Prud’hommes de Paris : 775 conseillers font leur rentrée, 57 manquent à l’appel
Le Tribunal Judiciaire accueillait le 26 janvier 2023 les prud’hommes de Paris qui renouaient avec une audience solennelle de rentrée en grandes pompes, après deux années de crise sanitaire. Les élections ont eu lieu il y a quelques jours : Christophe Carrère est le président de l’année 2023. Paritarisme exige, l’an prochain, il laissera sa place au vice-président, Jacques-Frédéric Sauvage. Ce dernier, président en 2022, a tiré un bilan de l’année écoulée – comme le veut l’art R. 111-2 du C.O.J.
Bilan inquiétant
Le premier constat est le manque criant de vocations. Ils sont 247 nouveaux conseillers à avoir prêté serment. C’est trop peu. Pour la mandature 2023-2025, il n’y a que 775 conseillers alors qu’il en faudrait 832. C’est du côté du patronat que le bât blesse. Une campagne de recrutement complémentaire pourrait être lancée. La parité n’est pas tout à fait atteinte, mais avec 385 femmes et 390 hommes, on s’en rapproche. Il est vrai que depuis 1908, bien avant d’avoir le droit de vote et leur propre compte bancaire, les femmes étaient admises à siéger en prud’homie !
Autre souci : des greffiers qui ne sont pas remplacés, ce qui peut augmenter la durée des procédures, même si les délais sont loin d’être ceux à deux ou trois ans de Nanterre, systématiquement cité comme le plus mauvais élève des 210 CPH de France. Que fait le ministère de la Justice ? Enfin, le nombre croissant d’affaires renvoyées au juge départiteur allonge aussi le temps de la procédure et interroge sur la facilité avec laquelle certains conseillers ont recours au départage (11, 19 % d’augmentation en un an), alors qu’ils devraient prendre une décision, sauf cas juridique particulièrement complexe. Les conseillers sont prévenus.
Baisse des saisines
Le nombre de saisines au fond a été de 9 731, avec une majorité d’affaires en sections encadrement (35 %) et commerce (34 %), suivies par les activités diverses (21 %) et l’industrie (10 %).
Par ailleurs, les saisines au fond sont moins nombreuses qu’autrefois : 3 449 en encadrement en 2022 contre 4 476 en 2019, 2 014 en activités diverses contre 2 427 en 2019. On constate également une baisse drastique des saisines en référé (la juridiction de l’urgence et de l’évidence) : 1 352 affaires en 2022 contre 1 654 en 2019. Une tendance baissière de 47 % entre 2013 à 2018, avec une légère reprise en 2019, mais qui poursuit son inéluctable descente depuis.
Par ailleurs, le phénomène de « séries » masque parfois ce recul.
Quant aux affaires terminées au fond, leur total en 2022 est de 11 255 (4 235 en encadrement, 3 017 en commerce) contre 13 897 en 2018 (4 882 en encadrement et 5 984 en commerce).
Est-ce à dire que les salariés auraient moins besoin des prud’hommes ? Certainement pas. Les délais, la complexité de la procédure, le coût de l’avocat et les barèmes Macron qui fixent un plafond, sont autant de raisons de se décourager.
Recommandé par LinkedIn
13 signalements au Parquet
En prenant la parole, le Procureur de la République a indiqué que la CPH de Paris avait fait 13 signalements au Parquet en 2022 en section S2, notamment sur du travail dissimulé, de la fraude au chômage partiel pendant la crise sanitaire et de la discrimination.
Une affaire a fait l’objet d’une QPC contre 9 en 2021.
Le Procureur a insisté sur « l’uberisation » du travail et sur toutes les affaires de salariat dissimulé qui touchent les plateformes, citant notamment les dernières décisions de la Cour de cassation, et notamment celle du 13 avril 2022 (n° 20-14.870) où elle analyse la relation de travail qui existe entre les chauffeurs de VTC et la plateforme numérique « Le Cab ». Il a également mis l’accent sur les faits de harcèlement, « avec une parole qui semble se libérer peu à peu », rappelant que le 30 septembre 2022, la cour d’appel de Paris a considéré que le « harcèlement moral institutionnel » était bien caractérisé dans les affaires de suicides de France Télécom.
Zen Prud’hommes
Les quelques points positifs du tableau sont les conciliations qui sont en progression : + 7 % en 2019, + 14 % en 2021 et + 17 % en 2022. Au cœur de la mission des prud’hommes, elles permettent de clore un dossier. En outre, le stock des dossiers est en baisse : l’âge moyen des affaires était de 17,7 mois en 2018 alors qu’il est de 15 mois en 2022. De même, la durée moyenne des affaires terminées était de 20 mois en 2018 contre 17,5 mois aujourd’hui.
Le dernier aspect positif qui a été évoqué est la réussite de « ZEN prud’hommes », une permanence ordinale physique, tenue par des avocats bénévoles au premier étage du bâtiment de la rue Louis Blanc. Elle a pour objectif de décrisper des situations tendues entre avocats.
On se dit...
Rendez-vous dans un an pour voir si les statistiques ont bougé. Et en attendant, les audiences se poursuivent dans un conseil qui, toutes choses égales par ailleurs, fonctionne plutôt bien.