Réflexions sur la Différence... quelle que soit sa forme
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Réflexions sur la Différence... quelle que soit sa forme

L'autre jour, je m'indignais sur Instagram qu'en 2020, on en soit encore à ne pas comprendre, et donc à devoir expliquer, que chaque être humain devrait avoir le droit, y compris en pratique, de vivre la vie qu'il choisit pour lui.

Oui, en théorie nous avons tous le droit d'être vus et accueillis pour ce qu'on est, nos valeurs, nos aspirations, nos talents. On serait apprécié pour notre personnalité, notre comportement, notre contribution... et non pas pour notre couleur de peau, notre fonctionnement neurologique, notre religion, notre origine...

Et j'ai écrit cette phrase, à peu près : "si mon combat quotidien est de lutter contre la discrimination d'une forme de différence, alors il doit être de lutter contre la discrimination de toutes les formes de "différence"".

Mais quelque chose n'allait pas...

N'étant pas totalement à l'aise avec cette formulation, mais ne sachant pas comment reformuler, j'ai laissé en l'état. Quelques jours plus tard, je reprends la plume pour tenter de nouveau.

Différence. Ce mot est à la fois très parlant car ceux qui sont "différents" subissent des discriminations de toutes sortes... Et en plus, il y a même des différences dans les différences. Un.e autiste ne sera pas discriminé de la même façon qu'un.e noir.e, etc. Et apparemment, à mon grand désespoir, aux yeux de certains on doit prouver sa légitimité si on veut exprimer son indignation vis à vis de la discrimination d'une forme de différence qui ne nous touche pas directement. En gros, en étant blanche, je serai potentiellement critiquée si je milite contre la discrimination des noirs, car je ne l'ai jamais vécu. Heureusement, tout le monde ne pense pas ça (après tout, si on clame que tout le monde doit se sentir concerné, alors tout le monde doit pouvoir s'exprimer aussi, à partir du moment où l'intention est de sincèrement aider la cause).

Et en même temps, ce mot là, "DIFFÉRENCE", quand j'y réfléchis, n'exprime pas ce qu'on veut lui faire dire la plupart du temps. On parle des "gens différents". C'est comme s'il manquait la suite. Différents... entre eux ? Ou par rapport à qui, à quoi ?

On est tous différents !

Alors de quoi on parle ? Et attention, cette phrase "on est tous différents" n'est pas du tout utilisée là pour nier l'existence des discriminations, non. Je l'utilise ici vraiment pour mettre en lumière l'erreur dans la façon de penser qui mène à discriminer.

L'histoire mise à part (histoire qui, pour moi, n'explique que la présence dans nos esprits de pensées qui jugent les autres en fonction de leur couleur de peau, exemple au hasard... Et non pas le fondement de ces pensées), aujourd'hui en 2020, quand on regarde une personne blanche ou une personne noire, une personne d'origine maghrébine ou asiatique... Qu'est-ce qui nous pousse encore à dire "elle/il est différent.e" ? Différent.e de qui, de quoi ? Des personnes originaires de mon pays depuis des générations, ok peut-être, mais il y a plein de pays dans le monde, plein d'histoires, plein de couleurs de peau... Mais les populations discriminées ont toujours plus ou moins les mêmes caractéristiques. Alors à quel moment le mot "différent.e" est devenu une franche dépréciation de l'autre qui sous-entend une liste de critères sur lesquels on semble tous être d'accord ?

C'est juste un mot à l'origine.

C'est ça qui me gêne avec ce terme. C'est juste un mot à l'origine. Mais ce mot veut dire tellement de choses. Quand j'écris des choses comme "les gens différents" je me reprends, car c'est presque insultant, à mon humble avis, de dire d'une personne noire qu'elle est... "différente" s'il n'y a rien qui suit ce mot dans sa description.

  • Différente de sa sœur,
  • a des compétences différentes par rapport à la plupart de ses collègues,
  • a des habitudes différentes comparé à ses amis,
  • s'habille différemment en été et en hiver...
  • différent des autres de sa promo car vraiment passionné, super motivé et créatif,
  • différent des autres candidats car a besoin de conditions de travail particulières.

Tout ça c'est parfait, c'est basé sur le cas pratique et la connaissance de la personne, de son comportement et de sa situation.

Mais juste "différente" ? Posez-vous la question, sans attendre et sans vous mentir, ce que cela veut dire pour vous. Soyez honnêtes, ne serait-ce qu'avec vous-mêmes. Moi aussi, surtout après l'écriture de cet article, je vais surveiller mon utilisation du mot différent.

Parce que si on l'utilise sans rien derrière, c'est que notre façon de penser est calée sur une forme de normalité.

Et ça ne veut pas dire qu'on est raciste ou intolérant ou qu'on va discriminer. Ça veut juste dire qu'on a en nous une forme de penser qui va juger l'autre s'il ne rentre pas dans nos critères de cette normalité. On peut potentiellement, sans même s'en rendre compte, avoir de la pitié, un jugement, ou du mépris, sans même connaître la personne en face.

Ça ne nous définit pas, non, pas si on le voit, comme on verrait un bouton sur le front le matin dans le miroir. Mais si on choisit de dire "naaaan, je ne fais rien de mal, je suis une bonne personne, c'est pas un mot qui changera ça". Là, ça peut commencer à définir nos réactions, puis notre caractère, puis notre personnalité...

Denis SABARDINE Coordinateur de projets à impacts positifs

Je crée des rencontres et j'anime des écosystèmes de parties prenantes pour plus de collaborations, d'innovations RSE et de résilience : prenez une longueur d'avance !

4 ans

Voir Philippe Croizon. «être capable autrement» face à des difficultés

Cyrielle Doutrewe

Réflexion stratégique, optimisation et impulsion de projets

4 ans

Je vois moins négativement, l'usage du terme différent.e sans complément. Spontanément, j'aurais tendance à dire que cet emploi du terme différent.e sans autre ajout ni complément, qualifie ce qu'on peut imaginer, projeter, concevoir intellectuellement, mais pas vivre. En tant que femme blanche Européenne, je ne sais pas ce que c'est que d'être une femme noire, pas plus que d'être un homme blanc. Ces vécus me sont différents. Je ne sais pas et ne peux pas savoir. Je peux chercher à comprendre, faire preuve d'empathie, mais pas plus. Je ne me vois pas en surplomb, pointant du doigt la différence, mais au contraire plutôt humblement, je reconnais que je n'en sais rien, car ces vécus me sont différents. Là où la notion de normalité à laquelle vous faites écho, Liliya, me parle, c'est quand moi-même, je me sens différente et parfois même bizarre ou inadaptée. Dans ces moments où je m'évalue négativement et où je me sens en décalage, je ressens ma différence comme un défaut vis-à-vis d'un standard que j'ai "incorporé" et que je prends pour une norme pour ainsi dire statistique, or rien ne me le prouve du fait même de ne pouvoir me mettre à la place des autres. Certains de ces "standards" sont maintenus par des jeux de pouvoir. Ceux qui en tirent avantage craignent leur dissipation tels les nuages de fumée qu'ils sont. Voilà pourquoi ces moments de prise de parole collective, comme l'a par exemple été "me too", sont des moments qui, a minima par certains côtés, se révèlent salvateurs. Au-delà des différences, ils donnent à prendre conscience de vécus communs qu'on ne soupçonnait parfois pas et amènent à créer des leviers de changement.

Denis SABARDINE Coordinateur de projets à impacts positifs

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