Pourquoi le programme 40000 logements au Burkina Faso a t-il été un échec ?
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Pourquoi le programme 40000 logements au Burkina Faso a t-il été un échec ?

En 5 ans, le Ministère en charge des questions d’urbanisme et d’habitat a changé de dénomination deux fois de suite. On est passé récemment de Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Ville, à Ministère du Développement Urbain, de l’habitat et de la Ville. Pourquoi ? Je ne saurai vous le dire. Sauf que ça soulève en moi beaucoup d’inquiétudes. 

Le 23 décembre, ce ministère a effectué une communication pour faire le bilan de ses activités et ce qui m’a le plus marqué concerne le programme 40.000 logements au profit de toutes les catégories socio-professionnelles. Débuté en 2017, ce programme entamera en 2022 sa dernière année de mise en œuvre mais n’est arrivé à produire que 6000 logements sur 40.000 escomptés : un échec selon le ministre lui-même qui a ajouté qu’ils n’ont pas politique sociale de logement.

Je salue la sincérité de ce propos. Un constat que j’ai toujours fait et que j’ai toujours dénoncé. Je n’ai jamais été convaincu par la politique du logement au Burkina Faso comme je ne suis pas non plus convaincu par les résultats de la stratégie de résorption des non-lotis quartiers informels dans les 13 capitales régionales. Les rapports de cette précédente stratégie révèlent que plus de 4 millions de personnes, soit 20% de la population burkinabè résident dans les quartiers informels de ces 13 villes capitales régionales. Quel pourcentage aurait-on si on étendait cette statistique à l’ensemble des 49 villes du pays ? En considérant le taux d’urbanisation de 26,3 % (RGPH 2019), c’est déjà moins de 6% des citadins dans nos villes au Burkina Faso qui résident dans des quartiers formels.

Le marché du logement au Burkina Faso est ce qu’on pourrait qualifier d’hybride. Compte tenu des problèmes de ciblage des besoins réels et de la viabilité de son intervention, le secteur public, gros pourvoyeur de logement dans le passé (plus de 4200 logements produits en 5 ans par la révolution), préfère dans sa présente stratégie abandonner ce créneau au profit des opérateurs privés formels comme informels, si bien qu’on se retrouve face à une impasse.

Comment expliquer une urbanisation aussi informelle ? Comment comprendre la percée de la promotion foncière déguisée en promotion immobilière ? Comment expliquer l’échec de la politique nationale du logement ?

Je m’explique en m’appuyant sur les recherches du Dr Seydou_SERE qui a soutenu sa thèse à l’université de Rennes sur l’accès au logement des jeunes à Ouagadougou.

Il a identifié dans ses recherches quatre pratiques ou stratégies d’accès au logement : la voie des non loti ou lotissements, des promoteurs immobiliers, les particuliers ou démarcheurs informels (auto construction) et par l’Etat (parcelles, logements sociaux et économiques). Il a relevé que les stratégies les plus développées sont celles du non-loti, et de l’auto-construction.

Beaucoup de villes ont connu leurs derniers lotissements depuis les années 2000. Face au coût élevé des terrains, les non lotis sont devenus les zones préférentielles de résidence des nouveaux ménages. Pourtant, pendant longtemps, l’aménagement formel préalable du tissu urbain a été posé comme conditionnalité à la fourniture des services urbains de base (l’accès à l’eau, à l’électricité, etc.). Ce qui a laissé des pans entiers de quartiers informels de beaucoup de villes dans un processus de densification continue sans services.

M. SERE a par ailleurs relevé l’accentuation du caractère centrifuge des trajectoires résidentielles des jeunes dont le motif est l’accès au logement qui lui-même, est conditionné par l’accès à la propriété foncière selon nos pratiques d’urbanisme. En réalité, ce n’est pas la construction du logement qui est une problématique pour les ménages, mais plutôt l’acquisition du foncier. La préférence de l’auto-construction des jeunes ménages a d’ailleurs été soulignée par les recherches de M. SERE. Payer directement un logement construit n’est pas une habitude sociale ancrée sans compter souvent la qualité des logements construits qui très souvent laissent à désirer.

Par ailleurs, j’ai parcouru le mémoire d’un jeune étudiant ingénieur géomètre de l’Ecole Nationale des Travaux Publics où il a étudié la méthode d’acquisition des logements construits. Il a relevé que 94% des acquisitions sont faites au moyen de prêts bancaires, et moins de 6% par achat en espèces. Combien de personnes en milieu urbain disposent d’un compte bancaire ? Combien ont la possibilité de fournir la garantie bancaire nécessaire pour bénéficier d’un prêt pour acquérir un logement ? De plus, ce n’est pas la privatisation actuelle de la banque de l’habitat qui va arranger les choses.

Il y’a donc une large partie de citadins, qui sont exclus d’office du programme nationale du logement et qui sont obligés de se replier sur les promoteurs immobiliers ou promoteurs fonciers formels ou informels.

L’échec de la politique du logement tient donc à une mauvaise compréhension de la demande actuelle, à une mauvaise stratégie financière et à une pérennisation conceptuelle et pratique des processus antérieurs de planification et d’aménagement qui ont encouragé l’informalisation de pans entiers de tissus urbains.

J’ajouterai que l’accès au logement est une problématique sociale. Tant qu’elle ne sera pas prise comme telle, il est fort que la situation d’impasse actuelle perdure.

Par ailleurs, je pense que pour régler durablement la question foncière au Burkina Faso, il faudrait traiter concomitamment le passif foncier de 2015, la question des non lotis et la bulle de la promotion immobilière. Prises séparément, les solutions seraient difficiles à trouver.  

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