La difficulté d'enseigner au XXIème siècle
Lorsque l'on discute avec des personnes qui travaillent dans le domaine de l'éducation et en particulier avec des enseignants nous pouvons être parfois surpris de la manière dont ils parlent de leurs élèves ou patients. S'il y a bien une chose qui m'a frappé lors de mon premier stage en établissement du second degré (collège), c'était le langage utilisé par les professeurs pour parler des élèves ou des classes qu'ils avaient à charge : « le petit Jean est vraiment pénible. », « la classe de 4ème est tellement chiante, on arrivera jamais à terminer le programme. »
Ces propos entendus de-ci de-là dans la salle des professeurs m'avaient surpris et même choqué. Je pensais que les enseignants avaient à cœur de discuter entre eux des élèves en employant un vocabulaire plus « approprié » et moins « cru ». Après avoir discuté avec ces enseignants j'ai simplement remarqué que c'était une façon pour eux de souffler, que ce qu'ils disaient était en fait du second degré. Je précise que cet exemple est simplement une accroche et que je ne cherche pas à faire de généralisation.
Vous l'avez compris, je souhaite aborder dans cet article la difficulté d'enseigner aux jeunes de la « génération Z » (née après l'an 2000). Cela ne veut pas dire que dans les salles des professeurs il n'y avait jamais de critique des élèves avant, je ne pourrai pas le dire n'étant pas là. Nous verrons les difficultés inhérentes à cette génération. A savoir le problème de concentration des élèves. Ensuite je parlerai de la pluralité des niveaux et enfin de la difficulté de l'idéologie de notre siècle : l'individualisme.
- Les écrans
Les adolescents de 16 à 24 ans passent plus de 3h30 par jours devant les écrans du téléphone, de la télévision ou de l'ordinateur. Je ne vais pas m'étendre sur les problèmes que cela pose sur la santé mais simplement revenir sur l'attitude que cela semble engendrer chez certains élèves. Les écrans peuvent devenir nocifs pour le travail d'un jeune à cause du temps passé dessus. En majorité si vous questionnez des élèves, ils y vont pour vérifier les notifications qu'ils ont reçus, pour jouer en ligne ou pour faire des recherches quelconques. Internet est une mine d'or mais aussi un labyrinthe sur lequel on passe très vite beaucoup de temps. Les écrans sont chronophages et c'est bien ça le risque, les écrans ne sont pas un souci en tant que tel si les jeunes savent s'autoréguler. Souvent ce n'est pas le cas, ce sont aux parents d'être vigilants sur ce point et de définir des règles.
Si nous revenons sur le temps passé derrière les écrans, ce temps n'est pas disponible pour l'apprentissage des leçons. De plus, les écrans peuvent grignoter le temps de sommeil ce qui se caractérise en classe par des élèves qui dorment ou qui sont fatigués et dont le cerveau est indisponible pendant une bonne partie de la matinée.
Il est conseillé d'éteindre les écrans au moins 1 heure avant de se coucher et de lire à la place ou de relire ses leçons !
Dans l'école où je suis, il est fortement conseillé aux parents de réduire le temps d'écran de leurs enfants s'ils veulent que les résultats scolaires augmentent. Cette solution ne fonctionne pas tous le temps mais pour certains élèves ça marche.
- La pluralité des niveaux
Vous avez peut-être, souvent, entendu des enseignants dire « le niveau des élèves est beaucoup trop hétérogène dans cette classe, je ne peux pas faire cours à tout le monde. »
C'est un constat que j'ai moi-même pu faire, nous avons des classes avec des niveaux souvent très hétérogènes ce qui pose la question de la manière d'enseigner. Ce défi se retrouve dans l'ensemble des établissements publics, privés et hors contrat confondus. Je parle ici de défi et non pas de problème car c'est bien au professeur de réussir à adapter son cours aux élèves. Il est vrai que parfois ce grand écart entre élève très brillant et élèves en difficulté peut poser des problèmes en classe. La dernière réforme du collège a souhaité s'attarder sur cet éternel problème et propose pour le résoudre la recette magique « le travail en îlot ». Qu'est-ce que cela signifie ? Il s'agit de mettre les élèves par groupe de deux, trois ou quatre et de les faire travailler sur un document. Le professeur passe pour aider les « îlots » en difficultés et vérifier le travail. L'idée n'étant pas mauvaise, les « plus faibles » seront aidés par les « plus forts » et ils progresseront ainsi ensemble. Dans l’idée cela semble bien mais dans les faits, ce sont plutôt régulièrement les plus forts qui travaillent et les plus faibles qui attendent que le temps passe.
- Une société en pleine recomposition ou décomposition ?
La montée de l'individualisme depuis ces dernières décennies ne cesse de pousser les individus à s'occuper d'eux-mêmes et non de leur semblable. Je ne suis pas responsable de l'attitude de mon voisin, s'il ne réussit pas, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. La fameuse fraternité qui fait partie de la devise de la République française se fragmente au fur et à mesure. Il ne s'agit pas d'un vain mot, mais d'un constat que l'on peut malheureusement tous faire en se promenant dans la rue. Cela se retrouve aussi dans les cours de récréation et bien-entendu en classe. Les élèves sont parfois violents, ils ont du mal à penser le « nous » car pensent d'abord au « je ». Il est difficile de faire comprendre que ce « je » n'est permis que si le « nous » existe. Mon propos peut paraître très théorique, aussi je vais l'expliciter par un exemple. Dans une classe où vous avez une trentaine d'élève si chacun parle à son voisin et ne cherche aucunement à respecter les règles on peut dire que le « nous » n'existe pas. Ou plutôt il existe mais n'est pas pris en compte par les élèves trop occupés à s'occuper du « je ». En bref, Marouan veut un crayon, il le prend à son voisin sans lui demander la permission. Dans une société, on appelle cela du vol, la loi du plus fort règne alors. Nous revenons à un certain état de nature cher à Rousseau.
Ainsi la classe est à mon avis un laboratoire de ce que sera la société de demain. Cela en dit long sur ce que risque d'être notre société sans un réel retour à l'équilibre.
J'essayerai de présenter dans un prochain article les mesures qui peuvent être mise en place afin de recréer ce lien dans la société. Vous vous doutez que l'Histoire aura son mot à dire.
Traducteur-interprète juridique et financier – espagnol, anglais et portugais > français
5 ansMerci pour cet article Josselin ! Oui, la génération Z fonctionne différemment, mais cela rend le défi d'autant plus passionnant ! Sur la question des écrans, je pense à la fois que l'école doit être un lieu de résistance et que l'on peut saisir (modérément) les opportunités que nous offrent les nouvelles technologies en matière de ressources pédagogiques. Lorsque je dispense des cours particuliers, il m'arrive de me baser sur des manuels qui ont fait leurs preuves, sans utiliser d'ordinateur. Mais j'utilise parfois de bonnes vidéos sur YouTube pour faire progresser les élèves en compréhension orale et en prononciation. Tout est une question de mesure..