Quartiers prioritaires : Jean-Louis Borloo propose la création d’une nouvelle école pour la haute fonction publique
Par Sixtine de Villeblanche, le 26/04/2018 - Lire la dépêche en ligne
"Recréer une cohésion urbaine, une cohésion sociale, une cohésion républicaine, c'est possible et parfaitement réalisable, très rapidement", estime l’ancien ministre de la Ville, Jean-Louis Borloo, dans le rapport qu’il remet, jeudi 26 avril 2018, au Premier ministre, Édouard Philippe. Il avait été chargé d’une mission sur les quartiers prioritaires de la ville par le chef de l’État, Emmanuel Macron, le 14 novembre 2017 (lire sur AEF). Le rapport de Jean-Louis Borloo liste 19 programmes de travail et de nombreuses mesures dont certaines concernent la fonction publique et les collectivités. Il préconise notamment de créer à côté de l’ENA une "académie des leaders" qui mènerait elle aussi aux plus hauts postes de la fonction publique. Le président de la République détaillera "courant mai" le contenu d'un "plan de mobilisation en faveur des quartiers".
Parmi les mesures du rapport remis le 26 avril 2018 par Jean-Louis Borloo à Édouard Philippe concernant les quartiers prioritaires de la ville, le programme 11 prévoit la création d’une nouvelle grande école, "L’académie des leaders". En effet, si "la création par le Général de Gaulle de l’ENA à la Libération […] a permis de démocratiser la haute fonction publique, […] force est de constater une trop grande homogénéité de ces diplômés et le caractère formaté de la formation. Et que, de fait, nous passons à côté d’extraordinaires talents ou caractéristiques différentes de notre jeunesse et notamment des quartiers populaires", estime l’ancien ministre de la Ville puis de l’Emploi lors du second mandat de Jacques Chirac à l’Élysée.
"Statut de fonctionnaire stagiaire de l’ÉNA"
Le rapport, fruit d’une réflexion collective menée depuis fin 2017 par des élus et des associations, à l’initiative de deux d’entre elles (Bleu, Blanc, Zèbre et de Ville et Banlieue), détaille les modalités d’accès à cette école qui devrait accueillir "500 jeunes par an avec une parité exacte". Il indique que l’école vise à "sélectionner des jeunes filles et des jeunes gens à très haut potentiel mais sur des critères assez différents comme de très grand nombre d’universités et institutions prestigieuses dans le monde" et que "le concours sera aussi sélectif que pour les Instituts d’études politiques et l’ENA [avec] une place pour dix candidats". En outre, "la sélection sera sans diplôme préalable et réservée dans un premier temps aux jeunes des QPV s’élargissant par la suite".
"Dès leur admission, ils bénéficieront du statut de fonctionnaire stagiaire de l’ENA avec une rémunération équivalente (de l’ordre de 1 700 euros bruts) pendant la durée de la scolarité", prévoit Jean-Louis Borloo, qui ajoute qu’à "à l’issue de la scolarité, ils auront l’obligation de servir dans une des trois fonctions publiques pour une période minimale de dix ans" et que "les 250 premiers seront administrateurs civils". L’école visera à avoir "les meilleurs modules de formation, en France et en Europe", avec un parcours de formation orienté vers la pratique professionnelle. L’objectif est d’aller vers "une nouvelle haute fonction publique, opérationnelle, mobile et polyvalente". "Les postes ouverts (catégorie A+, dont administrateur civil pour les meilleurs, et catégorie A) à l’issue de la formation proposeront notamment des fonctions opérationnelles dans les trois fonctions publiques. Au-delà, de manière plus générale, ces nouveaux talents ont pour vocation à innerver et fertiliser la haute fonction publique." Le rapport chiffre à 60 millions d’euros annuels en rythme de croisière le coût de ce programme.
Autres mesures concernant la fonction publique
Apprentissage. Dans le programme 7 du rapport, intitulé "tout passe par l’entreprise et l’emploi", Jean-Louis Borloo indique regretter les "problèmes de formation, d’orientation et de qualification, absence de réseaux, de contacts avec les entreprises, impossibles rencontres, un univers qui apparaît lointain et inaccessible, des procédures complexes et opaques" du monde du travail, alors que les QPV sont "le principal réservoir de compétences acquises ou en devenir, de créativité, d’imagination et d’énergie dont notre pays et notre économie auraient tort de se priver et de l’ignorer". Pour le secteur public, il recommande que "50 000 apprentis [soient] recrutés en trois ans dans les QPV, hors plafond d’emploi et hors cadre de contractualisation financière entre l’État et les collectivités pour les dépenses de fonctionnement".
Lutte contre les discriminations. Le programme 17 est consacré à ce sujet. Le rapport préconise de "mesurer l’accès réel des jeunes des QPV aux emplois publics dans le cadre de la labellisation diversité des ministères et employeurs publics", d'"accompagner et financer la mise en œuvre de plans territoriaux de lutte contre les discriminations à l’instar de ce qui a été développé par des communes (Bordeaux) ou des agglomérations (Rennes métropole)", de "créer un observatoire national des discriminations pour aider la société à prendre conscience des discriminations dans l’emploi, l’accès au logement, l’accès aux services, l’attitude des responsables publics et privés".
En outre, les efforts de prévention doivent se déployer en priorité dans l’espace public, dans le monde du travail et dans l’éducation. Pour cela, il est proposé d'"auditer le fonctionnement des entreprises et des administrations, pour les aider à prendre conscience et à progresser", de "former les cadres dirigeants des entreprises et des administrations" et les recruteurs aux nouvelles formes de recrutement. "La responsabilité exemplaire des employeurs publics doit à cet égard être particulièrement soulignée, pour mobiliser l’outil des marchés publics au regard de la responsabilité sociétale des entreprises, pour que l’État lui-même s’engage en son sein pour lutter contre les discriminations et diversifier son recrutement, et pour former massivement les agents publics à la non-discrimination", selon le rapport.
Travail social. Le rapport recommande de "reconnaître l’apport du travail social et des travailleurs sociaux" (programme 12). Il s’agit, pour cela, de "mettre effectivement en œuvre le passage à la catégorie A qui a été décidé pour les fonctionnaires, principalement territoriaux, suite aux états généraux du travail social de 2015/2016". Et de créer une "prime de convergence ville" pouvant aller jusqu’à 2000 € par an collectivement et 2 000 € par an pour un "engagement personnel exceptionnel". Pris en charge pour moitié par l’État et pour moitié par les employeurs, elle viserait les "professionnels de l’action sociale impliqués dans les actions et les territoires les plus difficiles, présents sur le terrain aux moments clés (en soirée, le week-end voire le mercredi après-midi)".
Sécurité et justice. Le rapport préconise de "renforcer l’investigation par la création de 100 postes de fonctionnaires spécifiques", "prévoir une enveloppe indemnitaire pour eux et pour fidéliser les policiers de terrain" et souligne que "2 000 postes de magistrats, procureurs et fonctionnaires sont indispensables dans les circonscriptions judiciaires et concernent de nombreux QPV" (programme 13).
Des moyens pour les communes. "Il a été clairement démontré que les besoins des communes concernées sont supérieurs à ceux des communes moyennes de ce pays, alors que leurs moyens sont inférieurs. Les besoins en personnel, en accompagnement social et économique ainsi que les besoins en équipements sont immenses au regard de la population et des moyens dont disposent ces villes", souligne le rapport (programme 14), qui prévoit notamment de "permettre aux villes classées en rénovation urbaine de pouvoir aller jusqu’à 2 % d’augmentation de la dépense par an sans inclure dans l’augmentation les dépenses liées aux programmes eux-mêmes" ou de "créer un fonds d’urgence de 500 millions d’euros par an pour l’investissement".
Création d’une Cour d’équité territoriale. "Pour progresser vers l’égalité réelle, il sera dorénavant demandé aux responsables une obligation de moyens, et non pas une simple obligation de résultat", est-il écrit dans le rapport (programme 18). Ainsi, "chaque responsable public (administrations d’État, collectivités et leurs groupements, opérateurs et établissements publics) devra donc prouver, chiffres à l’appui, qu’il a mis en œuvre les moyens susceptibles de contribuer à réduire les inégalités d’accès aux services publics, en ré-allouant ses crédits ou ses effectifs dans les territoires moins bien desservis, en opérant une forme de péréquation ou même en instaurant des mesures de discrimination positive temporaire, pour atteindre un standard minimum". L’obligation de moyens peut viser les effectifs d’agents publics déployés dans les territoires en difficulté.
Jean-Louis Borloo propose de "créer dans la constitution ou dans une loi organique une nouvelle juridiction administrative spécialisée, la Cour d’équité territoriale, chargée de vérifier la mise en œuvre des moyens de rééquilibrage des politiques publiques sur les territoires carencés". Celle-ci "pourra condamner tout gestionnaire public ayant failli à l’obligation de moyens qui s’impose à lui pour contribuer à l’équité territoriale des citoyens au regard du service public, ou fait obstruction à sa mise en œuvre". Elle adoptera un rapport public annuel sur l’égalité des territoires.
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