Pessimistes, on a (aussi) besoin de vous !
L’optimisme est considéré à juste titre comme une clé du succès pour ceux qui en sont pourvus. C’est d’ailleurs une compétence relationnelle indispensable au manager pour entraîner son équipe avec lui. Mais son principal effet indésirable résulte précisément de l’excès de sa vertu majeure: la contagion. Ainsi, un dirigeant plein d’optimisme insuffle une dynamique de pensée positive qui va entraîner l’ensemble de ses collaborateurs dans sa spirale vertueuse... ou pas.
Pourquoi? Parce qu'un excès d'optimisme peut engendrer deux types de risques:
- Le premier, c'est l’appauvrissement de la richesse du groupe, en raison du danger de mise en veille des différences d’opinion, des nuances de perception, des autres visions possibles du même projet. La règle d’or implicite étant d’être positif, surtout si elle est portée par le hiérarchique, fait que toute personne dans le groupe tentée d’émettre un avis plus nuancé ou une mise en garde contre un risque éventuel sera tentée de se taire, par crainte d’être immédiatement jetée dans le catalogue des pessimistes, des anxieux ou des rabat-joie. Pour ne pas ressentir ce « Honnie soit-elle », cette personne va préférer le « Ainsi soit-il ». Et donc se taire.
- Le second, c'est le désengagement progressif qui peut s'installer insidieusement à cause de la (trop grande) satisfaction du chemin déjà accompli. Selon le psychothérapeute anglais Mark Maitland, en portant trop attention au côté positif des choses, « on peut avoir l’impression d’avoir déjà atteint l’objectif, ce qui peut entraîner une perte de motivation ».
Les pessimistes auraient donc leur place bienveillante dans la réussite d’un projet? C’est ce qu’ont voulu vérifier des scientifiques de l’Université de New-York, dans une étude publiée dans le « journal of experimental social psychology »: Des équipes de direction de quatre hôpitaux ont été évalués sur leur motivation au travail. Un groupe a dû se focaliser uniquement sur ses réussites actuelles quand l’autre s'est efforcé d'identifier et d'anticiper les difficultés. Après deux semaines, le second groupe a reconnu avoir pris des décisions plus efficacement, et a atteint plus d’objectifs que le groupe des « optimistes ».
« Anticiper les problèmes quand vous entreprenez un nouveau projet, c’est une façon protectrice de penser positif » explique un des auteurs de l’étude.
C'est le "Mental Contrasting", principe qui vise à accroître la performance de réalisation d’un projet en focalisant sur les obstacles prévisibles de sa réalisation plutôt que sur la réussite des étapes déjà franchies ou en cours de réalisation. Mais garde au manque de préparation! Les mêmes chercheurs ont en effet mis en évidence dans d’autres études que cette méthode pouvait avoir un impact négatif sur des participants qui avaient déjà reçu une critique négative, et donc en proie aux doutes et au manque de confiance en eux.
Alors que peut-on en conclure?
Au même titre que chacun d’entre nous ne possède qu’une vision étriquée et subjective de la réalité des choses, un groupe à forte dominante d’optimistes ne sera que partiellement efficace dans la préparation et la réalisation d’un projet. Il lui faudra accepter de libérer, voire d'encourager, la parole des « pessimistes », ceux qui voient le verre déjà vidé de 50% de son contenu quand presque tout le monde le voit à moitié plein. Par les nuances qu’ils apportent, les avis qu’ils émettent, les mises en garde qu’ils préconisent contre des pièges que les autres ne voient pas, les « pessimistes » enrichissent un groupe et agissent comme un vaccin contre l'optimisme exclusif, porte ouverte sur les erreurs d’aveuglement.
Du capitaine au matelot, du directeur au chef d’équipe, du manager à ses collaborateurs, la décision finale est assurément plus pertinente lorsque les valeurs de respect, d’écoute, de tolérance et de combat des a priori ont été mises en oeuvre. Autrement dit, l’efficacité découle de relations humaines réellement bienveillantes et d’esprits sincèrement ouverts. Ce sont ces valeurs qui font naître la confiance, même quand les avis sont pluriels. Et justement, comme le disait Bud Wilkinson, légendaire joueur et coach de football américain, « la confiance est le ciment invisible qui conduit une équipe à gagner. »
Aux pessimistes, aux sceptiques, à ceux qui refusent la pensée unique, à ceux qui préfèrent anticiper les problèmes pour les éviter ou les parer plutôt que de les prendre de plein fouet, à ceux qui comme moi préfèrent jouer avec mille et une nuances de gris pour habiller une vision trop monochrome des choses: Faites-vous entendre, refusez d’être le blanc bonnet d’une équipe de bonnets blancs, exposez votre point de vue avec conviction et argumentez-la avec assertivité.
Et si jamais on vous affuble d’être un empêcheur de tourner en rond, répondez avec humour et bienveillance que vous préférez les figures géométriques qui offrent des angles de vue différents…
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Dirigeant d'OXYGENIS (Management & Relations Humaines) membre du réseau national Impulsion Consulting
4 ansUne belle citation de Bernard Werber que je ne connaissais pas et qui m'a été donnée par un stagiaire ce matin (merci Laetitia!): "l'équilibre est à mi-chemin entre les deux extrêmes". Je trouve que cette image illustre bien la nécessité d'une réflexion plurielle au sein d'un groupe, dans lequel les pessimistes et les optimistes ont toute leur place pour que le consensus soit équilibré. Sans dénigrement des uns par les autres. Sans recherche de raison ou de torts. Mais par acceptation bienveillante de perceptions différentes. Savoir nuancer un avis trop sombre ou trop euphorique, c'est l'art d'ouvrir la voie vers une position commune équilibrée. L'équilibre... encore et toujours...