Régime de droit commun des sociétés civiles de portefeuille
Dans le monde des affaires, les sociétés civiles de portefeuille (SCP) occupent une place importante pour la gestion d’actifs et la transmission du patrimoine. Leur fonctionnement est régi par les règles de droit commun, mais certaines spécificités méritent d’être détaillées. Cet article a pour mais d’explorer les particularités de la gestion, des droits des associés et de la fiscalité des sociétés civiles de portefeuille.
I. La gérance des sociétés civiles de portefeuille
A. Le choix du gérant
Dans une société civile de portefeuille, les associés ont la liberté de choisir un gérant qui peut être une personne physique ou morale, associée ou non. Ce choix est libre tant que le gérant respecte les conditions de capacité légale. Conformément à l’article 1848, alinéa 3 du Code civil, les statuts de la société permettent aux associés de déterminer les pouvoirs du gérant, y compris les limitations si nécessaire. Par exemple, ils peuvent exiger une autorisation préalable des associés pour certaines opérations d’envergure, telles que la souscription de prêts ou la cession d’actifs immobiliers importants.
Les statuts peuvent également être modifiés pour intégrer de nouvelles restrictions aux pouvoirs du gérant. Cela nécessite une majorité qualifiée d’associés, comme le confirme la jurisprudence (CA Versailles, 31 octobre 2002). Ce cadre permet à la société de protéger ses intérêts tout en offrant une flexibilité dans la gestion, particulièrement utile lorsque la société est constituée dans le but de transmettre un patrimoine familial. Dans de tels cas, le donateur usufruitier peut souvent être désigné comme gérant pour maintenir une maîtrise sur la gestion des biens transmis.
B. Les pouvoirs du gérant
Les pouvoirs du gérant dans une société civile de portefeuille sont étendus, mais restent encadrés par l’objet social de la société et les statuts. L’objet social, en tant que limite des pouvoirs, protège les associés des décisions qui pourraient aller à l’encontre de l’intérêt de la société (C. civ. art. 1852). De plus, les associés peuvent décider de déléguer la gestion de leur portefeuille de titres à un tiers professionnel, tel qu’un prestataire de services d’investissement. Dans ce cadre, le gérant, en vertu de l’accord de mandat, peut céder la prise de décision concernant les achats et ventes de titres à ce prestataire, tout en maintenant la possibilité de revendiquer le droit de vote lié aux titres détenus.
La gestion sous mandat doit être précisée dans les statuts de la société, ce qui permet de la rendre opposable aux tiers. Cela signifie que le prestataire désigné peut agir dans le cadre du mandat de gestion, mais doit respecter les limitations fixées, comme la consultation préalable des associés pour certaines décisions stratégiques.
C. La rémunération du gérant
La rémunération du gérant dans une société civile de portefeuille dépend des statuts de la société et des conventions entre associés. En l’absence de règles spécifiques dans le Code civil, la pratique habituelle dans les sociétés de portefeuille familiales est de ne pas rémunérer le gérant, particulièrement lorsque celui-ci est associé. Toutefois, rien n’empêche les associés d’établir une rémunération, laquelle doit être mentionnée dans les statuts ou faire l’objet d’une décision commune.
II. Les droits des associés et l’imposition des bénéfices
A. Les droits des associés
Les associés d’une société civile de portefeuille bénéficient de droits patrimoniaux et de droits de gestion, qui sont encadrés par les statuts de la société. Conformément au Code civil, chaque associé a le droit de participer aux décisions importantes, notamment celles qui modifient les statuts ou engagent le patrimoine de la société dans des opérations significatives.
Les statuts peuvent comprendre des clauses qui imposent une consultation préalable des associés avant des opérations spécifiques, comme la modification de l’objet social ou l’engagement d’emprunts importants. Ces dispositions garantissent aux associés un certain contrôle sur les décisions impactant l’évolution de leur investissement.
B. L’imposition des bénéfices
En matière fiscale, les sociétés civiles de portefeuille suivent le régime de transparence fiscale, à moins qu’elles n’aient opté pour l’impôt sur les sociétés (IS). En vertu de la transparence fiscale, les associés sont imposés directement sur leur part de bénéfice dans la société, déterminant de sa distribution. Ce régime permet de réduire les impositions de la société elle-même, les bénéfices étant attribués et imposés entre les mains des associés. Cela peut se révéler avantageux pour les sociétés de portefeuille à visée patrimoniale, en particulier lorsque les associés souhaitent optimiser la transmission de leur patrimoine.
Dans le cas d’une option pour l’IS, la société civile de portefeuille devient un contribuable autonome. Cela modifie considérablement l’imposition puisque les bénéfices sont imposés directement au niveau de la société, avec des taux progressifs en fonction du montant des bénéfices. Cette option peut être judicieuse pour des associés souhaitant capitaliser sur les bénéfices de la société sans les distribuer immédiatement, en bénéficiant d’un taux réduit d’IS pour les PME.
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La société civile de portefeuille est un outil juridique précieux pour la gestion et la transmission du patrimoine. En permettant une gestion flexible et adaptée aux besoins des associés, elle reste soumise aux règles de droit commun, offrant ainsi un cadre juridique sécurisant tout en laissant place à une grande liberté organisationnelle.
Toutefois, le choix du régime fiscal et les règles de gérance doivent être mûrement réfléchis en amont. Grâce à des statuts bien conçus et une gestion appropriée, les sociétés civiles de portefeuille constituent un levier important pour optimiser la gestion des actifs, tout en garantissant la pérennité du patrimoine transmis.