Prescription de l'action pénale

Prescription de l'action pénale

I. Droit pénal ordinaire

A titre préliminaire, il convient de relever que l’art. 389 #CP étend le principe de la non-rétroactivité aux dispositions en matière de la #prescription. Ainsi, sauf disposition contraire de la loi, les dispositions du nouveau droit concernant la prescription de l’action pénale et des peines sont applicables également aux auteurs d’actes commis ou jugés avant l’entrée en vigueur du nouveau droit si elles lui sont plus favorables que celles de l’ancien droit (al. 1) ; il est tenu compte du temps pendant lequel la prescription a couru avant l’entrée en vigueur du nouveau droit (al. 2).

A.    Dies a quo de la prescription

Selon l’art. 98 CP, le dies a quo de la prescription correspond au jour où l’auteur a exercé son activité coupable (let. a), au jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou au jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine durée (let. c).

L’art. 98 let. a CP vise les délits instantanés. Quant aux délits de résultat, le Tribunal fédéral suisse TF a précisé que c’est le moment auquel l’auteur a exercé son activité coupable et non celui auquel se produit le résultat de cette dernière qui détermine le point de départ de la prescription, de sorte que des actes pénalement répréhensibles peuvent être atteints par la prescription avant qu’en survienne le résultat (ATF 134 IV 297). À titre illustratif, le début de la prescription coïncide, en matière de lésions corporelles par négligence, avec le moment où l'auteur a agi contrairement à ses devoirs de prudence ou, en cas de délit d'omission improprement dit, avec le moment où le garant aurait dû agir ; si ce devoir est durable, la prescription ne commence à courir qu'à partir du moment où les obligations du garant prennent fin (TF, 6B_476/2019).

L’art. 98 let. c CP vise les délits continus. Deux exemples jurisprudentiels : 

  • Art. 305ter CP. L’obligation de vérifier l’identité de l’ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances naît avec la relation d’affaires et subsiste jusqu’au terme de celle-ci. L'intermédiaire financier qui, dans le cadre d’une relation d’affaires durable, effectue des actes de gestion sans identifier l’ayant droit économique agit en permanence de manière contraire au droit. La violation de l’obligation de diligence dans les opérations financières se caractérise alors comme un délit continu. Dans cette hypothèse, la prescription court du jour où s’éteint la relation d’affaires, partant le devoir d’identification y relatif, ou du jour où l’intermédiaire financier régularise la situation illicite ainsi créée en identifiant l'ayant droit économique des valeurs patrimoniales qu'il gère (ATF 134 IV 307).
  • Art. 37 #LBA. L’obligation de communiquer prévue à l’art. 9 LBA ne cesse pas avec la fin des relations d’affaires, mais dure aussi longtemps que les valeurs peuvent être découvertes et confisquées. Dans le cas visé à l'ATF 142 IV 276, elle a pris fin le jour où le Ministère public de la Confédération a ouvert une enquête de police judiciaire à la suite de la dénonciation par un autre intermédiaire financier; ainsi, la prescription a commencé à courir dès l'ouverture de l’enquête de police judiciaire.

L'art. 98 let. b CP vise plusieurs actes formant une unité. Le Tribunal fédéral suisse TF a abandonné la jurisprudence consistant à appliquer cette disposition sur la base de la figure de l’unité sous l'angle de la prescription. Désormais, il l'applique en cas d'unité juridique ou naturelle d’actions entre les différents actes commis. S’agissant de l’unité juridique d’actions, elle existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose, par définition, de fait ou typiquement, la commission d'actes séparés (ex. brigandage, art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes (ex. gestion fautive, art. 165 CP). Quant à l’unité naturelle d’actions, elle existe lorsque des actes séparés procèdent d’une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l’espace (ATF 132 IV 49).

B.    Dies ad quem et interruption de la prescription

Le dies ad quem de la prescription pénale est fixé à l’art. 97 CP.

Le délai de prescription se détermine en fonction de la peine menace. A teneur de l'art. 97 al. 1 CP, l’action pénale se prescrit:

  • par 30 ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté à vie (let. a) ;
  • par 15 ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de 3 ans (let. b) ;
  •  par 10 ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de 10 ans (let. c)
  •  par 7 ans si la peine maximale encourue est une autre peine (let. d).

Selon l'art. 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu. Cela appelle les remarques suivantes :

  • Sont des jugements de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP, au-delà desquels la prescription ne court plus, non seulement les prononcés de condamnation, mais également ceux d’acquittement (changement de jurisprudence, ATF 139 IV 62). En revanche, dès que le prononcé de condamnation ou d’acquittement entre en force, la prescription continue à courir, de sorte qu'il n'y pas d’interruption de prescription pour la révision.
  • Nonobstant le fait que l’ordonnance de classement équivaut à un acquittement (art. 320 al. 4 CP), la prescription continue à courir lorsqu’une ordonnance de classement a été rendue, étant donné que cette dernière ne constitue pas un prononcé sur le fond (TF, 6B_479/2018).
  • La prescription ne court plus lorsqu’une ordonnance pénale a été rendu, à moins qu'une opposition soit formée à son encontre (ATF 142 IV 11). En effet, une ordonnance pénale frappée d’opposition n’est pas un jugement de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP, l’opposition étant une voie de rétractation produisant un effet ex tunc (l’ordonnance cesse d’exister comme décision juridictionnelle).
  • Désormais, le régime applicable au jugement par défaut est similaire à celui de l’ordonnance pénale et non plus à celui du jugement de première instance. Un jugement par défaut n’interrompt donc plus la prescription (changement de jurisprudence, ATF 146 IV 59). Le Tribunal fédéral suisse TF a précisé cependant qu’un jugement par défaut n’est considéré comme un jugement de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP qu’à la condition résolutoire qu’aucune demande de nouveau jugement ne soit déposée ultérieurement et que le jugement par défaut ne soit pas remplacé par un nouveau jugement ; si un nouveau jugement est rendu après l’admission de la demande de nouveau jugement, le jugement par défaut devient caduc ; le temps écoulé entre les deux jugements doit être pris en compte pour le calcul de la prescription de l’action pénale. 

