Réalité virtuelle, objets connectés, intelligence artificielle, vont-ils tuer le livre ou le sauver ?
(Cet article est la traduction de « IOT, AI, VR: Will They Kill Books or Could They Help? »)
Annoncer la mort du livre semble un pari sans risque ces temps-ci. La vie moderne est pleine de tentations, de divertissements faciles et amusants qui éloignent le plus lettré de sa bibliothèque. Mais changeons de point de vue : et si la technologie nous aidait à nous concentrer sur l’essentiel, et si elle nous ramenait à la lecture ?
Le plaisir de lire, sur papier comme sur liseuse, est une affaire d’attention. L’attention rend la lecture possible, et le fait de lire beaucoup aiguise certaines capacités cognitives comme… l’attention. Un cercle vertueux, si familier aux lecteurs avides qu’il entraîne parfois l’atrophie d’autres compétences cérébrales, telles que la reconnaissance des visages. Toute médaille a son revers.
Les écrans connectés dévorent notre temps de loisir au détriment des rencontres réelles, de l’activité physique, de la réflexion profonde, et même de nos besoins quotidiens. Les textos tombent, les notifications sonnent, quelqu’un attend quelque part une réponse urgente. Comment diable puis-je rester concentré sur un long roman, un essai politique, un article scientifique, surtout si je tente de le lire sur mon smartphone ou ma tablette toujours connectés ?
Alors ? Vous passez en mode avion. Vous laissez l’appareil dans l’entrée, sous un coussin, hors de portée. Mais vient alors une autre forme d’angoisse, la FOMO (Fear of Missing Out, ou peur de rater quelque chose). Non, vous n’y échappez pas, vous courez après votre queue comme le hamster dans sa roue. Vous êtes pris au piège.
Mais soyons honnêtes. L’information que vous attendez est-elle si vitale ? Ce qu’il vous faut, c’est un filtre, voire une déconnexion totale. Rappelez-vous comme il peut être agréable de sortir en oubliant son smartphone, de passer un week-end dans une cabane sans wifi, d’être à court de batterie lors d’une randonnée.
Faisons donc un tout autre pari : la prochaine génération technologique vous donnera ce dont vous avez besoin, quand vous en avez besoin. Pas ce que vous avez rentré dans les paramètres de votre smartphone. Ce dont vous avez vraiment besoin. Les gourous high-tech annoncent un monde nouveau où nos sens, nos compétences cérébrales, nos bras et nos jambes seront assistés, ou même remplacés par des machines. Eh bien c’est formidable.
- Prenez l’internet des objets (IoT): des périphériques connectés partout dans la maison et la voiture, équipés de capteurs de son, de couleur, de forme, de température, de mouvement, de courants électriques ou de pression ; robots conçus pour vous aider dans les tâches quotidiennes. Voulez-vous qu’ils tirent une sonnette d’alarme toutes les cinq minutes ou entrent dans la pièce à l’improviste, juste pour voir si vous allez bien ? Ou voulez-vous au contraire qu’ils soient pleinement opérationnels au moment opportun, qu’ils vous fassent gagner un temps précieux que vous pourrez consacrer à vos activités favorites. Quel est l’intérêt d’avoir un marjordome si vous l’avez sur le dos 24 heures sur 24. Voyez Lord Grantham dans Downton Abbey : lorsqu’il lit ou écrit tranquillement dans sa … bibliothèque, il sait que Carson ne le dérangera que si cela en vaut vraiment la peine.
- Prenez maintenant l’intelligence artificielle (AI): ce qui en fait une révolution, c’est qu’elle simule votre intuition. Il ne s’agit plus de calcul, de probabilité, de répétition. Il s’agit de tout savoir de vous, afin de « penser » comme le ferait votre cerveau. Les interfaces intelligentes seront conformes à mes attentes si elles les anticipent, me fournissent des informations avant même que j’en ressente le besoin, rejettent les e-mails que je jugerais intrusifs si je prenais le temps de les lire, répondent à ma place aux messages routiniers, ne me proposent que de bons choix. Là encore, pas de temps perdu, aucune perturbation inutile.
- Last but not least, prenons la réalité virtuelle (VR). Elle est censée nous transporter dans un autre monde sans quitter notre canapé, et c’est pourquoi les accros aux jeux vidéo sont si impatients de porter casques et gants. Mais ce qu’elle procure en premier lieu, c’est l’isolement, la concentration, un espace où nos rêves peuvent prendre vie. N’est-ce pas justement ce que nous attendons des livres ? Je me demande à quoi pourrait ressembler la « VR » (Virtual Reading) ? Des textes en trois dimensions, enrichis d’images et de sons ? Des livres audio accompagnés de visons générées par mes ondes cérébrales ? Un club de lecture virtuel, où je pourrai lire à haute voix mes passages préférés avec mes amis du bout du monde ? Désolé, je m’emporte… Je dérive, en quelque sorte, sur le fleuve du futur.
Comment les livres pourraient-ils mourir de la technologie ? Quelle que soit la forme qu’elles prendront (codex, ebooks, audio ou d’autres que nous pouvons encore imaginer), les histoires racontées avec des mots auront la vie dure.
Et je fait le pari que la technologie les y aidera, en évoluant. En devenant moins envahissante, et plus immersive.
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