Quelle place pour l’humain dans le monde du travail en 2030 ?

Quelle place pour l’humain dans le monde du travail en 2030 ?

Si la prévision n’a jamais été un exercice facile, elle peut devenir presque mission impossible dans un monde aussi changeant, où tous les repères et les cadres de l’entreprise et de la société sont bouleversés par la technologie.

Cependant, même si personne ne peut sérieusement prétendre savoir à quoi ressemblera exactement le monde du travail en 2030, et en particulier quel sera l’impact précis de la robotisation et de l’intelligence artificielle sur l’emploi et sur la vie des entreprises, il est indispensable de se projeter dans cet avenir très ouvert et incertain. Afin de mieux se préparer au monde qui vient et de faire les choix les plus pertinents en matière de gouvernance économique, de valorisation du capital humain ou d’inclusion sociale.

C’est cette ambition qui a présidé à l’étude de PwC « Workforce of the future : The competing forces shaping 2030 », réalisée en 2018 avec la participation de 10 000 personnes issues du « grand public » en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Elles ont été invitées à donner leur perception du monde du travail et à dire comment elles le voient évoluer au cours des dix ans à venir.

Quatre visions en « quadrichromie » de l’entreprise sont envisagées à l’horizon 2030. Sur des sujets aussi essentiels que l’adaptation des compétences, l’alignement entre raison d’être, valeurs et stratégie d’entreprise, et la place des hommes et des femmes dans un monde où celle des machines ne cesse de s’étendre. Au point de faire redouter à certains la marginalisation de l’humain au profit d’une technologie autorégulatrice et toute-puissante.

En fonction des scénarios envisagés, le curseur humain varie significativement. Selon que l’on se projette dans un monde fragmenté ou ouvert, super-concurrentiel ou plutôt solidaire, « libéré » ou réglementé, court-termiste ou tourné vers des objectifs de long terme, la place assignée à l’humain n’y est pas du tout la même.

Selon le modèle choisi, on privilégiera la performance sociale et écologique ou la performance financière ; on sera sensible aux relations de confiance et à la bienveillance, ou bien aux relations de pouvoir, à la sélection et à la hiérarchie ; on sera attaché à la liberté d’action ou au contraire à la carrière et au statut ; on cherchera, ou non, le « sens » et la raison d’être de l’entreprise …

De nombreux signaux faibles ou forts indiquent que le monde de « l’humain d’abord » progresse, ce monde où prévalent marques éthiques, capitaux participatifs au service du bien commun et communautés ouvertes et collaboratives. S’il correspond aussi à une forte demande sociétale, rien ne garantit qu’il va l’emporter sur d’autres modèles concurrents, bien plus efficaces à court terme.

Le slogan « l’humain au cœur », souvent proclamé, n’est pas un mot d’ordre magique capable à lui seul de faire prévaloir l’équité, le bien social, les droits et la dignité de chacun. Tous ces acquis de nos sociétés démocratiques sont challengés par la technologie, qui semble opérer un tri redoutable entre les « insiders » bien formés, adaptables, protégés, et les « outsiders » condamnés à une forme de relégation économique et sociale faute de disposer des compétences et des savoir-être nécessaires dans ce nouvel environnement.

Dans l’étude de PwC, 73 % des personnes interrogées estiment que la technologie ne pourra jamais remplacer l’esprit humain. Il faut prendre acte de cette conviction largement partagée, qui se méfie à juste titre des prophéties apocalyptiques sur un prétendu grand remplacement de l’homme par la machine, et rejette la « foi » transhumaniste dans la mutation de l’espèce humaine, à grands coups de cerveaux augmentés et de modifications génétiques.

Le jour où la technologie supplantera l’homme n’est pas près d’arriver, mais de quoi, ou de qui, parle-t-on quand on dit que l’humain doit être au centre ? Des millions de salariés manquant des qualifications attendues et qui occupent un emploi répétitif condamné par l’automatisation ? Ou des personnes très qualifiées, super-productives, archi-mobiles, que l’on s’arrache déjà et que l’on s’arrachera encore plus, à prix d’or, en 2030 sur le marché mondial du travail et des compétences ?

