Plaisir et apprentissage, le paradoxe de Platon
L'article que je vous propose cette semaine est inspiré par l'air du temps. Plus précisément par cet espace temporel qui renvoie à l'enfance : les vacances. Qui, à l'époque dans ma vie d'enfant, s'accompagnaient de l'adjectif "grandes". Et il puise également son inspiration, cet article, dans la devanture d'une association que j'ai dépassée lors d'un entrainement de course à pied samedi dernier : l'UIAD, c'est à dire l'Université Inter-Âges du Dauphiné. Il était en effet écrit sous cet acronyme barbare, le slogan, les spécialistes du marketing parleraient aujourd'hui de "baseline", "le plaisir d'apprendre".
En recherchant les statuts de l'association, j'ai pris connaissance de l'objet social que je ne connaissais point et que je partage ici : "L'UIAD a pour objet de favoriser l'épanouissement intellectuel et culturel de ses adhérents et le plaisir d'apprendre. Elle développe entre eux la solidarité et le lien social sans considération d'âge, de genre, d’opinions, de ressources ou de diplômes". Je vous invite par ailleurs, à prendre connaissance de leur projet associatif ICI pour celles et ceux d'entre vous qui seraient curieux d'en apprendre davantage.
Cette notion de plaisir a été, à de nombreuses reprises, partagée dans mes articles depuis 1 an et je ne saurais que trop vous conseiller la lecture de "Le Plaisir d'Apprendre" de Philippe Meirieu pour en saisir toutes les subtilités. Néanmoins, chemin faisant et course de montagne aidant, j'ai peu à peu mis bout à bout quelques idées que je vous partage ici.
Il est quand même étonnant que la notion de plaisir dans l'apprentissage soit strictement réservé à une classe d'âge et à fortiori pas forcément jeune. Faudrait-il attendre de devenir inactif au sens du travail ou tout simplement "retraité" pour commencer à saisir le plaisir que l'on a d'apprendre de nouvelles choses, de redécouvrir telles autres?
Toutefois une fois ce constat réalisé, si je compile mes propres souvenirs d'apprenant et que d'un point de vue pragmatique, j'observe mes deux garçons de 9 et 13 ans, il apparait évident que l'on prend peu plaisir à apprendre ou dit autrement que l'on ne nous donne pas beaucoup de plaisir à apprendre. Correction, on perd le plaisir d'apprendre, environ à l'entrée en école primaire. En effet une des caractéristiques de l'école maternelle est d'offrir un cadre bienveillant, ludique et sans classement pour que nos enfants apprennent les rudiments de la langue et de la numératie. Et on y joue. Passez le fronton de l'école primaire, puis celui du collègue puis du lycée et ainsi de suite, le plaisir d'apprendre par le jeu s'estompe pour disparaitre totalement.
Peut-être n'est ce pas par hasard, si naissent des mouvements, dans l'univers de la formation des adultes, qui font appel aux "jeux sérieux" ou serious games par exempel, ou toute autre situation pédagogique dans lequel le jeu est un prétexte pour apprendre. Je pense toujours à cette jolie phrase attribuée à Platon : "On peut en savoir plus sur quelqu'un en une heure de jeu qu'en une année de conversation".
Jouer ne renvoie pas à une infantilisation comme d'aucuns le pensent. Julia de Funes et Nicolas Bouzou dans leur livre "La Comédie (in)Humaine", le laissaient supposer. Le livre par ailleurs intéressant sur le décryptage de pratiques managériales douteuses, est truffé de nombreuses exagérations et méconnaissance du monde de la formation que je n'ai pas manqué de remonter à leurs auteurs.
De nombreux chercheurs en éducation ont en effet, apporté les preuves, que l’adulte et l’enfant apprennent à peu près de la même manière et donc que tous les deux peuvent très bien apprendre en jouant et en s'amusant, bref, en prenant du plaisir. Pour quelles raisons?
Et bien d'abord en favorisant ce que l'on appelle l'engagement de l'apprenant, en jouant, on investit son rôle. Ensuite en construisant une autonomie et un droit à l'erreur. Enfin en permettant de lier l'informel et le formel, la réflexivité, par rapport à une situation de jeu, sera, si le formateur ou la formatrice est pertinent, contextualisée par rapport à des apports théoriques.
Au total si l'on essaie de partager un inventaire des catégories de jeux de formation qui correspondent à des fonctions pédagogiques précises:
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Il apparait que l'on trouve 4 typologies de jeu :
Si je retourne en enfance, durant cette période particulière des grandes vacances, en tant qu'apprenant, je redécouvrais chaque année les joies du fameux "cahier de vacances". Parfait véhicule d'un apprentissage ludique qui essaie autant que faire se peut de ne pas ennuyer celui qui s'y risque.
Et autant que je m'en souvienne, chaque jour, entre 13h30 et 14h, j'ouvrais mon cahier avant d'aller à la plage ou à la piscine, et je révisais des notions ou en consolidais d'autres à fort renfort de couleurs, d'images, de dessins et de schémas. C'est finalement ce que l'on retrouve dans la méthode dite de Singapour pour favoriser l'acte d'apprendre, qui n'est qu'une mise en application synthétique des travaux de Maria Montessori et Célestin Freynet pour ne citer que les pédagogues les plus célèbres.
Crédit Image : Google Images
Si l'on investigue sur la méthode, il apparait qu'elle permet d'acquérir des bases solides en mathématiques. Elle a un côté ludique et attrayant puisque manipuler des objets va permettre aux apprenants et apprenantes de donner du rythme à la leçon, les enfants sont ainsi plus attentifs et curieux.
Nul classement ni comparaison : dans la méthode dite de Singapour, il n’y a pas de comparaison de niveau, tous les élèves peuvent y arriver. Enfin la confiance en soi est décuplée puisque le but est d'encourager l'élève.
Autant d'éléments caractéristiques que l'on peut retrouver dans les jeux pour adultes en formation.
Au total, je formule le voeu que toute personne dans son parcours de vie puisse prendre du plaisir à apprendre, de la petite enfance au 3 ou 4è âge. Pour que cela fonctionne, la modalité pédagogique qu'offre le jeu est une piste passionnante et très encourageante. Je vous souhaite une excellente semaine.