Pourquoi les Français sont-ils révolutionnaires ?
La récente « révolte » des gilets jaunes est souvent comparée par certains journalistes aux jacqueries de l'Ancien Régime. Devons-nous voir derrière cet énième soulèvement un goût des Français pour le changement ?
- Un peuple éternellement mécontent
François Hollande lors de la campagne présidentielle avait compris cette volonté de changement que souhaitaient les Français, après le slogan du « travailler plus pour gagner plus » il proposait « le changement c'est maintenant ». Après un « quinquennat pour rien » disent certains journalistes un homme politique émerge : Emmanuel Macron. Grand inconnu au bataillon il semble être l'homme providentiel que les Français attendent. Le parti qu'il a créé « En Marche » manifeste cette volonté de changer les choses, d'aller de l'avant, il se pose ainsi en garant des futures réformes qu'il souhaite faire. Et pourtant après « l'an de grâce » le retour du terrain est âpre, les manifestations des gilets jaunes des derniers mois le montrent. Une partie des Français semblent réticents à ce changement, l'élection de M. Macron devait pourtant rassembler les Français. C'est bien le propre du président sous la Vème République d'unir le pays derrière lui : « Un pour tous et tous pour un ». Et pourtant cette unité semble bien mal en point, ce changement pourtant voulu n'est-il pas le symbole d'un mal propre à notre pays celui d'être éternellement insatisfait ? Retournons-nous un instant vers notre passé pour voir si cette insatisfaction existait.
- Mais où est le peuple ?
Si nous regardons avec attention le XIXème siècle, notre pays a connu pas moins de dix régimes successifs ! La Première République instaurée alors que le roi surnommé Monsieur Veto ne cessait de s'opposer aux décisions de l'Assemblée, il l'utilisa une dernière fois contre la déclaration de guerre de la France à l'Autriche. Le 20 juin 1792, la population se révolte contre le roi qui est emprisonné, le 21 septembre 1792 la royauté est abolie et la République proclamée. La République ne durera qu'une dizaine d'années en changeant quatre fois de mode de fonctionnement. Dans les premiers de ce siècle, l'ardeur révolutionnaire va être canalisée par Napoléon. Proclamé empereur des Français par une délégation du Sénat, il organise un plébiscite afin d'obtenir l'approbation du peuple, 99,9% des Français l'approuvent. Malheureusement pour Napoléon ses ennemis trop nombreux le poussent à abdiquer et à s'exiler à l'île d'Elbe. La France redevient une monarchie, mais constitutionnelle cette fois, Louis XVIII frère de Louis XVI exilé pendant la Révolution revient « dans les fourgons de l'étranger » comme le disaient ses détracteurs à l'époque. Mais Napoléon pense à revenir, persuadé qu'il est attendu et désiré par le peuple il débarque au golfe Juan le 1er mars 1815. Cette épopée comporte un épisode célèbre montrant l'adhésion des militaires, le 7 mars alors qu'il marche sur Grenoble, le général Marchand a fait la promesse à Louis XVIII de ramener le dissident corse dans une « cage en fer ». Mais une fois devant lui ses soldats hésitent, Napoléon s'avance vers eux et crie« Soldats du Roi ! Reconnaissez votre empereur ! S'il en est qui veulent me tuer, me voilà ! », ils se rallient alors à lui. Pendant ce temps Louis XVIII fuit à Gand, ce qui fera rire dans les chaumières où l'on surnomme le roi « Notre père de Gand ». Napoléon ne va cependant pas réussir à défaire ses ennemis européens, il est défait une dernière fois le 18 juin 1815 à Waterloo non loin de Bruxelles. Il abdique le 22 juin à Paris, Louis XVIII peut revenir prendre le royaume de France en main. Les Français semblent accepter ce changement de régime sans broncher, il faut dire que si Napoléon était plébiscité c'est du fait de ses victoires, une fois vaincu militairement il perd toute légitimité. Même les « hochets » (décorations, titres) qu'il avait distribués à ses soldats ne lui ont pas permis d'obtenir un soutien massif des Français à sa personne.
