#PointDeVue tendances et innovation dans la culture (épisode 2)
Un abécédaire sur les tendances et l’innovation dans la culture... Mais pour quoi faire ?
(épisode 2)
Eric de Rugy, président de DELIGHT et de JOICE Fédération des Jeunes Organisations Innovantes de la Culture et de l'Entertainment
Dans son discours de vœux pour 2023, Rima Abdul Malak, notre ministre de la culture, nous souhaitait de « redoubler ensemble d’audace pour que demain ne sacrifie pas hier, mais n’y ressemble pas pour autant ». On peut y lire, en creux, un plaidoyer pour l’innovation, dans notre monde culturel aussi, c’est-à-dire pour cultiver l’art de faire évoluer les pratiques et les regards sur toutes les disciplines artistiques et culturelles sans faire disparaître les acquis du passé. La culture est un vecteur d’émancipation et de progrès, et c’est pourquoi elle doit progresser elle aussi. Et hélas c’est aussi pourquoi elle fait peur aux dictatures barbares qui s’efforcent de l’éradiquer, comme on le voit depuis un certain temps en Afghanistan, au Sahel, chez les Ouïghours et les Tibétains, même en Inde, bien sûr dans la partie occupée de l’Ukraine actuellement, et dans bien d’autres régions tristement trop nombreuses pour être énumérées ici. Heureusement, l’audace (et la rébellion) culturelle et artistique est comme un gaz, elle s’infiltre partout, même et surtout quand on essaie de la contenir par la force. Au-delà des services prosaïques mais utiles qu’elle peut proposer, l’innovation est aussi au service de l’audace, permettant de créer de nouveaux médiums, de nouveaux outils et de nouveaux canaux pour propager les idées et la création.
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Sur ce plan, un atelier que j’ai animé pour JOICE dans le cadre de la Biennale Internationale du Spectacle de Nantes 2023 en janvier a été riche d’enseignement. Nous avions convié une demi-douzaine d’adhérents de JOICE à couvrir une douzaine de lettres de l’abécédaire, à travers leur expertise et leur expérience, sous le titre Le spectacle vivant & les tendances de l’innovation dans la culture de A à Z. Ces six intervenants (B4road, Recrewteer, Ace Good, Kaviar Tech, AlphaZoé et Proarti) représentaient diverses formes d’innovation : outils numériques, hautes technologies et aussi nouvelles approches responsables. Cet éventail illustrait le fait que l’innovation s’applique autant aux technologies qu’aux usages ou à la façon de mettre en avant des valeurs collectives ou individuelles, qu’on pourrait nomme « l’éthique ». Ils faisaient face aux réactions de deux intervenants témoins : Aude Merlet, experte Innovation du groupe Audiens, et Matthieu Dartiguenave, chargé d’étude Musiques actuelles à la Délégation à la musique du ministère de la culture. Outre le fait que j’ai appris plein de choses passionnantes, j’ai également noté que, dans notre auditoire de professionnels de la culture, certains jonglaient avec délice avec les concepts nouveaux quand d’autres ne comprenaient pas la moitié des termes utilisés !
Cela m’a rappelé qu’initialement, le mot illustrant la lettre A devait être « Aujourd’hui ». Pourquoi ce mot si banal ? Tout simplement parce que beaucoup de professionnels de la culture n’ont encore intégré ni la pertinence, ni la valeur ajoutée, ni le potentiel d’efficacité d’idées, d’outils ou de concepts « innovants »… qui circulent pourtant depuis le début de ce siècle. Alors les concepts de demain leur passent un peu au-dessus de la tête… quand ils ne représentent pas une menace. S’ils ont eu raison de voir défiler avec flegme Second Life et d’autres hypes sans lendemain, ils ne pourront pas éternellement ignorer ceux qui risquent de s’imposer à eux, et dont l’adoption tardive, si elle arrive, sera pénalisante pour eux, et pour la culture dans notre pays.
Alors, pour prendre le taureau par les cornes, rendez-vous la semaine prochaine pour la première pièce de ce puzzle alphabétique, qui s’intitulera AI (Artificial Intelligence), un concept ô combien prometteur… et polémique.