Quelle adaptation des entreprises au changement climatique ?
Suite à la publication du dernier rapport du GIEC (WG2), de nombreuses synthèses de qualité ont déjà été faites, analysant les risques du changement climatique par continents et les efforts d’adaptation nécessaires pour nos sociétés.
Je vais ici me concentrer sur les voies d’adaptation des entreprises européennes au changement climatique et à la crise inflationniste actuelle.
Le constat est à mes yeux assez simple et implacable : pour continuer à exister dans 5 à 10 ans, la plupart des entreprises doit transformer son modèle d’activité vers la durabilité et repenser son offre de produits/services, en ajoutant à son pilotage économique actuel la prise en compte des contraintes environnementales et des besoins des populations les moins favorisées.
Un contexte inflationniste qui augmente les coûts des entreprises
Analysons les grands bouleversements mondiaux depuis la crise du Covid : nous assistons à une désorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales et à des tensions sur le prix et la disponibilité des énergies et matières premières (accélérées par la guerre en Ukraine).
Observons l’évolution récente des coûts de certaines matières premières pour les entreprises (sources et méthode détaillées en fin d’article) :
Pour de nombreuses ressources, la hausse des prix est déjà largement supérieure à celle de la période 2011/2013 (plus au niveau connu après la crise financière de 2008) et va probablement perdurer pendant de nombreux mois au minimum.
Une tendance qui va s’accentuer à l’avenir, en raison du dérèglement climatique
Le retour durable à des ressources bon marché ne se produira probablement pas :
- baisse des ressources en eau douce sur tous les continents
- raréfaction des ressources énergétiques, minérales et agricoles ou accès moins facile à ces ressources (l'eau est nécessaire dans tous les process)
- recentrage des pays sur leurs besoins internes avant d’envisager l’exportation
- besoins de transition énergétique
- renforcement des régulations environnementales pour contraindre les entreprises à l’adaptation et éteindre l’incendie sur le climat et la biodiversité.
Le dérèglement climatique amplifiera la crise actuelle, citons quelques impacts des risques physiques qu’il engendre. Sécheresses, pluies torrentielles et tempêtes entrainent de manière croissante :
- des rendements agricoles en forte baisse
- des mines inondées et une instabilité sur la disponibilité des métaux
- des infrastructures logistiques sinistrées et des échanges internationaux perturbés
Je ne détaillerai pas ici les impacts de la chute de la biodiversité mais ils se cumulent aux perturbations du climat, avec de forts impacts pour le secteur agro-alimentaire par exemple (baisse de la fertilité des sols, de la pollinisation).
Un impact économique qui pèse sur les entreprises et les citoyens
Ces contraintes économiques qui pèsent déjà sur les entreprises pèsent aussi sur leurs clients, qui ne peuvent pas payer tout plus cher, surtout avec des salaires qui ne suivent pas l’inflation :
- ils recentrent donc leurs moyens financiers sur leurs besoins prioritaires (se nourrir, se loger et se chauffer, se déplacer sans carburant si possible)
- et pour ceux qui peuvent se le permettre sur des achats qui offrent des perspectives de résolution des crises environnementales, améliorent leur qualité de vie ou limiteront leurs dépenses à moyen terme (consommer des aliments produits dans de bonnes conditions sociales et environnementales, isoler son logement et remplacer sa chaudière à gaz par une pompe à chaleur).
S’enclenche alors un cercle vicieux si l’entreprise ne s’adapte pas à ce nouveau contexte et n’entame pas une transition environnementale et sociale profonde :
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S’en suit une dégradation de l’entreprise (performance économique, conditions de travail, attractivité des jeunes générations) puis à moyen terme sa disparition ou son rachat par un concurrent mieux adapté aux enjeux actuels.
Quelles voies d’adaptation pour les entreprises ?
