Secteur des pêches: une nouvelle stratégie et plusieurs impératifs à réconcilier
Monsieur le Ministre des Pêches et de l’Economie Maritime vient de présenter au Conseil des Ministres une communication sur l’opération d’évaluation de la stratégie 2015-2019 de son Département et le lancement de la préparation d’une nouvelle stratégie pour la période 2020-2024.
En ce qui concerne l’évaluation, elle a permis à Monsieur le Ministre de disposer, à travers diverses sources, d’avis clairs sur la pertinence, la faisabilité et l’acceptabilité de la stratégie évaluée dite « Stratégie Nationale de Gestion Responsable pour un Développement Durable du secteur des Pêches et de l’Economie Maritime 2015-2019».
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En effet, Son Excellence sait aujourd’hui dans quelle mesure la stratégie 2015-2019, telle que adoptée en 2015, et les mesures prises après pour sa mise en œuvre (textes juridiques et actes administratifs), ont durablement éloigné le risque de la surexploitation (objectif de durabilité de la ressource et environnement) et assuré un meilleur profit durable, lui aussi, des ressources halieutiques nationales (objectif d’intégration accrue du secteur à l’économie nationale).
Monsieur le Ministre dispose également de réponses claires et nettes à ceux qui se sont demandé si sa stratégie avait, au départ, les moyens de ses ambitions et dans quelle mesure cette stratégie avait-elle aussi tenu compte de l’environnement qui prévalait alors. A rappeler que les moyens se réfèrent aux ressources financières et aux compétences nécessaires pour que la stratégie atteigne ses objectifs alors que l’environnement désigne les conditions locales, sous-régionales et internationales existantes lors de la conception de la stratégie ou devant probablement survenir au cours de la mise en œuvre.
Aussi, notre Ministre des Pêches sait actuellement dans quelle mesure la stratégie a bénéficié du soutien des principales parties prenantes et comment a été perçue, par ces parties, la manière dont cette stratégie a été mise en œuvre de 2015 à nos jours; ces parties prenantes étant notamment la profession nationale et les administrations impliquées ou celles que l’Etat avait cibler pour les attirer (investisseurs nationaux et étrangers, les partenaires techniques et financiers, etc.).
Quant à la stratégie en cours de préparation, tous les ingrédients nécessaires pour son élaboration sont inventoriés et, en majorité, disponibles : le rapport d’évaluation de la stratégie finissante, les résultats de réunions de concertations récentes avec la profession et les autres partenaires, une synthèse des résultats du Groupe de Travail de l’IMROP de février 2019, la SCAPP 2016-2030, le Programme Electoral Présidentiel 2019 et la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement 2020-2024.
A mon humble avis, il ne reste qu’à mettre sur pied les groupes thématiques annoncés par Monsieur le Ministre des pêches lors de la Conférences de presse organisée sur les résultats du dernier Conseil des Ministres et à poursuivre les concertations avec la profession et les autres partenaires concernés ; le but étant de s’inspirer du précédent arsenal documentaire et d’approfondir la réflexion sur un ensemble de questions particulières pour obtenir, in fine, un document répondant aux déterminants du changement prôné par la nouvelle Direction, inscrits dans son programme électoral et perceptibles déjà dans l’action de son Gouvernement.
Dans cet exercice, le premier souci devra être celui d’intégrer dans la nouvelle stratégie 2020-2024 et son plan d’actions, toute la partie relative à la pêche dudit Programme du Président de la République et de la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement. Lors de cette opération chirurgicale, on devra également prendre soin de rester en harmonie avec la Stratégie de la Croissance Accélérée et de la Prospérité Partagée 2016-2030, même si celle-ci risque, à son tour et pour la même raison, de subir des greffes et/ou des cautérisations ou ablations.
Chez les mêmes groupes thématiques de Monsieur le Ministre des pêches, le deuxième souci devra être celui de tenir davantage compte des critères traditionnels de pertinence, de faisabilité et d’acceptabilité sur la base desquels s’évaluent tant la qualité d’une stratégie à sa conception que la manière dont cette dernière aura été ultérieurement mise en œuvre.
A l’issue de cette phase cruciale du processus d’élaboration d’une nouvelle stratégie pêche, le produit final devra réconcilier plusieurs impératifs à la fois : consolider les acquis consensuels, apporter des solutions pertinentes aux dysfonctionnements constatés et d’innover à l’aune des expériences capitalisées, des enjeux de l’heure et de l’ambition du nouveau dirigeant du pays, en l’occurrence le Président de la république Monsieur Mohamed Cheikh El Ghazouani.
