Réformes du secteur de la santé: tout tourne autour de l’éthique

Depuis sa nomination à la tête du département de la santé publique, Dr Nedhirou Hamid s’efforce de mettre en œuvre des réformes auxquelles s’opposent bizarrement de proches collaborateurs, des élus de la majorité présidentielle et des acteurs sensés être favorables à tout ce qui va dans l’intérêt des musulmans. 

Pourtant ces réformes, qui font aujourd’hui la une de la presse, animent les discussions dans les salons nouakchottois et inquiètent les milieux mafieux, ne semblent viser, jusqu’à présent, qu’appliquer fermement la loi et s’acquitter honorablement de la mission dont Monsieur le Ministre de la santé est chargé, par les textes, en tant que membre de Gouvernement.

Je rappelle que ces réformes qui font de Son Excellence la vedette de l’actuelle équipe gouvernementale pour le citoyen ordinaire et l’ennemi juré de la mafia de son secteur, consistent à améliorer la qualité des prestations des personnels de ce secteur, par définition social, et à rendre ces prestations plus proches des populations et leurs auteurs plus humanistes et plus responsables dans l’exercice de leur profession. 

Il s’agit notamment de :
-          rendre le corps médical responsable des erreurs conduisant parfois à la mort ou la paralysie des patients et l’obliger à en rendre compte chaque fois;
-          assurer la prise en charge des gens dans les services des urgences et la gratuité de certains soins ;
-          mettre définitivement fin à l’entrée des médicaments contrefaits et périmés dans le marché national ;
-          réorganiser le privé de la santé de manière à contribuer plus efficacement à la politique nationale visant à garantir à la population une couverture sanitaire effective,  de qualité et en rapport avec son pouvoir d’achat : répartition géographique harmonieuse des pharmacies et cliniques et en rapport avec la densité des populations à l’échelle des villes et sur toute l’étendue du territoire national, déploiement des médecins spécialistes et généralistes en fonction de l’importance des infrastructures et équipement disponibles à Nouakchott et à l’intérieur du pays, régulation des prix des prestations, respects des standards liés à la conservation et aux bâtiments exigibles pour les pharmacies, les dépôts de médicaments et les cliniques, les conditions d’employabilité des personnels, etc.

C’est l’occasion de dire Bravo à Monsieur le Ministre pour les bonnes initiatives ci-dessus ainsi que pour sa volonté infaillible de faire appliquer des textes  encore en vigueur, mais mis en veilleuse sous la pression de malfaiteurs diffus dans les secteurs public et privé. D’aucuns n’ignorent que dans ce secteur de la santé, opère une mafia fortement implantée et habituée à prendre en otage les responsables au niveau de tous les maillons de la chaîne de décision.

En dehors des textes relatifs aux pharmacies et à l’exercice privé des professions de santé, il y a l’arrêté n° 324 en date du 14 Avril 2016 créant un comité d’éthique sur la recherche en santé et puis la loi n°2016-027  en date du 29 Juillet 2016 relative au don,  au prélèvement et à la transplantation d’organes et de tissus humains. 

A propos, c’était là deux mesures suffisantes pour montrer alors que notre pays s’est finalement réveillée après plusieurs décennies pendant lesquelles l’éthique, en tant que telle, a toujours été ignorée ou, au mieux, traitée implicitement et en dehors de tout cadre réglementaire  et institutionnel véritable.

Aujourd’hui, il semble que, depuis quelques jours, Monsieur le Ministre de la Santé a, dans le cadre des multiples dossiers qu’il est en train de faire bouger, adressé des correspondances  aux Départements concernés pour qu’ils désignent leurs représentants respectifs au comité d’éthique déjà prévu dans le domaine de la santé. 

Serait-ce pour moi l’occasion de rappeler, à Monsieur le Ministre de la santé, la nécessité de revoir le nouvel organigramme de son département même si ce que je pense être une insuffisance, reviendrait surtout au Bureau d’Organisation et des Méthodes (BOM) chargé, entre autres, de l’application du décret 93- 075 du 06 Juin 1993, encore en vigueur.

Quant à la loi n° 2016-027, elle  devra également être révisée dans le cadre de cette nouvelle dynamique engagée et que tous les pauvres prient pour la voir se poursuivre et aboutir conformément à la volonté du Président de la République Mohamed Cheikh El Ghazouani et en application de son programme électoral où la santé et l’éducation en constitue la substance. 