Une autre voie est possible et permet de bénéficier à l’entreprise et à la collectivité en même temps (retombées économiques et impacts sociaux et environnementaux positifs) :
Les principales voies d’adaptation des entreprises semblent être :
- la réduction de leur empreinte environnementale (moindre consommation de ressources via la décarbonation, l'éco-conception, la circularité des matériaux, les solutions fondées sur la nature) qui réduit leurs coûts ou évite leur hausse inexorable
- l’amélioration forte de la qualité des produits qui resteraient à des prix abordables via une durée de vie rallongée ou un modèle de location plutôt que de vente (réemploi, économie de la fonctionnalité)
- le développement d’offres plus simples, avec moins de gadgets technologiques mais avec de bons standards sociaux/environnementaux, accessibles à plus de clients dont le pouvoir d’achat se contracte (gammes spécifiques à faible marge, low tech, entreprises sociales)
Pour illustrer l’intérêt de ces voies, voici comment évolueraient les tendances des prix de vente de ces offres :
L’investissement dans la transformation est urgent et sera plus difficile s'il est retardé
Cette transition écologique et sociale des entreprises et des modes de consommation nécessitera des investissements (recherche et innovation, infrastructures, formation des employés, communication auprès des clients). Ces coûts peuvent paraître difficilement soutenables pour certaines entreprises dans le contexte actuel, mais il faut bien avoir en tête que ces efforts d’adaptation auront un coût beaucoup plus faible que la dégradation économique promise par l’immobilisme et une planète en surchauffe !
De plus, si l'investissement est retardé, il sera plus couteux et complexe à réaliser (énergie insuffisante, épuisement des ressources naturelles, contexte social dégradé).
Il est donc grand temps d’entrer ensemble dans le 21e siècle en conditionnant la performance économique aux meilleurs standards environnementaux et sociaux, c’est pour maintenant et retarder l’action de quelques années supplémentaires augmentera les obstacles à surmonter !
Sources et méthode pour les prix des ressources en Europe :
- pétrole : source Statista, prix moyen du pétrole brut de l'OPEP en $/baril, converti en € avec le taux de change moyen de chaque période
- gaz naturel : source Banque Mondiale, prix moyen à l’import à la frontière européenne en €/MWh
- acier : source INSEE, indice d’importation des produits sidérurgiques de base et ferroalliages en Zone Euro, en €/tonne
- aluminium : source London Metal Exchange, alliage d’aluminium en $/tonne, converti en €
- blé tendre : source BASF, cours du blé tendre rendu Rouen, en €/tonne
- tournesol : source BASF, cours du tournesol rendu Saint Nazaire, en €/tonne
Les prix d’acheminements vers l’Europe pour le pétrole, l’acier et l’aluminium ne sont pas pris en compte et sont eux aussi en forte hausse.
Les valeurs 2011/2013 correspondent à la moyenne annuelle la plus élevée constatée sur une période de 10 ans entre 2011 et 2020, soit selon les ressources à leur moyenne en 2011, 2012 ou 2013.
Tous les prix sont ramenés à une base 100% qui représente leur moyenne sur l’année 2019 (avant la crise du Covid).
Consultant en transition écologique @ Zelen Solutions | Climat & Biodiversité | Fellow On Purpose 🌱
2 ansErika Wolf Astrid Suberbielle Jérôme Piot pour comprendre la porte d'entrée d'incitation des entreprises vers l'adaptation au réchauffement climatique
Consultant en transition écologique @ Zelen Solutions | Climat & Biodiversité | Fellow On Purpose 🌱
2 ansCyril Mourlon
PCB Designer, habitant de la Terre éco-conscientisé
2 ansIl est probable que la disponibilité et la qualité de l'eau devienne un facteur prépondérant dans l'économie globale et malheureusement, comme le pétrole jusque là, vu que le coût induit dans la production est à la marge, on n'y prête que très peu d'attention, or l'usage de l'eau est indispensable partout dans l'économie et la vie des sociétés, encore plus que le pétrole ou les autres ressources d'impact systémiques auxquelles on daigne enfin porter de l'attention malgré leurs faibles coûts dans les chaînes de valeurs...
Merci Frédéric, très intéressant. Une variable clé, mais que ne maîtrisent pas les entreprises, est : * la mesure dans laquelle les États et majors pétroliers vont essayer de pomper assez de pétrole et de gaz (et réussir s'ils essaient) * s'il n'y en a "pas assez" la mesure dans laquelle ce ne sera pas assez (un approvisionnement de -1%/an c'est pas pareil que -3%/an) * la mesure dans laquelle l'Etat fait de la pédagogie / anticipe / organise tout ça, ou au contraire fait l'autruche et fuit vers l'avant en bouchant les trous et en pompant ce qu'il peut jusqu'au bout Selon les cas, certains secteurs d'activité peuvent plus ou moins vite disparaitre, d'autres plus ou moins vite croître.
COO chez adopte un bureau
2 ansMerci Frédéric, pour toi, quelles entreprises pourraient illustrer chacune des voies d'adaptation que tu cites ici ?