Pourquoi la voix des LFI est insupportable : suite

Vous allez probablement croire que c’est de l’acharnement. Peut-être aurez-vous raison. 🙂 Mais le fait que le propos de LFI, la manière en tout cas dont il est “vocalisé”, pose vraiment question tant il est clivant, agressif, agité, indigné, en colère et tout ce qu’on veut. Et ce, peu importe la personne, c’est ce qui est stupéfiant !

On a moins cette impression avec des partis de gouvernements comme Renaissance, LR (quoique certains de leurs membres peuvent sonner assez radicaux), voire le RN, qui présentent tous une image très lissée au niveau de leurs prises de parole.

Donc comment cela se fait-il que la voix de LFI passe aussi mal auprès du grand public ? J’ai peut-être un début d’explication.

Voice averaging

Voice averaging, ça peut se traduire par lissage vocal. Plus une voix est lisse, donc sans aspérité, et sans périodicité harmonique, au niveau de la fréquence fondamentale, plus elle semble attractive pour ceux qui écoutent.

C’est exactement ce qui est utilisé actuellement dans la synthèse vocale, la fabrication de voix synthétiques à partir de voix existantes, notamment pour les assistants vocaux comme ALEXA ou SIRI. On prend un maximum d’échantillons sonores qu’on “moyenne” et qu’on lisse pour qu’elle soit aussi attrayante que possible auprès des auditeurs. Acoustiquement, elle sera apériodique. Au contraire, s’il y a de la périodicité, des interruptions ou des aspérités, ce sera moins attrayant.

Il en va de même pour l’adhésion via la forme d’un visage. Plus celui-ci sera régulier, plus on tendra à lui faire confiance.

Le parallèle est peut-être un peu lointain mais on peut éventuellement se dire que les cadres d’un parti politique choisissent leurs représentants par rapport à leur image mais aussi leur voix, qu’ils estiment dans les deux cas représentatifs. Avec l’adhésion, inconsciente, des électeurs à ces facteurs assez inconscients en fait.

Amusons-nous alors à observer quelques voix qu’on peut considérer comme représentatives de la France Insoumise, et comparons les avec d’autres voix.

Le choix des échantillons est personnel, donc loin d’être exhaustif. Et il est probablement biaisé, j’en suis désolé d’avance. Mais au moins il ouvrira une réflexion un peu plus large sur les voix de nos élus et ce qu’ils représentent comme tendance de fond.

Mathilde Panot

Je reboucle sur elle et Marion Maréchal Le Pen. Mais la comparaison mérite un retour sur image.

Les fréquences de base chez MMLP sont nettes et la voix lisse, sans aspérités, apériodique, alors que celle de MP est beaucoup plus irrégulière dans son débit, avec des parasites dans les harmoniques aiguës qui sont les caractéristiques d’un forçage vocal. C’est ce qu’on appelle la périodicité, qui est bien visible chez elle.

Il y a un vrai décalage ici, une opposition de styles assez flagrante. Les deux se veulent proches du peuple, mais peut-être pas du même !

Rodrigo Arenas et Amélie Oudea Castéra

Un autre comparatif intéressant : la confrontation entre Rodrigo Arenas et Amélie Oudéa Castéra. A noter, l’échantillon que j’ai choisi pour Mme la Ministre est le seul moment où j'ai pu trouver du silence dans l’assemblée…

La voix de M. Arenas est aiguë, avec des sautes de registres et interruptions de débit, elle a de la périodicité harmonique. En revanche, celle de Mme Oudéa Castéra est assez continue, posée et lisse malgré les circonstances, plus apériodique. On reviendra sur cet aspect lisse et sans aspérité et ce qu’il veut dire.

Mais on a encore une fois une vraie opposition de styles, avec une voix qui est limite en mauvaise santé, celle de M. Arenas.

Raquel Garrido

Ici le spectre de la voix de Raquel Garrido, sur le plateau d’Europe 1, où on voit clairement les nombreuses interruptions de débit et une légère périodicité de la texture de la voix.

Discussion

Bien sûr, concernant M. Arenas et Mme Garrido, le biais chilien est à prendre en compte car ils ne sont pas natifs de France. Mais les aspérités se voient. Et on l’interprète forcément comme de l’indignation puisqu’il y a périodicité harmonique (des interruptions dans la fréquence fondamentale et un débit qui n’est pas fluide, sans compter les sautes de registres de la voix de poitrine à la voix de tête), au contraire d’une apériodicité harmonique, où il n’y a pas d'interruption dans la phonation.

Ces échantillons me semblent représentatifs d’une tendance vocale assez nette concernant la gauche radicale en général et la France Insoumise en particulier. 

Si on élargit un peu le spectre politique, amusez-vous à comparer Daniel Cohn Bendit (les verts à l’époque) et Bruno Gollnisch (FN), l’un étant indigné et avec une voix peu lisse (périodique), et l’autre avec un débit de paroles calme, posé et une voix qui porte avec une émission régulière (apériodique). 

Ecoutez aussi Mme Sandrine Rousseau, dont la voix oscille souvent entre la voix de tête et la voix de poitrine et semble cassée (périodique) et comparez-la avec celle de Yannick Jadot, plus lisse et plus rassurante. L’une est disruptive et l’autre représente une tendance “de gouvernement”....

La comparaison précédente entre M. Arenas et Mme Oudéa Castéra est aussi très évocatrice car elle confronte, d’une certaine manière, deux mondes politiques et deux types d’électeurs, l’un représentative d’une indignation constante et l’autre symbolisant une certaine déconnexion de la réalité, très lisse.

En fait, les voix des LFI présentent quasiment toutes de la périodicité harmonique. Elles ne sont pas lisses et présentent beaucoup d’aspérités. Cela choque un électorat qui ne fait pas partie de leurs partisans, car ces voix ne sont pas en conformité avec ce qu’ils attendent d’un représentant “à la hauteur de sa fonction”. Mais elles sont “normales” du point de vue de l’électorat de LFI, qui recherche justement des personnalités indignées et qui se reconnaît dans ce type d’expression.

D’où un gros décalage entre les partisans de LFI et le reste de la population.

Cela se voit, et cela s’entend.