Il s’agit notamment de rendre ladite loi plus concise et de la concentrer uniquement sur l’éthique médicale, notamment en ce qui concerne la recherche biomédicale, le fonctionnement des établissements de santé et le comportement des personnels. 

Ma contribution à ce sujet se limite à proposer l’adoption d’une autre loi d’orientation pour constituer la référence dans les domaines autres que la santé, c'est-à-dire les domaines où les principes et règles de l’éthique seraient applicables. D’une telle loi, devront ultérieurement découler les textes d’application et ce en rapport chaque fois avec l’état d’avancement des activités de recherche scientifique et technologique, et en fonction du domaine considéré et du niveau hiérarchique administratif ciblé.

Peut-être qu’il serait aussi opportun de rappeler aux collaborateurs de Monsieur le Ministre les options connues au sujet des comités d’éthique afin qu’ils puissent l’aider à en choisir celle qui conviendrait le plus au contexte actuel mauritanien.

 L’une de ces options, consiste à mettre en place un Comité National d’Ethique sous la tutelle du Premier Ministère ou de la Présidence de la République. Dans ce cas, le comité serait chargé de l’élaboration des politiques et de la coordination des travaux des comités créés au sein des différents secteurs (définition des secteurs à viser en priorité, des missions, des domaines couverts, du mode de fonctionnement, des parties représentées, des spécialités devant obligatoirement faire partie du staff comme la philosophie, la sociologie, le droit et la théologie).

Une autre option, porterait sur le commencement par la création de comités d’éthique spécialisés au niveau  des secteurs les plus concernés (santé, recherche, enseignement supérieur, environnement, etc.) avec la possibilité de créer des comités secondaires au sein des différentes institutions relevant de chacun de ces secteurs (universités, institutions de recherche scientifique et technologique, établissements de santé, etc.). 

Dans les deux cas, la stratégie sectorielle de santé devra promouvoir une culture éthique au sein des groupes prioritairement ciblés afin  que l’éthique devienne un mode de pensée et un comportement stéréotypé chez les fonctionnaires, les chercheurs et  tous ceux qui pourraient être directement concernés par l’éthique et les questions qui lui sont étroitement liées. 

Cette promotion commence par informer les parties prenantes sur  (i) la différence entre «éthique» et « morale » et entre « éthique » et « déontologie », (i) les principaux champs de l’éthique en tant que discipline (éthique appliquée, éthique  normative et méta-éthique ou éthique fondamentale) et enfin, (iii) les sous-champs de l’éthique appliquée (bioéthique, éthique professionnelle, éthique environnementale, éthique politique, éthique commerciale, etc.). Ainsi, on saura que l’éthique n’est pas uniquement médicale comme il est souvent établi.

Une autre façon de promouvoir une culture éthique, en constitue aussi son introduction dans les programmes d'éducation et d’enseignement au niveau du fondamental et du secondaire ainsi que dans certains établissements moyens et supérieurs comme la faculté des sciences et techniques, la faculté de médecine et les écoles de santé.

Contribue également à cet objectif, l’institutionnalisation de l’éthique pour en faire une composante essentielle du système national de bonne gouvernance sachant que tous les problèmes du pays, voire de l’humanité tout entière, tournent autour de l’éthique.

D’autre part, les pouvoirs publics devront soutenir,  moralement et matériellement, les comités d’éthique et renforcer leur indépendance, notamment en ce qui concerne l’émission des avis et la prise de décision ; cette indépendance devant cependant rester dans les limites de la loi et des règles et principes éthiques consacrés.

Ils devront également développer des outils et/ou mécanismes de suivi et de contrôle pour assurer le bon fonctionnement de l’ensemble des comités d’éthique et à tous les niveaux hiérarchiques (Comité National hautement ancré et Comités sectoriels, sous-comités, etc.).

Par ailleurs, si vous êtes d’accord, chers lecteurs et concitoyens, avec Monsieur le Ministre de la santé dans son entreprise, dites alors, comme mois, ‘’Je suis Nedhirou’’ et soyez prêts à descendre dans la rue pour soutenir ses réformes et contrecarrer toute manifestation de leur refus de la part des réfractaires.



Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme


Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Sidi el Moctar Ahmed Taleb

Autres pages consultées

Explorer les sujets