Pourquoi cet homme est-il intéressant?

Je ne me permettrais pas de juger sur le fond les propos du Pr RAOULT, mais uniquement de revenir sur la forme et sur l'intérêt que je vois à ses prises de positions dans le cadre de la gestion de crise.

En effet, le Pr RAOULT avec son approche décalée et son analyse atypique de la crise sanitaire que nous traversons nous impose de modifier notre propre prisme sur cette crise. "Ce pas de côté" est à mon sens une chance pour les acteurs de cette crise.

Pourquoi une chance?

La gestion de crise se décompose en 5 phases: la planification, la détection des signaux faibles, la conduite de la crise, le retour à la normale et le retour d'expérience. Or en dehors de sa durée, la spécificité d'une crise majeure repose souvent sur le niveau d'incertitude lié à son caractère holistique (global), qui rend très complexe la prise de décision. Cette prise de décision est souvent le résultats d'échanges (briefings, réunions...) entre les différents acteurs de la crise (inter-services, d'experts, CODIR, ministères...). Le biais cognitif de ces réunions est souvent la recherche de compromis, ce qui peut exclure les visions décalées qui malheureusement sont parfois audacieuses.

Pourquoi ces visions peuvent être audacieuses?

La plupart des experts, sans remettre en cause leurs compétences, auront tendance à faire reposer leur analyse sur des évènements passés, sur leur propre expérience et une approche sectorielle. Cette expertise apporte bien souvent une partie de la réponse mais elle reste souvent parcellaire. Les visions décalées, sous un autre angle, ont cette capacité de faire "bouger les lignes" et permettent de voir la crise dans sa globalité.

A quoi sert de voir la crise dans sa globalité?

En dehors de la phase de conduite de la crise, cette vision me semble primordiale dans la phase de planification de la crise, car pour paraphraser D. RUMSFELD, "les catastrophes qui nous prennent par surprise résultent d'un manque d'imagination". Une autre caractéristique des crises majeures et qu'elles sont le plus souvent non conformes aux prévisions, d'où l'importance de constituer des équipes pluridisciplinaires (divers formations, interne et externe à la structure...) dans la phase de planification. L'exemple de plus parlant concerne les prévisions météorologiques et l'évolution du climat qui reposent à la fois sur des données connues permettant de faire des prévisions et qui dans ses prospections à moyen et long terme doit prendre en compte de nombreuses incertitudes. Autant les prévisions reposes sur des analyses fines de données maîtrisées, autant la prospection sur les évolutions climatiques est souvent le résultat d'un consensus de différents comités, alors que ces changement seront peut-être très différents de ces modélisations théoriques. En effet, qui peut affirmer que les évolutions climatiques à venir se feront sur une longue période, qui maîtrise totalement les boucles rétroactives climatiques, qui peut affirmer qu'un petit âge de glace ne se reproduira pas comme au moyen-âge, qui peut affirmer que le point d'équilibre climatique n'a pas été franchi et que les températures ne vont pas s'élevées de manière très brutale?

Conclusion

Je n'ai malheureusement pas la réponse à toutes ces questions, mais dans cette période actuelle aussi complexe, nous devons prendre conscience que tout est incertain, notre société, notre modèle de croissance, l'économie, la planète... et nous devrons faire avec. Les responsables de la gestion de crise doivent prendre en compte le plus en amont possible ce caractère holistique des crises majeures à venir et non pas uniquement se limiter à des scénarios sectoriels voir simplistes des crises, afin d'anticiper au mieux les réponses opérationnelles. Ils doivent constituer des équipes pluridisciplinaires durant les phases de planification et de conduite de la crise, capable de prendre en compte les visions transverses. Ces deux points me semblent essentiels pour affronter avec plus de sérénité le "nouveau normal" et de rester proactif face à l'adversité.