Quand la com est vitale
La crise sanitaire majeure que nous vivons rappelle à quel point la communication est fondamentale, complexe et le choix des mots essentiel.
Informer "juste"
En dire trop, c’est risquer une panique qui provoque la ruée dans les magasins et les pharmacies ou les déplacements vers les quatre coins de la France. Tout ce qu’il ne faut pas faire pour limiter la propagation du virus ! Tout ce qui donne raison aux égoïstes et tort à ceux qui ne veulent pas céder à la peur !
Ne pas en dire assez, c’est risquer une sous-estimation du danger, l’absence de prise de conscience, le pique-nique organisé dimanche pour profiter du soleil après avoir voté. Ce qu’il ne fallait pas faire non plus – semble-t-il a posteriori – du fait de l’évolution des chiffres.
Chacun voit à quel point bien placer le curseur entre ce « trop » et ce « pas assez » est essentiel compte-tenu des conséquences graves que cela peut induire.
Parler « clair »
Nous constatons également tous combien une forme d’incohérence empêche les messages de passer. Ceux qui ont voté dimanche puis sont allés se promener n’ont sans doute pas, encore aujourd’hui, le sentiment d’avoir mis leurs concitoyens en danger. Ce jour-là, ils ont rempli leur devoir de citoyen, ils ont fait vivre la démocratie. Et dimanche, seuls les rassemblements de plus de 100 personnes étaient interdits. Pourquoi leur dire lundi soir qu’ils n’ont rien compris et ont été irresponsables alors qu’ils ont respecté les recommandations données jeudi et samedi ?
Si le discours consiste à s’adapter au fur et à mesure, si les Français font évoluer leurs comportements en accord avec les consignes, une communication « claire » aurait été de ne pas les montrer du doigt.
L’émotion, faux ami
L’émotion a toujours fait vendre et elle règne en maître depuis que les chaînes d’information et les réseaux sociaux ont pris l’ampleur que l’on connait. Car rien n’est plus efficace pour capter l’attention. Cette crise met à nouveau en lumière ce bouleversement à multiples effets :
- Côté « positif », la communication adoptée a joué et joue sur l’empathie en faveur des personnes âgées, fragiles et des personnels soignants, repositionnés au rang de « héros nationaux ». Il conviendra de se souvenir « qu’il en coûte » lorsque le moment de tirer toutes les conséquences du Covid 19 viendra.
- Côté « négatif », la communication a cherché à rassurer les angoissés et autres anxieux en expliquant que la France n’était pas l’Italie, que les enfants ou les adultes n’étaient pas touchés… ce qui a retardé certaines prises de conscience.
- Cette émotion a également propagé de multiples fake-news et conseils inadaptés qui ont été propagé aussi vite que le virus sur les réseaux sociaux.
Les uns ont voulu gérer ces émotions pour limiter l’anxiété et des phénomènes de panique. Ont-ils été en conséquence suffisamment transparents et clairs, au fur et à mesure de l’évolution des connaissances ?
D’autres, partageant leur ressenti, ont contribué à la désinformation qui a de nouveau eu droit de cité. Faudra-t-il demain continuer à laisser ainsi les émotions impacter votre compréhension d’une situation factuelle et sur notre comportement pour y faire face ?
La communication à l’épreuve de la transparence
« Ce que nous avons communiqué, c’est ce que l’autre a compris » est l’une des lois de la communication. Il s’agit d’informer et de transmettre un message et, en même temps, de faire en sorte que ce message soit reçu « 5 sur 5 ». Pour cela, décrire la situation de manière pédagogique est nécessaire afin d’amener la cible visée à comprendre les décisions prises.
Si certains Français ne semblent pas avoir réagi comme ils l’auraient dû, c’est évidemment parce qu’il est difficile de changer ses habitudes mais peut-être aussi parce que la présentation de la situation n’a pas ou n’est pas aussi transparente que ce qui est clamé. Ce qui provoque une chaîne de conséquences : si vous n’avez pas le même niveau d’information que celui qui parle, vous rendez-vous compte de l’ampleur de la crise ? Si vous ne savez pas qu’à tout âge, il faut une assistance respiratoire pour s’en sortir, comprenez-vous ce qui est dit ? Si vous ne savez pas que les enfants diffusent le plus le virus, parvenez-vous à leur expliquer qu’ils doivent être solidaires ?
Le retour des experts
La référence constante aux experts est à saluer ! Alors qu’ils avaient disparu ou étaient contestés par n’importe quel premier venu, les sachants sont à nouveau considérés comme indispensables lors de prises de décisions complexes. Ils sont consultés et leurs avis sont suivis. On ne peut que souhaiter que la science et l’expertise retrouvent, pour les années à venir, une autorité et une légitimité qui nous ont manqué ces derniers temps. Ecouter ces experts ou scientifiques et leur faire confiance peut nous aider dans bien d’autres circonstances à faire, sur des bases rationnelles, les meilleurs choix pour notre avenir commun.
Les mots plus forts que les images, armes anti-virus
Des images du virus ? Il en existe mais elles sont peu efficaces pour communiquer sur ses conséquences. Quel paradoxe que ce soit un agent « invisible » qui bouleverse nos vies comme jamais, dans un monde où l’image a acquis une puissance inégalée !
Pour communiquer sur ce virus, seuls les mots – et non les photos - permettent de créer un choc salutaire ; seuls les mots, par leurs poids, peuvent mobiliser pour sauver des vies et calmer les émotions ou les rumeurs.
Le Covid 19 nous rappelle combien les manier est un art délicat, combien choisir ce qui est à communiquer réclame humilité et sens des responsabilités. Nous sommes en guerre : les appareils respiratoires et les soignants sont nos meilleures armes pour guérir les malades. Nous sommes en guerre : les mots, et les gestes citoyens qu’ils ont le pouvoir de provoquer, sont nos meilleures armes pour empêcher le virus de prendre corps et de devenir ainsi visible.
Avait-on besoin d’un tel tsunami pour rappeler l’importance des mots ? Y aura-t-il un avant et un après Covid 19 dans le métier de la communication ?