Réflexions d'un Milanais français en quarantaine
Amis et compatriotes, quelques mots depuis Milan et l’Italie.
Nous y vivons une expérience inédite et assez irréelle qu’il est sans doute intéressant de partager en allant outre les messages de sympathie reçus. Ils font plaisir, mais nous donnent parfois l’impression d’être aussi loin de France que Wuhan, et qu’ils contiennent un peu de compassion.
Le pire n’est jamais sûr, mais mon expérience de banquier et consultant en stratégie habitué aux « plans de continuation » me fait penser que l’expérience italienne devrait être regardée de près en France et un travail préparatoire « au cas où » initié (aux plans personnels et professionnels).
La situation italienne peut être due à des composantes locales (des investissements réduits au niveau des hôpitaux de puis des années, un départ massif de médecins et personnels médicaux en 2019 après une loi maladroite sur les retraites, manque de personnel et de matériels, un climat sec, chaud et beau qui a sans doute augmenté la pollution depuis 2 mois, …), mais je ne pense pas que cela explique la situation en cours.
Rappelons-nous que la Lombardie (en tête dans le nombre de malades) constitue la 1ere région économique d’Italie (taille de la Belgique avec un PNB par habitant supérieur) et que son système de santé est considéré excellent et bien meilleur que celui du sud où les services d’urgence sont moins performants.
Il apparait surtout que ce virus est du genre « vicelard » et attaque allègrement comme la grippe beaucoup de monde mais que dans 80 % des cas semble-t-il le porteur est sain et ne le sait pas (aucun symptôme) bien qu’il soit contagieux et transmetteur. On a beaucoup parlé du risque pour les personnes âgées ou en situation de faiblesse : c’est exact mais n’est pas suffisant pour le décrire. Il concerne beaucoup les jeunes (enfants, adolescents et jeunes adultes) qui sont les premiers transmetteurs. Sans être médecin, il me semble que plus on y est confronté, plus il est potentiellement dangereux. Ce sont ces jeunes transmetteurs qui mettent à risque les personnes faibles et commencent d’ailleurs à présenter de façon croissante des cas de maladie sérieuse.
Gardons en tête que si 20 % seulement des personnes contaminées par le virus seront malades et 10 % de façon grave ou très grave cela peut devenir difficile à gérer pour n’importe quel système de santé. Dans le cas (pas impossible) ou 1/3 du pays était concerné, cela signifierait entre 1 et 2 millions de personnes à diriger vers les hôpitaux dont beaucoup en urgence absolue … Rappelons nous qu’une médecine de guerre implique des choix très douloureux.
Il apparait donc important de freiner la contagion, pour réduire bien sûr le nombre de malades mais aussi pour gagner du temps et préparer le système de santé … sans oublier réduire et retarder (pour l’organiser) l’impact sur l’économie qui sera très fort.
A ce point l’expérience italienne est riche dans ses erreurs et ses décisions courageuses :
- Il faut réduire les contacts et éventuellement aller très vite assez loin en arrêtant beaucoup d’activités (écoles, universités, cinémas, …) qui multiplient les risques de contacts et de contagion. Rester à la maison devient un leitmotiv. Cela sera dur, mais fera à terme gagner beaucoup de temps … et de vies.
- Être clair : le virus n’est pas l’affaire des « vieux » mais encore plus celle des jeunes qui doivent momentanément accepter de couper drastiquement leurs contacts et modifier leur mode de vie. La décision italienne de dimanche dernier provient sans aucun doute d’une réaction au nombre de milanais partis skier en masse ou des jeunes sortis de l’Ecole ou de l’Université faisant – comme ils y sont habitués – la fête dans la rue et en groupe jusque tard dans la nuit. De même les grands parents ne sont pas toujours les mieux placés pour garder des jeunes enfants. Ces nombreux contacts se payent cher aujourd’hui pour les ainès mais aussi avec un nombre de jeunes adultes croissants en réanimation.
