Pour une obligation vaccinale contre le Covid
Pour une obligation vaccinale contre le COVID
Voici le texte de la carte blanche que j'ai rédigée pour le magazine HESAMAG (une version plus longue développant les princpaux arguments sera rédigée ultérieurement)
Il sera question de cela (et des autres conflits sociaux et politiques concernant le Covid) ce soir dans le cadre de la chaire Marcel Liebman
La vaccination : une question politique collective
Le samedi 9 octobre, au cours d’une manifestation à Rome contre le pass sanitaire, les manifestants ont attaqué le siège de la principale confédération syndicale italienne, la CGIL. Peu après, ils ont tenté de s’emparer du siège de la Chambre des députés. Ils ont alors été repoussés par la police.
Cet événement me semble révélateur de ce que porte potentiellement la mouvance covido-sceptique. Il s’agit d’un camp hétéroclite tant en ce qui concerne ses références politiques que par sa composition sociale. Dans plusieurs pays d’Europe, l’extrême-droite y joue un rôle important mais cela ne suffit pas à comprendre comment il parvient à agréger de nombreux individus.
Faute de trouver une meilleure expression, j’utilise le terme covido-sceptique pour souligner la continuité d’un ensemble de mobilisations apparues tout au long de la pandémie. Les cibles ont évolué dans le temps. Au départ, il y avait une contestation de la gravité de la situation. Cela paraît aujourd’hui impossible avec plus de 5 millions de morts enregistrés dans les statistiques. Tour à tour, ont été remises en cause les contraintes collectives, comme le port du masque, des mesures de confinement, l’interdiction ou la limitation de certaines activités, la vaccination et, depuis plusieurs mois, l’institution de pass sanitaires.
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Les gouvernants ont favorisé l’émergence de ce mouvement. Leurs dénis concernant la gravité de la pandémie, leurs changements de position sur le port du masque les ont décrédibilisés. La gestion de la crise a été menée de façon autoritaire. Elle a ignoré les inégalités sociales et s’est écartée de la mobilisation des savoirs « d’en bas » dont la crise du SIDA avait montré l’importance. Cela a miné les politiques de prévention, y compris dans ce qu’elles ont de plus justifié et de plus rationnel.
Les covido-sceptiques critiquent l’autoritarisme des politiques publiques tout en étant à la recherche d’hommes providentiels dans la science comme dans la politique. Ils adhèrent souvent à ce qu’on appelle aux Etats-Unis des positions libertariennes. La liberté individuelle est considérée comme une valeur absolue qui abolit toute obligation de solidarité. Cela autorise l’incohérence et les mensonges dans une vision où la réalité du monde se réduit à un concours sans arbitre de narrations individuelles. L’atomisation extrême d’individus qui se vivent comme des monarques absolus sur leur territoire permet la formation de foules offensées à la recherche de chefs qui agglomèrent préjugés et frustrations. Même si les camps covido-sceptiques et climato-sceptiques ne se recoupent qu’en partie, ils partagent la même attitude de défiance systématique envers la science et envers les média. Ils ont recours à une même désinformation cynique. A travers les réseaux sociaux, les rumeurs peuvent devenir planétaires en quelques heures.
Au Brésil avec Bolsonaro et, dans une large mesure, aux Etats-Unis avec Trump, le camp covido-sceptique et les politiques étatiques ont fusionné. En Europe, ce n’est pas le cas. Cette situation favorise les ambiguïtés et les hésitations d’une partie de la gauche et du mouvement syndical.
Les pass sanitaires ont un rôle positif à jouer tant que la vaccination ne sera pas généralisée dans le monde. Actuellement, ils existent dans tous les pays de l’Union européenne (à l’exception de la Suède) avec des modalités très variables. Ils attestent qu’une personne a été vaccinée, a été testée négative très récemment ou qu’elle a été atteinte du Covid et est guérie depuis moins de six mois. Ils sont la condition pour participer à certaines activités où les risques d’exposition au Covid sont plus élevés. Ils ont une double fonction : freiner les contaminations et contribuer à une progression de la vaccination.
Le recours à des pass sanitaires sur les lieux de travail pose problème. Il élargit les domaines où le patronat exerce son autorité alors même que des mesures de prévention collective efficaces sont rarement mises en place. Une alternative pourrait être la vaccination obligatoire dans le cadre de la santé au travail. Cette mesure semble difficile à mettre en oeuvre parce que le risque de contamination concerne potentiellement la totalité des travailleurs salariés et indépendants ainsi que des usagers. Pour éviter toute discrimination, je partage la revendication, formulée par les principales confédérations syndicales italiennes, de vaccination générale obligatoire de la population dans le cadre de la santé publique. Il s’agit de sortir la vaccination d’un processus de décision où la perception qu’a chaque individu de ses avantages et inconvénients pour sa propre personne l’emporte sur la nécessité vitale de protéger la collectivité et notamment les catégories sociales les plus exposées au risque.
Cette revendication n’a de sens que si la vaccination est conçue au niveau mondial. Elle devrait donc être liée à celle de la levée des brevets sur les vaccins. Il existe aujourd’hui des capacités de production suffisante pour assurer un accès au vaccin partout dans le monde. Les profits énormes réalisés dans ce secteur sont d’autant plus indécents que l’essentiel de la recherche a été financée par des budgets publics