la pression plutôt que la guerre directe, ce qui l’empêche de se prononcer ouvertement sur l’Ukraine.
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Ce n’est donc pas sur le terrain que Poutine a déjà perdu une bonne partie de la guerre, mais en Chine, et à Moscou. Il a perdu son pari, son peuple, son élite, donc virtuellement son poste. Le changement de régime est donc très probable, même si Poutine décide de trouver une solution diplomatique avec l’Ukraine.
Cela ouvrirait la voie vers une deuxième chance d’intégration européenne de la Russie, qui serait notre seule chance de paix durable. L’Amérique voudra-t-elle ? C’est peu probable, sauf si elle est lucide de la faiblesse occidentale. En 20 ans, l’Amérique a vu l’ascension fulgurante de la Chine, ce qui relaye la Russie à un petit « grand pays » potentiellement « intégrable » après une révolution. Ne serait-ce pas le meilleur moyen pour les Etats-Unis d’isoler la Chine ? Joe Biden, est-il lui aussi un vieil homme scotché sur grille de lecture de guerre froide d’un autre temps, ou a-t-il prévu cette opportunité qui avait été ratée en 2000 ?
Imaginons l’après Poutine, ne soyons pas surpris si cette nouvelle ère arrive plus tôt qu’imaginé. Il ne faudra pas punir la Russie après son départ, il faudra au contraire rebâtir son peuple qui n’y est pour rien ; comme nous avons su le faire avec les pays de l’est, ou avec l’Allemagne.
Les entreprises Européennes ne doivent donc pas fuir le sol russe, elles doivent faire le dos rond, car elles seront le meilleur atout pour enfin intégrer la Russie post-Poutine dans l’Union de l’Europe élargie. Il faut préparer d’ores et déjà l’éventualité d’un plan Marshall pour intégrer la Russie et l’Ukraine en Europe, notre seule chance paix durable et peut-être notre dernière chance de peser dans un monde asiatique.
L’Amérique doit comprendre que nous Européens, Ukrainiens et Russes, voulons une Europe unie. Nous ne voulons plus que les décisions de vieil hommes ancrés au 20ème siècle nous séparent et nous guident vers la guerre, du fait de leur incapacité à comprendre que l’URSS n’existe plus depuis 40 ans.
Réalisons enfin le rêve de Charles de Gaulle, une Europe forte et unie, de l’Atlantique à Vladivostok, et de Vladivostok à Brest.
Votre Directeur Commercial Externalisé - Dirigeant
2 ansExpert sur l'énergie et maintenant géopoliticien. Tu me bluffes Nicolas. Analyse intéressante à laquelle on a envie de croire. Un grand bloc européen...
projet personnel 😎
2 ansEltsine, un alcoolique qui a essayé de vendre l'âme slave aux US. On a le résultat aujourd'hui. Arrêtons de dire n'importe quoi sur la Russie. Personne ne les connait suffisamment pour imaginer quoi que ce soit.
Ingénieur système tableau basse tension chez Schneider Electric
2 ansNicolas tu devrais faire de la politique. Tu en as largement le niveau.
Ingénieur data
2 ansLe fond de l'affaire n'est peut-être pas tant idéologique ? Si l'idéologie était la composante principale, alors effectivement la greffe manquée à l'Occident de la Russie après le sabordage de l'URSS et l'avènement d'une élite capitaliste autour d'Eltsine, Poutine & co, serait une vraie occasion manquée. Si elle ne l'était pas, et que l'idéologie était surtout l'habillage d'une lutte de puissances, alors c'est rationnel : même "amputée" de certaines de ses ex-RSS en 91, la Russie reste trop grosse, quand bien même ses élites nous seraient temporairement favorables. Dans cette hypothèse, quand bien même Poutine se ferait sortir : - les élites suivantes voudraient-elles nécessairement de nous ? leur système électoral est sans doute tout biaisé, mais c'est quand même le KPRF qui est la principale opposition "légale" - les pays d'Europe de l'Est, baltes, polonais et ukrainiens en tête, qui ont quelques comptes à régler avec les Russes, voudraient-ils seulement de cette union ? - et surtout pourquoi les USA laisseraient-ils faire un bloc continental d'une telle puissance potentielle ? A plus forte raison dans un contexte de crises climatique et énergétique où le contrôle des flux va devenir encore plus critique ?
En ritrèt-la chez kaz a Sylv ❤️
2 ansJ adhère et je fait suivre 🙏🙏