Au niveau des détails, il incombera à l’Etat de garantir, en amont comme en aval, toutes les conditions requises pour que les connaissances sur notre patrimoine halieutique soient davantage approfondies et la préservation durable de ce patrimoine, soit garantie. Il devra aussi veiller à ce que l’accès à cette propriété commune à tous les mauritaniens soit suffisamment transparent et son allocation aux acquéreurs, effectivement équitable.
A un autre niveau de détails, la prudence devra être de mise, notamment en ce qui est de l’évaluation de certaines composantes des ressources halieutiques, des statistiques de pêches (biologiques et économiques) et de la détermination des TACs annuels.
Aussi, il serait souhaitable de revoir (i) les définitions de ‘’pêche artisanale’’ et ‘’pêche côtière’’, (ii) les segments et le zonage par rapport à la typologie des navires à privilégier désormais et aux engins et techniques les plus appropriés et enfin, (iii) les conditions d’autorisation des usines de farine et huile de poisson eu égard leurs effets sur la ressource et l’environnement (y compris la santé des populations) et leur faible contribution à l’objectif d’intégration accrue de la pêche à l’économie nationale.
L’affrètement, sous toutes ses formes, et les questions ci-dessus, méritent d’être suffisamment analysés par rapport à des objectifs prioritaires intermédiaires sur la voie de l’intégration des activités du secteur de la pêche dans l’économie nationale. Parmi de tels objectifs, on peut rappeler la domiciliation des activités de pêche (navires nationaux, main d’œuvre mauritanienne, infrastructures de débarquement et de stockage suffisantes, etc.), la création de la valeur ajoutée (transformation locale des produits pêchés dans ZEEM, maximisation des effets induits de l’exploitation des ressources halieutiques nationales, etc.), la renaissance d’une flotte nationale autour, pour la pêche artisanale et côtière, du produit amélioré des Chantiers Navals de Mauritanie, l’élimination du maillon des intermédiaires dans toutes les activités et tous les niveaux, etc.
Les impacts actuels et potentiels des changements climatiques sur le secteur des pêches, obligent déjà que la stratégie de pêche en perspective réserve une place de choix à ce genre de problématiques, une place qui serait en rapport avec les données alarmantes du cinquième rapport du GIEC et avec la Quatrième Communication Nationale sur le Changement Climatique 2019.
Par ailleurs, seront dans la mire, au lendemain de l’adoption en Conseil des Ministres de la stratégie pêche pour 2020-2024, les mesures dont dépendra étroitement la réussite de la mise en œuvre de se document de référence appelé à guider l’action du secteur des pêches et de l’économie maritime les 5 prochaines années.
D’abord, il s’agira de la mise en place d’un nouvel organigramme pour le Département. Celui-ci devra être conçu dans un souci d’efficacité et d’efficience, et puis de manière à traduire, à travers la logique des liens fonctionnels entre ces unités, les orientations et les priorités de la nouvelle stratégie telles que déclinées dans le plan d’action qui accompagnera cette même stratégie.
Ensuite, interviendra une phase qui était, par le passé, très sensible et source de beaucoup d’injustices, c'est-à-dire celle du redéploiement des ressources humaines. Avant la nouvelle responsabilisation des Ministre sous le nouveau régime, il était en effet presque impossible, pour nos Ministres, de respecter l’expérience et le profit dans les nominations et d’éviter l’importation de cadres au détriment de certains collaborateurs qui attendent, depuis une éternité, une promotion équitable.
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Ainsi, on passera immédiatement à la traduction de la nouvelle stratégie en textes juridiques et actes administratifs définissant les règles du jeu pour toutes les catégories d’acteurs et explicitant, surtout, les conditions techniques et financières de l’exploitation des ressources halieutiques nationales marines et continentales, et de leur élevage (aquaculture).
Enfin, élaborer cette stratégie 2024 avant la fin de l’année en cours et prendre ces quelques mesures devant garantir sa bonne mise en œuvre, feront de la pêche le premier département ministériel à avoir mis en place une stratégie sectorielle sous le règne du Président de la République Monsieur Mohamed Cheikh El Ghazouani. Un bon exemple à suivre par les autres départements ministériels et à accompagner par les hautes autorités du pays.
Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme