Puissance douce : une fête renouvelé?

Puissance douce : une fête renouvelé?

Viradouro a été le grande champione du Carnaval 2024 avec un scénario sur le “dangbé”, un serpent mythique vénéré dans le nord-ouest de l'Afrique. Écrite par le carnavalesque Tarcísio Zanon, le script de l'école appelait à la protection de l'animal dans le défilé entitulé "Arroboboi, Dangbé". Selon diverses croyances africaines, le reptile a des pouvoirs de régénération, de vie, de transformation et de nouveau départ.

Un serpent géant glissant sur l'avenue a ouvert le défilé, suivi du couple traditionnel de danseurs “mestre-sala” et “porta-bandeira” portant le drapeau rouge et blanc de l'école, et d'une myriade de spirales de serpents sur les chars et les allégories. L’école de samba champione de Rio de Janeiro a également mis en avant les couleurs de l'arc-en-ciel, symbole de l'infini, pour ouvrir et fermer le défilé.

Pour profiter de l'éclairage du sambodrome Marquês de Sapucaí, la Viradouro a utilisé 200 mètres de matériel retroréfléchissant connu sous le nom d'œil de chat, que l'on retrouve par exemple sur les panneaux de signalisation et les uniformes des balayeurs de rue au Brésil. Dernière à défiler le mardi 13 février au matin, l'école a également changé les couleurs et les matériaux des costumes pour tenir compte du passage à la lumière naturelle à l'aube.

Le scénario incluait également les prêtresses du Dahomey (actuel Bénin), des femmes de la Côte des Mines qui combattaient et vénéraient le serpent. Les guerrières reflètent le syncrétisme religieux, migrant ou assimilant vers d'autres religions sans que l'une n'efface l'autre, mais en se complétant. Tout comme les instuments de percussion “atabaques” et les autels, dans le cas du candomblé et du catholicisme.

Photo Marco Terranova

Le combat de Viradouro sur l'avenue était aussi un combat contre l'intolérance religieuse. Un sujet d'actualité non seulement au Brésil, où le racisme et les préjugés font partie intégrante de notre histoire, mais aussi dans le reste du monde, où l'on assiste à des guerres telles que celle entre Israël et le Hamas et à une série de nouvelles mesures prises par les gouvernements européens à l'encontre des immigrants et des réfugiés.

Le carnaval de Rio de Janeiro joue sans aucun doute un rôle important dans le soft power brésilien, en représentant une expression culturelle unique qui séduit le monde et promeut l'image du Brésil en tant que pays riche en diversité, en musique et en beauté. La période de fête qui précède le carême est célébrée dans de nombreux autres pays, mais nulle part ailleurs elle ne l'est avec autant d'enthousiasme qu'au Brésil.

Le carnaval est également une activité commerciale importante : en 2023, il a contribué à l'économie brésilienne à hauteur de 8,2 milliards de reais (environ 1,5 milliard d'euros) et devrait rapporter 9 milliards de reais cette année (environ 2 milliards d'euros). Traditionnellement, Rio de Janeiro capte près de la moitié de cette activité et attire le plus grand nombre de touristes internationaux ; son carnaval est le plus grand et le plus extravagant du monde.

Foto Imprensa Rio Carnaval

En regardant notre Brésil depuis l'Europe, outre “le” samba (en portuguais le mot est au masculin), les “novelas” et le football, qui sont devenus des symboles de l'identité culturelle brésilienne, nous pouvons sans aucun doute considérer le carnaval comme une puissante force créatrice. La visibilité internationale de cette arme "douce" contribue à faire du Brésil une destination touristique attrayante. Mais est-ce suffisant ?

Pour Do fio da Seda, nous devons valoriser nos lieux communs les plus aimés, le carnaval et le football, quels qu'ils soient, mais aussi approfondir leur symbolisme culturel chaque fois que c'est possible. C'est ainsi que nous pourrons improviser, dans les interstices de l'histoire et de la création, une nouvelle “ginga”, en imaginant des futurs que nous ne voyons pas encore aujourd'hui. Essayer d'élargir notre regard à d'autres tonalités de ces rythmes culturels, non seulement pour le "gringo" comme on appelle l’etranger au Brésil, mais surtout pour le brésilien lui-même, en évitant le samba à une seule note ("samba de uma nota só”). Comme le dit un autre poète : l'infini est vraiment l'un des plus beaux dieux (“o infinito é mesmo um dos deuses mais lindos”) !

Foto Imprensa Rio Carnaval

Sources: G1, BBC, CNN, Hypeness

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