- Paris, ville révolutionnaire
La Seconde Restauration dure une quinzaine d'années et va voir deux rois se succéder, le premier Louis XVIII a la lourde tâche de réunifier le pays. L'Histoire ne retiendra de son image que celle qu'il donna en fin de vie, « un roi fauteuil », surnommé « Cochon XVIII » par les bonapartistes il échoua à rassembler tout le peuple derrière lui. Il permit tout de même à la Monarchie de demeurer tout en acceptant les principes révolutionnaires et en conservant l'héritage napoléonien. Son successeur Charles X derniers frère de Louis XVI ne pensait pas régner un jour. En essayant de se passer du parlement par ordonnance il provoque une révolution à Paris. Le 27, 28 et 29 juillet 1830, des barricades sont montées à Paris et le roi se retire à Rambouillet et abdique le 2 août 1830. Il n'aura fallu que quelques jours pour renverser le pouvoir, Charles X confie au duc d'Orléans son cousin la tâche d'annoncer son abdication en faveur de son petit-fils le duc de Bordeaux âgé de 9 ans. Le duc d'Orléans devient régent et conserve le pouvoir jusqu'en 1848. Louis Philippe a mené une politique libérale qui a paupérisé de nombreux ouvriers et paysans, la bourgeoisie libérale quant à elle ne rêve que de la Grande Révolution et de Napoléon Ier. Le 22 février 1848, la coupe est pleine, un banquet organisé par les républicains dégénère. En effet, le roi avait interdit la réunion de ces banquets sur la voie publique par une loi du 9 juillet 1848 interdisant les manifestations. Ces banquets permettaient de contourner la loi. Ce banquet du 22 février interdit par le roi met le feu aux poudres. Des ouvriers et des paysans rejoignent le banquet et le lendemain c'est la Garde nationale qui se joint aux émeutiers. Le soir du 23 février, une manifestation dégénère, un coup de feu est tiré, l'armée réplique tuant des vingtaines de personnes. Des barricades sont dressées dans toute la capitale, le palais Bourbon est envahi par la foule. Le 24 février 1848, la République est instaurée jusqu'au coup d'État de Napoléon III. Élu en décembre 1848, jugé manipulable par les députés, il va s'imposer dans la sphère politique notamment par la pratique du plébiscite. Le premier organisé en décembre 1851 lui permet d'obtenir les pouvoirs nécessaires pour réécrire une Constitution. Il souhaite la réécrire, car celle-ci lui interdit de se représenter au terme de son mandat. Il choisit la date du 2 décembre 1851 pour faire un coup d'État, en référence au sacre de Napoléon le 2 décembre 1804 et à la bataille d'Austerlitz remportée le 2 décembre 1805. Ce coup d'État réussit et Napoléon III afin d'assurer sa légitimité sur le peuple organise un plébiscite dont la question porte sur le rétablissement de l'Empire. Le « oui » l'emporte, le Second Empire est instauré le 2 décembre 1852. Napoléon III va régner 18 années sans pour autant réussir à rassembler une élite acquise à ses idées. La défaite de Sedan le 1er septembre 1870 face à la Prusse, la République est proclamée le 4 septembre 1870 à la suite de l'incursion d'émeutiers dans le palais Bourbon. Un gouvernement de défense nationale est instauré avec le général Trochu à sa tête, mais en janvier 1871 le gouvernement négocie un armistice avec l'Allemagne nouvellement institué. Celui-ci sera signé le 10 mai 1871 sous le nom de traité de Francfort, mais attardons-nous un instant sur la réaction des Parisiens. La guerre de 1870 a malmené la capitale victime de bombardement, la population a souffert de la faim, l'assemblée est vue comme pleine de députés « ruraux ». La révolte débute le 18 mars 1871 alors que le gouvernement Thiers ordonne de saisir les 227 canons de la Garde nationale. Ces canons sont financés par l'argent des Parisiens ce qui entraine l'incompréhension des Parisiens, deux généraux sont exécutés par la foule en colère. Le gouvernement monte en hâte une armée afin d'éliminer cette insurrection parisienne, le 21 mai l'armée dite « versaillaise » élimine les insurgés. La « semaine sanglante » comme elle sera nommée dure du 21 mai au 28 et fait plus de 900 morts côté versaillais et plus de 10 000 côtés communards. La République rompt pour plusieurs années avec le socialisme, le peuple en arme divise.
- Et aujourd'hui ?
Par ce bref coup d'œil vers le passé nous voyons que les régimes qui se sont succédé en France sont le fruit d'événements multiples où de nombreux acteurs agissent, citoyen, représentants du peuple, militaires. Le système politique influence le peuple dans sa manière d'interagir avec le pouvoir, celui-ci peut-être renversé à la suite d'événements qui peuvent paraître anodins au moment où ils surviennent. C'est l'action des hommes politiques et des citoyens qui mène dans un sens ou dans un autre. A nos hommes politiques et à nous citoyens de faire le bon choix pour nous mener à travers les eaux troubles de l'Histoire. N'oublions pas comme je le dis à mes élèves que, ce que nous vivons sera dans nos manuels demain, à nous d'être acteur de notre futur passé.