Quand la transformation numérique ignore l’humain : Promesses, dérives et solutions
La transformation numérique est devenue l’un des grands mots d’ordre du 21ᵉ siècle, une sorte de baguette magique censée booster la productivité et réduire les coûts. Pourtant, derrière ces promesses, une réalité souvent ignorée s’impose : l’humain. Selon McKinsey, près de 70 % des projets numériques échouent. Et non, ce n’est pas la technologie qui est en cause. Ce sont les organisations et les hommes qui peinent à suivre le rythme effréné de cette révolution imposée.
Un réflexe technocentré qui oublie les besoins réels
J’ai souvent vu ce schéma : une entreprise décide d’implémenter un nouvel outil pour "rentrer dans l’ère digitale", sans jamais se demander ce que cela change concrètement pour ceux qui l’utiliseront au quotidien. C’est le fameux piège du technocentrisme : on place la technologie au centre, comme une fin en soi, au lieu d’en faire un outil au service des besoins réels.
Prenons l’exemple de Hertz, qui a englouti des millions dans un système ERP mal pensé. Résultat ? Un fiasco total. Ce genre de projet est une caricature de ce qui se passe quand la stratégie se fait sans impliquer ceux qui sont sur le terrain.
À l’inverse, je repense à une de mes propres expériences en usine. J’étais intérimaire, et personne ne m’avait demandé de m’impliquer au-delà de ma fiche de poste. Pourtant, en observant les besoins non adressés, j’ai développé des applications pour optimiser certains processus. C’était un travail "hors cadre", mais les bénéfices étaient immédiats. Pourquoi ? Parce que les solutions répondaient à des problèmes vécus et identifiés par ceux qui les subissaient.
Quand le terrain n’est pas consulté, tout dérape
Les transformations numériques mal conçues ressemblent souvent à une montagne imposée au sommet, dont l’éboulement écrase ceux d’en bas. Les décisions sont prises dans des bureaux feutrés, loin de la réalité des techniciens, opérateurs et employés. Et pourtant, ce sont eux qui, au final, doivent vivre avec ces nouveaux outils.
Dans une usine, par exemple, introduire une tablette pour suivre les commandes peut sembler "moderne". Mais si cette tablette est lente, mal configurée ou que personne n’a été formé pour l’utiliser, elle devient un poids mort, un objet de frustration. Les employés finissent par développer des résistances, et le projet, aussi innovant soit-il sur le papier, échoue.
Michelin, en revanche, a adopté une autre approche. En impliquant directement ses techniciens dès le début du processus, ils ont co-construit des outils réellement adaptés à leurs besoins. Résultat : une adoption fluide et une amélioration tangible des performances.
Le piège du court-termisme : remplacer au lieu d'améliorer
Nombre de dirigeants tombent dans un autre écueil : voir la transformation numérique comme une opportunité de faire des économies rapides. Dans cette logique, on remplace l’humain par des machines. Ce choix peut paraître "rentable" à court terme, mais il néglige un facteur crucial : les compétences humaines.
Dans mon expérience, je me suis souvent demandé pourquoi certaines entreprises voyaient dans la technologie une menace pour les employés, au lieu d’un levier pour leur donner plus de moyens. Chez Amazon, par exemple, les outils numériques ne remplacent pas les travailleurs : ils les soutiennent. Avec des cycles réguliers de feedback, Amazon ajuste ses outils pour qu’ils répondent mieux aux besoins des équipes.
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Repenser la transformation : remettre l’humain au centre
Les transformations numériques réussies ont toutes un point commun : elles ne sont pas des révolutions imposées, mais des évolutions construites pas à pas, avec ceux qui vivent le changement. Quelques principes simples peuvent faire toute la différence :
L’outil numérique comme moteur de sens
Je reviens souvent à une idée qui me tient à cœur : la technologie ne vaut rien si elle ne sert pas à enrichir l’humain. Mon expérience m’a appris que le vide de l’aliénation peut être comblé par des outils bien pensés, qui donnent aux travailleurs les moyens de mieux comprendre leur rôle et leur impact.
Chez Schneider Electric, par exemple, l’intégration progressive de technologies et un large programme de formation ont permis de redonner du sens à des milliers d’employés. Quand l’outil numérique est pensé pour amplifier les compétences humaines et non les remplacer, il devient un moteur de bien-être autant que de performance.
Conclusion : transformer avec intelligence et pragmatisme
Ce n’est pas la technologie qui transforme une entreprise, mais l’usage qu’on en fait. Les échecs des projets numériques ne sont pas une fatalité. Ils sont le résultat d’approches déconnectées des réalités humaines. En construisant des outils à échelle humaine, en prenant le temps de former, d’écouter et d’ajuster, les entreprises peuvent faire du numérique un levier non seulement d’innovation, mais aussi de sens.
Car au fond, c’est ça qui compte : travailler avec une intention claire, pour produire quelque chose qui a une vraie valeur.
AKIK Amine