II.   Droit pénal administratif

A.    En général

La loi fédérale sur le droit pénal administratif (#DPA) s’applique lorsqu’une autorité administrative fédérale est chargée de poursuivre et de juger des infractions réprimées par la législation administrative fédérale (art. 1 à 2 DPA).

En droit pénal administratif, à l’issue de son enquête, l’administration décerne un mandat de répression ou suspend l’enquête (art. 62 al. 1 DPA). Quiconque est touché par un mandat de répression ou une ordonnance de confiscation peut faire opposition dans les trente jours suivant la notification (art. 67 al. 1 DPA). Si aucune opposition n’est formée dans le délai légal, le mandat de répression ou l’ordonnance de confiscation est assimilé à un jugement passé en force (art. 67 al. 2 DPA). En cas d’opposition, l’administration reconsidère le mandat ou l’ordonnance attaqué à l’égard de tous ceux qui sont touchés (art. 69 al. 1 DPA). Après son nouvel examen, l’administration suspend l’enquête ou rend un prononcé pénal ou un prononcé de confiscation (art. 70 al. 1 DPA). Quiconque est touché par un prononcé pénal ou par un prononcé de confiscation peut, dans les 10 jours suivant la notification, demander à être jugé par un tribunal (art. 72 al. 1 DPA). Si le jugement par le tribunal a été demandé, l’administration transmet le dossier au ministère public cantonal à l’intention du tribunal compétent (art. 73 al. 1 DPA). Si le jugement par le tribunal n’est pas demandé dans le délai légal, le prononcé pénal ou le prononcé de confiscation est assimilé à un jugement passé en force (art. 72 al. 3 DPA). Le renvoi pour jugement tient lieu d’accusation (art. 73 al. 2 DPA).

B.    Prescription

Selon l'art. 11 DPA, en matière de contraventions, l’action pénale se prescrit par 2 ans (al. 1). Si cependant la contravention consiste en une soustraction ou une mise en péril de contributions ou en l’obtention illicite d’un remboursement, d’une réduction ou d’une remise de contributions, le délai de prescription est de 5 ans; si la prescription est interrompue, elle sera en tout cas acquise lorsque le délai sera dépassé de moitié (al. 2).

À noter toutefois que l’art. 52 #LFINMA prévoit que la poursuite des contraventions à la LFINMA et aux lois sur les marchés financiers se prescrit par 7 ans et l’emporte sur l’art. 11 DPA (art. 2 DPA cum 50 al. 1 LFINMA). 

Alors que le mandat de répression (art. 64 DPA) est comparable à une ordonnance pénale (ordonnance de condamnation), le prononcé pénal (art. 70 DPA), qui succède au mandat de répression (art. 64 DPA), équivaut – sous l’angle de la prescription – à un jugement de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP. Cela se justifie par le fait que le prononcé pénal fait (prétendument) suite à une procédure contradictoire et repose sur une base circonstanciée. Ainsi, un prononcé de confiscation, émanant de l’administration après une procédure de confiscation doit être qualifié de jugement de première instance au sens de l'art. 97 al. 3 CP (ATF 133 IV 112). 

Cette jurisprudence est critiquable à plusieurs égards. Cependant, toutes ces critiques ont été balayées par l’ATF 147 IV 274. Le Tribunal fédéral suisse TF considère, en effet, que le prononcé pénal est assimilable à un jugement de première instance au sens de l'art. 97 al. 3 CP dès lors que la personne accusée se voit accorder des droits de participation étendus en procédure pénale administrative. Ainsi, la personne accusée se voit accorder le droit d'être entendu, de participer à l’obtention de preuves (art. 35 DPA) et de consulter les dossiers (art. 36 DPA). Si l'intéressé s’oppose au mandat de répression établi sommairement (art. 64 DPA), l’administration doit réexaminer la question et émettre un prononcé pénal motivé conformément à l'art. 70 DPA. Le prononcé pénal doit impérativement être précédé d’un mandat de répression, qui doit reposer sur des motifs sommaires comme l’ordonnance pénale. Le prononcé pénal doit en revanche, de la même manière qu’un jugement de première instance, être fondé sur une base circonstanciée et être rendu dans une procédure contradictoire. Ainsi, le mandat de répression a des parallèles avec l'ordonnance pénale, alors que le prononcé pénal équivaut à une décision de première instance. Pour ces motifs, il n'y a pas lieu d'assimiler le prononcé pénal à une ordonnance pénale, qui n'a pas pour effet d'interrompre la prescription en cas d'opposition valable, indépendamment de la question de savoir si des actes d'enquête supplémentaires sont mis en œuvre après que l'opposition a été formée.


Khovrin Constantin, Prescription de l'action pénale, in Swiss Law Insights, LinkedIn, Avril 2023.

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