Public or not Public...that is a question!
Bilan mai 2021 :
« Alors c’est bon tu peux jouer ? » me dit un ami sérieusement dès qu’il a entendu que les théâtres pouvaient rouvrir. Alors oui je peux jouer, je n’ai même pas arrêté pendant la pandémie ! En effet je joue chez moi, tous les jours, des sketches improvisés, des personnages, des situations. Alors certes ce ne sont pas des textes de Molière, mais je me suis aperçu à mon insu que je jouais sans le savoir (comme Monsieur Jourdain ) un peu tous les jours. Je m’invente des mondes, j’essaie ma voix dans des imitations, je lis à voix haute des textes qui me retourne l’âme.
« Oui mais non ! Ce que je voulais dire, c’est que tu peux jouer devant un vrai public » ajoute ce même ami. C’est certain que le public est un élément essentiel pour « faire » du théâtre, c’est notre compagnon de jeu ; d’ailleurs quand je m’amuse chez moi je ne suis pas seul, il y a ma compagne, mes enfants…On peut donc s’interroger du passage du jeu pour soi au jeu pour les autres. Est-ce que cela modifie notre façon de jouer ? Est-ce que cela minore ou majore notre jeu de comédien ?
Oui cela modifie notre manière de jouer : il faut parler plus fort, que lorsqu’on est dans sa cuisine, il faut se positionner pour être vu, il faut jouer dans un lieu et à une heure prévue. C’est finalement ce qui est le plus complexe : comment retrouver les sensations de jeu « brut » sur scène ou comment être « naturel » alors que tout est artificiel ou comment entraîner le spectateur dans une autre réalité ? Que des questions auxquelles nous apportons à chaque représentations un élément de réponse sans pouvoir l’inscrire dans le marbre d’une vérité.
Mais revenons à la question de mon ami, je peux jouer enfin devant un public ! Ils l’ont dit à la radio (sans doute à la télévision aussi)(et sans doute aussi dans les journaux) (et aussi sur internet) (ma foi les réseaux sociaux ont dû relayer l’information). Mais voilà, ce n’est pas comme si je pouvais disposer d’un public à volonté pour donner mes représentations. On peut regretter qu’il n’y ait pas un distributeur automatique de public. Lorsque le comédien en aurait besoin, il pourrait descendre en bas de sa rue et se servir en public à volonté. Mieux il pourrait aussi le choisir en fonction de sa taille, de son âge et de sa réactivité… Alors certes, j’ai le « droit » de jouer devant un public, mais il faudra un peu de temps pour que l’écosystème de la culture se remette en place naturellement.
Toute cette année a été un travail de report de dates et les organisateurs avec lesquels je travaille ont fait beaucoup d’efforts pour éviter les annulations et permettre ces reports. Alors c’est formidable parce que les théâtres ouvrent et que le festival d’Avignon aura lieu, mais il faudra attendre pour ma part le mois de juillet avant de retrouver un « vrai » public sans être obliger de passer par un distributeur.