Quelles tensions sur le marché du travail ?
Nota : cet article fait suite à celui publié il y a quinze jours sur la GPEC
En période de plein emploi, il est souvent difficile de trouver des candidats pour répondre à une offre de travail. Quand le chômage augmente, ces difficultés diminuent, mais cette diminution peut être variable, par exemple selon que les qualifications recherchées correspondent ou non à celles des chômeurs.
Pour suivre ce phénomène et identifier si on est face à du chômage conjoncturel ou du chômage structurel, les économistes utilisent la courbe de Beveridge. On peut produire l’équivalent de la courbe de Beveridge en s’appuyant sur les résultats de l’enquête « besoin de main d’œuvre », c’est ce qui est fait ci-dessous avec les données disponibles depuis 2002.
Pour un entrepreneur, l’existence ou non de tensions sur un métier est un point important. S’il peut trouver toutes les compétences dont il a besoin sur le marché du travail, il n’a guère besoin de se préoccuper d’une politique RH, d’autres se chargent pour lui de produire les compétences dont il a besoin. Dans le cas inverse, il va lui falloir travailler ses processus de recrutement, de formation, de fidélisation.
Que conclure des données disponibles sur le sujet ?
1. Entre 1970 et 2000 le chômage a très fortement augmenté sans atténuer pour autant les tensions existantes sur le marché : la courbe de Beveridge s’est déportée vers la droite (voir ci-dessous un graphique produit par J Pisani Ferry en 2001 dans un rapport sur le sujet) traduisant l’apparition d’un important chômage structurel
2. Depuis 2002, les enquêtes de Pôle Emploi montrent que les tensions diminuent quand le taux de chômage augmente, ce qui a pour résultat un taux de difficultés de recrutement historiquement bas en 2016. On notera ici qu’en 2017, avec la reprise de l’embauche, le taux de difficultés ré augmente et on a tout lieu de penser que ce sera encore le cas pour 2018
3. Le taux de difficulté globalement faible cache de profondes disparités entre les métiers. Certains métiers ont vu les difficultés baisser fortement depuis 10 ans (par exemple les infirmières, métiers le plus tendu au début des années 2000). Pour d’autres, comme beaucoup de métiers d’ouvriers qualifiés dans l’industrie, les difficultés se maintiennent à un haut niveau depuis 10 ans.
Les tensions ont été au plus bas en 2015/2016 et sont en train de remonter aujourd’hui avec la baisse du chômage. On peut d’ailleurs construire la courbe de Beveridge avec les données de Pôle Emploi et constater que la courbe suit une forme classique. Pas de surprise : les difficultés décroissent quand le chômage augmente et inversement.
Les 10 métiers pour lesquels il y a le plus de difficultés en 2016 d’après Pôle Emploi:
· régleurs, (84 %)
· charpentiers bois
· charpentiers métal,
· carrossiers automobiles,
· vétérinaires,
· agents qualifiés de traitement thermique de surface,
· couvreurs,
· tuyauteurs,
· dessinateurs en électricité et en électronique et
· géomètres.(71%)
·
A l’autre bout, les dix métiers pour lesquels il y a le moins de difficultés
· contrôleurs de transport en commun (4% seulement),
· les conducteurs sur rail et d’engins de traction (8%),
· les artistes (musique, danse spectacle) (10%),
· les caissiers (13%),
· les professionnels de spectacle,
· les agents administratifs des transports,
· les ouvriers de l’assainissement et du traitement de déchets,
· les techniciens de la banque,
· les cadres des assurances,
· les agents de services hospitaliers.
L’Observatoire Tendance Emploi Compétence, lancé par le MEDEF en avril 2013 pour mettre en valeur l’existence de postes non pourvus et de difficultés de recrutement donne évidemment des résultats assez proches de ceux de l’enquête menée par Pôle Emploi pour ce qui concerne les difficultés, et en particulier une même grande variabilité selon les métiers. Malheureusement, l’historique du taux de difficultés n’est pas accessible.
Cette enquête TEC donne par contre d’autres informations sur les raisons des difficultés rencontrées. Ces informations étant globales (tous métiers mélangées) sont difficilement exploitables.
On retiendra que
· les employeurs expriment presque autant de difficultés liées à ce que le Medef appelle le savoir être des candidats que de difficultés liées aux compétences métiers
· face aux difficultés les principales mesures de compensation font appel à la formation (sous différentes formes) et au recours à des contrats courts
Conclusions ? Si les tensions sont aujourd’hui globalement limitées, elles peuvent être très fortes dans certains métiers et il y a lieu de penser qu’elles vont augmenter dans les années qui viennent