La vraie question, à laquelle certains mouvements sociaux en France et ailleurs ne sont certainement pas étrangers, est de savoir comment nous allons répondre à la bipolarisation croissante du marché du travail et éviter un déclassement ou une déconnexion généralisée des salariés situés en bas de l’échelle, mais aussi à un niveau intermédiaire.

Une étude du CERQ d’avril 2018 montre qu’au début des années 90, après cinq ans de vie active, moins d’un tiers des titulaires d’une licence occupaient un type d’emploi inférieur à ce qu’ils pouvaient légitimement espérer à la fin de leurs études. Aujourd’hui, la proportion est d’un sur deux ! Nos démocraties peuvent-elles résister à une telle situation qui ne cesse de s’aggraver ?

Redonner à chacun une place, un rôle, une utilité sociale, un projet de vie, c’est peut-être le défi le plus urgent et le plus durable de nos sociétés. Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer pour le relever, en œuvrant massivement à l’élévation et à l’adaptation des compétences dans ce monde numérique, et en intégrant bien plus qu’aujourd’hui des profils loin des circuits survalorisés de l’excellence académique. Ce rôle fait partie de leur raison d’être et de leur utilité sociétale. Une société et un système économique qui ne s’intéressent et ne valorisent que les personnes dotées d’un QI de 150 marchent à leur perte.

Bernard Gainnier


PROF and COACH MCCorinne

Professeur de Métier et Coach Professionnel

5 ans

Un QI à 150... OK et un QE à COMBIEN ?

Guénael CICE

Directeur de marché beaux arts COLART France

5 ans

Si on part du principe que l’AI est et doit être une aide à la décision ou un facilitant de tâches à non valeurs ajoutées. Et que l’humain doit décider et assumer son choix alors la cohabitation devrai faire des merveilles mais lorsqu’on voit l’irresponsabilité humaine(esclavage, pollution et destruction ....)la question n’est pas forcément celle-ci. Mais quelles sont les règles déontologiques a dresser pour 2030 (dignité humaine,environnement, protection animale) et comment l’AI peut nous y contraindre.

Patrick Gailhard

Directeur Commercial Conseil RH / RPO / MSP / Externalisation - BPO / Workforce Transformation / Innovation IT

5 ans

Tout à fait d'accord avec votre point de vue : il est même tout à fait possible que l'intelligence artificielle, par le fait qu'elle nous permette d'accéder et d'analyser une masse phénoménale d'informations, puisse fiabiliser les projections et, donc,  aider les organisation et chacun d'entre nous, à redéfinir notre rôle dans la société, notre utilité sociale, notre projet de vie, quel que soit notre statut social, en particulier chez ceux qui sont ultra-éduqués et connectés. Pour les autres, un rattrapage à grande vitesse est indispensable

Arnaud SZYPULA

Sale manager On-trade Occitanie chez Kronenbourg(Groupe Carlsberg)

5 ans

La bipolarisation a déjà commencé , on voit très bien un monde connecté digitalisé qui va vite très vite et un monde plus humain plus social plus responsable et qui résiste . L’un et l’autre se nourrissant et se renforçant mutuellement . La nature ayant horreur du vide il y aura un juste milieu qui sera une alternative ou un mix des deux

Ziad BENHABYLES

Consultant Technique&Artistique -Managment-Communication-Informatiqu-AudioVisuel&Photographie-Design&Concept-Art&Culture

5 ans

Tant qu'on reste dans le  dominant-dominé(e)s et autres complexes d'infériorités et supériorités... Les inégalités resteront le jou-jou de ceux et celles qui aiment jouer et se jouer des uns et des autres... Et, instrumentaliseront nos vies! Les garde-fous établis depuis des millénaires,passant d'une civilisation à une autre, restent et resteront les éléments à ne pas perdre si on veut garder sa dignité et vivre dans la quiétudes, le bonheur et la prospérité -intellectuelle et physique-. Si être soi-même est en premium... L'humain ayant compris que c'est dans les échanges et le négoce où la vie prospère... Avec la liberté et l'interdépendance comme clé de voûte, l'humilité, la sagesse, le respect, l'équitabilité, la justice, l'intégrité et la conscience nous garderons de toute contrainte vers les pertes, les décadences, les instrumentalisations et les dévalorisations de tous genres.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Bernard Gainnier

Autres pages consultées

Explorer les sujets