- Une particularité : seule une communauté à Milan n’est pas concernée … la communauté chinoise qui s’est d’elle-même mise en quarantaine depuis au moins 15 jours (magasins fermés).
- Je dois dire que depuis Milan, nous n’avons pas compris les manifestations publiques françaises de ces derniers jours (fête de la femme, rassemblement de Schtroumpf, …) sans aucun respect des distances entre les participants.
Que faire ?
- Préparez-vous au pire et réfléchissez y froidement.
- Pensez aux activités à risques (nombreux contacts) que vous avez et pensez à celles plus personnelles que vous aimez et seront possibles en cas de quarantaine (achat de livre, vérification connexions internet, abonnements TV, équipement des grands parents, …).
- Expliquez à vos enfants qu’ils sont concernés au premier titre et doivent le faire pour leurs ainés mais aussi pour eux. Ils ont beaucoup d’autres moyens pour échanger avec leurs amis. Vous aurez du temps entre vous et ils ressortiront ensuite.
- Vérifiez et testez les possibilités de livraison à domicile proches de chez vous.
- Dans les entreprises, vérifiez qui a ou n’a pas l’accès au télétravail. Les cadres et commerciaux sont bien préparés, mais souvent pas les autres. Demandez qui a des problèmes d’internet chez soi.
- Pensez à des équipes réduites – se tournant éventuellement – pour augmenter les distances entre chacun au bureau.
- Anticipez un plan de fermeture temporaire et ses modalités (partielle, progressive, totale, ...).
La quarantaine ???
Personne n’y est préparé.
Il se passe que pour des raisons personnelles (un problème sérieux au genou), j’en suis – malgré moi – à ma seconde depuis le début janvier avec deux passages à l’hôpital (ce qui m’a permis de mieux connaitre ce monde qui n’est pas le mien et de vivre ce moment avec des chirurgiens) : je suis donc en quarantaine forcée depuis le 1er janvier dernier.
Je suis plutôt actif et impatient. Les 1ers jours furent très durs. L’inquiétude pour soi et les siens est réelle. On ne s’habitue pas, mais on s’adapte. Dans mon cas, ce fut beaucoup de lectures (ce que je ne faisais plus), l’utilisation d’Internet, Skype et WhatsApp pour rester en contact avec clients et amis. De beaux films à la télévision. Le recours à la livraison à domicile est facile et génial. Il m’arrive régulièrement de marcher dans la rue en restant à plus d’un mètre de chacun…
J’ai également réfléchi de façon nouvelle et détendue à certains dossiers (beaucoup de choses vont changer et les approches devront être modifiées). J’ai également écrit quelques articles comme celui-ci.
Le soutien de mon épouse Paola est essentiel … et les contacts avec les enfants différents et plus riches.
Pour l’instant je survis … il y a une petite part d’hibernation… mais ce n’est pas que cela.
Nicolas Diers Consulting
Strategy & Finance
EUROPEAN SALES MANAGER
4 ansMessage pertinent et intéressant. La France suit malheureusement le même chemin malgré notre système médical exemplaire et unique en Europe. Ce confinement nous permet de réfléchir sur les vraies valeurs de la Vie et sur la gravité de notre dépendance européenne à la Chine......
Corporate Strategy Meets Creative Media | Founder of 2Good agency | Podcast Host & Edu-Entertainment Innovator for Purpose-Led Brands | Podcasting, Video, and Coaching Solutions
4 ansArticle très intéressant. J’ajouterais que nous en profitions réfléchir à tout ce que l’on peut changer dans nos modes de vie et de travail pour un monde plus sustainable, une nouvelle donne socio économique: moins de voyages, moins de consommation à outrance, la protection des zones naturelles... Économiquement les alternatives sont déjà à notre portée et le confinement nous amène à les considérer: le digital, le smart working, la recycling économie... Auguro que nous sortions différents de ce cataclysme pour un monde meilleur 🤗
owner and Chairman Avvalor Corporate Solutions
4 ansOui je le pense aussi...