PLFSS 2022 et dépendance : la ruée vers l’or gris !

Lors des assises des EHPAD 2021 qui se sont tenues les 7 et 8 septembre, Brigitte Bourguignon a confirmé l'abandon de la loi "Grand âge" tout en indiquant qu’elle ne renonçait pas à inscrire des mesures importantes dans le PLFSS 2022. Elle a affirmé « Je ne suis pas en charge d'une loi, mais d'une réforme ».

Il y aura bien dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 des « mesures nouvelles, des mesures fortes, des mesures tangibles pour le secteur de l'autonomie et du médico-social. » a indiqué la ministre déléguée. La réforme des autorisations des EHPAD trouvera-t-elle sa place dans le PLFSS avec en toile de fond l’extension de leur périmètre d’intervention hors les murs ?

Les EHPAD plateformes, concept sur lequel Caroline Janvier, députée LREM du Loiret déclare avoir commencé à travailler avec les services de l’Assemblée Nationale fait partie des propositions formulées par l’étude publiée le 03 juin 2021 par le think tank Matières grises, intitulée L'EHPAD du futur commence aujourd'hui. Convaincu que la question n’est pas tant de savoir s’il faut ou non remplacer les EHPAD, Matières Grises propose de faire évoluer et d’adapter les 7.500 établissements existants et de réinventer ceux qui sortiront de terre à l’horizon 2030.

Sans que les professionnels de santé libéraux n’en soient même informés, c’est bien de leur inclusion dans un modèle intégré dont il est question. Pour lutter contre les déserts médicaux, selon les auteurs, "la France doit se doter de maisons de santé pluridisciplinaires, elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur ce vaste réseau d’EHPAD qui peut servir d’appui à la dispensation de soins à domicile aux plus âgés, voire au-delà."

La première étape de l’action du gouvernement sur le grand âge a été franchie avec la création de la 5ème branche en 2020. Cette évolution ne va-t-elle pas aggraver la distorsion qu’on observe dans le financement du fameux virage domiciliaire selon qu’il s’adresse à l’offre de soins des structures médico-sociales et des EHPAD sur fonds publics ou à l’offre de soins infirmiers libérale conventionnée financée sur le risque maladie ?

Dans ce contexte, le bocage des négociations de l’avenant 8 de la convention infirmière portant sur la généralisation du Bilan de soins infirmier (BSI) et des rémunérations forfaitaires associées s’apparente à un désengagement progressif de l’assurance maladie du financement sur la branche maladie de l’offre de soin libérale en direction des personnes en perte d’autonomie.

Pour s’en convaincre il suffit de mettre en perspective la proportionnalité des chiffres. Notamment le dépassement de 76 M€ de l’enveloppe BSI dévolue aux infirmiers pour la prise en charge globale de la tranche d’âge des plus de 90 ans à l’origine du clash conventionnel avec les 75 M€ alloués aux services médico-sociaux rien que pour la phase d’amorçage de l’usage numérique, par la première circulaire sur le Fonds de modernisation de l’investissement en santé (FMIS) 2021 qui met en œuvre les engagements du Ségur.

Nul doute qu’enfermés dans un niveau de rémunération horaire de 15,90 euros (AIS 3x2) auquel il faut soustraire un taux moyen de frais professionnels de 42% (Source : ARAPL 2020), les infirmiers libéraux risquent de se désengager encore plus des soins liés à la dépendance, avec pour conséquence une bascule des demandes de prises en charges vers les SSIAD ou les futurs « EHPAD plateformes ». Au final, ce transfert non anticipé des soins liés à la perte d'autonomie vers ces établissements risque de compromettre à terme l’équilibre financier déjà fragile du 5ème risque crée par la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie.