A quel jeu jouez vous pour obtenir l’attention des autres ?
On a tous déjà rencontré des dialogues similaires :
Chef : Bernard, vous n’avez toujours pas terminé le rapport que je vous avais demandé ?
Bernard : Mais vous croyez que je n’ai que ça à faire ? Et le reste du travail, qui va s’en occuper ?
Chef : Je vous ai dit que je voulais le lire ce matin et votre réaction est totalement déplacée en plus.
Bernard : Bon, je vous le termine pour midi, mais je vous annonce que la production va en souffrir.
Cette situation génère autant de frustration pour le chef comme pour Bernard. Elle évoque les rôles « de parent » et « de l’enfant ». Ces relations, « je suis ok, tu n’es pas ok ou « je ne suis pas ok, tu es ok » souvent inconscientes sont des mécanismes de manipulation de l'autre. Eric Berne, fondateur de l’analyse transactionnelle les a mis en évidence et nommés jeux psychologiques. Ils se terminent habituellement par la dévalorisation de l'autre ou de soi-même. Ces manipulations sont toujours nuisibles et pernicieuses. Elles ont aussi bien cours au travail qu’à la maison, en société et même entre amis.
On peut suspecter d’avoir pratiqué ces jeux quand on a l’impression d’avoir passé beaucoup de temps en discussion pour ne parvenir à la fin qu’à de l’irritation, à un gagnant et un perdant. On croit s'être fait avoir ou alors on éprouve la joie malsaine d'avoir bien coincé l'autre. « Là je lui ai bien dit à mon chef ce que je pensais… »
Ces interactions sont épuisantes, génèrent du stress et drainent énormément d’énergie qui n’est, dès lors, plus disponible pour l’action. 😓
Alors pourquoi continue-t-on à y jouer ? ❓
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Un jeu psychologique est une stratégie acquise au cours de l'enfance, pour recevoir de l’attention, que nous répétons à l'âge adulte, de façon inconsciente, au lieu de réellement communiquer à l’autre notre ressenti, nos vraies pensées. C’est donc un échange verbal pernicieux, qui peut pourtant avoir l’air anodin, mais dans lequel les deux protagonistes vont jouer inconsciemment des rôles, souvent de Sauveur, de Persécuteur, ou de Victime. Il faut donc être au minimum à deux pour que le jeu ait lieu. Nous passons les trois quart de notre temps à jouer au moins un de ces rôles, à des degrés divers.
Nous jouons parce qu’au fond, il existe un bénéfice : c’est une façon de ne pas vraiment dire ce que l’on a sur le cœur. Si l’on ne parvient pas à donner à l’autre son ressenti, à dire son malaise, à verbaliser une sensation gênante sans tomber dans l’accusation, alors on utilise quasi automatiquement un des jeux psychologiques pour en tirer des bénéfices précis. Les bénéfices sont soit de revivre un type de relation expérimenté dans l’enfance, soit d’obtenir des signes de reconnaissance, ou de valider ses croyances sur soi ou sur les autres… « Je savais bien que le chef ne m’apprécie guère ».
La stratégie du Persécuteur, par exemple, sera de partir en croisade et d’accuser l’autre, souvent pour se rassurer soi-même et masquer ses propres faiblesses. La Victime se plaint continuellement de son impuissance à remédier à une situation et cherche à être lavée de toute responsabilité en cas d’échec, à ce que quelqu’un d’autre vienne la sauver d’émotions difficiles à porter pour elle. Entre alors en scène le sauveur, avec un « ne t’inquiètes pas, je m’en occupe… ». C’est un personnage qui vole volontiers au secours d’autrui, sans toutefois avoir nécessairement reçu de demande précise pour cela. Un peu plus tard, on reconnaît infailliblement notre sauveur à sa tendance irrépressible à prononcer, un peu déçu, sa phrase préférée : « Pff… Après tout ce que j’ai fait pour lui! ». Il recherche donc inconsciemment à faire savoir que ce qu’il met en œuvre est une faveur qui requiert une contrepartie à négocier plus tard. Nous avons tous un rôle préféré. Les trois rôles suscitent de la souffrance malgré l’illusion du bénéfice à court terme. Ils ne permettent pas de résoudre des situations de manière définitive, contribuent à accumuler des timbres négatifs et augurent de futures explosions relationnelles, souvent encore plus douloureuses.
La dynamique
Tout jeu commence en général par un appât (un piège). Je lance mon appât et j’attends que l’autre morde à mon hameçon… si l’autre mord à l’hameçon, alors le jeu commence… Une amorce efficace est par exemple : « Bon… eh bien j’ai fait toute la vaisselle toute seule puisque tu étais encore au téléphone… ».
Alors, comment sortir de ces jeux ?
Le premier conseil serait d’apprendre à reconnaître ces rôles et de prendre garde à ne pas en endosser l’habit. Le second degré et la plaisanterie sont souvent des bons alliés pour sortir d’un jeu psychologique : « Ah là, tu rejoues ton Don quichotte », ou « Calimero est de retour » … Poser des questions plutôt que donner des solutions : « Et si on parlait plutôt de ce qui marche bien ? », « que comptes-tu faire maintenant ?», « de quoi as-tu besoin ? » et se refuser de donner des conseils ou des coups de main s’ils n’ont pas été demandés. 😉Lorsqu’on se rend compte qu’on retombe dans un cycle d’interactions négatives, le fait de nommer ce dont vous vous rendez compte est souvent très aidant pour aller de l’avant.
Prendre conscience de ces jeux et savoir comment les prévenir ou en sortir permet de gagner beaucoup de temps, d’énergie et de qualité dans les relations humaines, au boulot, avec votre conjoint, vos enfants ou vos parents.
Carole Warlop et Philippe Vaneberg