En matière d’honoraires, le manquement déontologique peut ruiner le contrat
C’est l’enseignement réitéré sur la portée des règles déontologiques (car des précédents existent) d’un récent arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation rendu au sujet d’un honoraire de résultat sollicité par un expert-comptable, en application de l’ordonnance n°45-2138 du 19 novembre 1945, aux termes de laquelle les experts-comptables ne pouvaient pas fixer d’honoraires de résultat.
Un client mécontent (et oublieux de ses engagements, souscrits, il est vrai, par SMS ...) refusait de régler un honoraire de résultat à l’expert-comptable l’ayant assisté dans la cession de ses parts dans une société ; assigné en paiement il soulevait, entre autres arguments, celui tiré de la nullité de la convention pour illicéité de la demande d’un honoraire de résultat prohibé par l’ordonnance de 1945 dans sa rédaction du 30 avril 2014 (la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, y a, depuis, remédié).
Ni le tribunal, ni la cour ne l'ont suivi.
La cour était même allée jusqu’à juger que « les règles de déontologie, dont l’objet est de fixer les devoirs des membres de profession ne sont assorties que de sanctions disciplinaires et n’entrainent pas à elles seules la nullité des contrats conclus en infractions à leurs dispositions »
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Le client décide donc de se pourvoir en cassation et la haute juridiction lui donne gain de cause (https://www.courdecassation.fr/decision/624d2e1012d01a2df91a32ce) en jugeant que le contrat qui « fixe les honoraires dus en fonction de tels résultats est illicite et, partant, nul ».
Ce faisant la Cour casse l’arrêt qui avait aussi écarté l’évocation, par le débiteur des honoraires, d’une « contrariété à l’ordre public sans toutefois la caractériser, ni même l’expliciter ».
Il est donc réaffirmé que si la violation d’une règle déontologique ne constitue pas en elle-même une cause de nullité du contrat (une telle violation n’étant susceptible que de sanctions disciplinaires), elle peut l’entrainer puisqu’elle vicie le contrat dont l’objet et la cause sont dès lors illicites.
Les avocats y réfléchiront à deux fois en préparant leurs conventions d’honoraires, surtout si elles prévoient un honoraire mixte plus ou moins équilibrés, de diligences et de de résultat, conformément aux articles 10 du décret du 12 juillet 2005 et 11 du RIN.
Et rien n’interdit au professionnel soumis à une déontologie d’y ajouter son éthique personnelle (même si, pour le coup, celle-ci est insusceptible d’être sanctionnée ... ) ni de se souvenir du mot de Danton : « Moi, vendu ? Les hommes de ma trempe sont impayables ! »