Recruter, un acte militant pour l'entreprise

Recruter, un acte militant pour l'entreprise

Deux thématiques sont à l'honneur aujourd'hui sur mes deux pays d'intervention :

  • La Suisse et la réflexion sur le bien-être au travail
  • La France et la réforme des retraites

Dans les deux cas, ces thématiques invitent beaucoup d'entreprises à structurer de véritables stratégies de développement ayant comme toile de fond l'impact du recrutement et l'importance de ce processus dans la pérennité des organisations. Parcourant ces deux nations en abordant ce sujet, je vous partage quelques retours d'expériences afin d'ouvrir la réflexion sur le sujet suivant : Recruter, un acte militant pour l'entreprise.

Le modèle helvète au coeur de la vie professionnelle

Au sein des entreprises comme dans la presse, il est possible de voir fleurir bon nombre de réflexions autour de l'importance donnée au bien-être au travail. Saluons d'ailleurs sur ce point la maturité suisse des organisations dans l'accompagnement de leurs collaborateurs(trices) dans la définition du rapport au travail. Pour citer M. Bertrand Levrat dans son discours d'accueil auprès de la nouvelle promotion 2022 des personnels soignants au sein des HUG - Hôpitaux Universitaires de Genève : "Avant même de penser aux patients penser d'abord à votre santé." Un modèle d'exemple qui s'ensuit de véritables dynamiques d'équipes:

  • L'organisation des 7 programmes de la vision 20+5 que je vous invite à découvrir dans le lien suivant : https://www.hug.ch/vision-2025/sept-programmes
  • Sur le terrain au niveau opérationnel, lorsqu'une cheffe de service invite régulièrement chaque membre de son équipe à présenter au reste du groupe et à échanger avec ce dernier sur une méthode d'organisation pour favoriser l'amélioration continue au quotidien dans le service (saluons ici l'équipe de Loëx à l'image d'une collaboratrice responsabilisée pour présenter à l'équipe la Méthode Kaizen dans le but d'échanger autour de cette pratique d'amélioration du travail).

Tout ceci dans une approche terrain et pragmatique du rapport du bien-être des salarié(e)s au travail. Cet aspect illustré par un environnement professionnel aussi mature que les HUG - Hôpitaux Universitaires de Genève n'est pas le même dans tous les secteurs d'activités et il est important de comprendre comment ce sujet du bien-être au travail est mis en lueur au niveau confédéral.

Il est grand temps d'enclencher le changement

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Le stress au travail coûte cher et pas qu'en Suisse...

Comme l'évoque les chiffres de job stress index 2022 publiés dans le journal d'hier de la RTS - Radio Télévision Suisse : le coût du stress au travail en Suisse représente une valeur nette de 6,5 Milliards de CHF. Cette perte colossale entraîne les entreprises à une réflexion plus profonde de leurs parcours d'intégrations et de suivis des salarié(e)s. En effet, de plus en plus de fonctions "considérées comme émergentes" font leur apparition dans le paysage helvète, je pense ici aux Happiness Officer. En réalité, présent(e)s depuis longtemps au sein du territoire confédéral, ces dernier(ère)s amènent les organisations à de véritables réflexion sur le prisme suivant : " Vous me dîtes que le bien-être de votre salarié coûte cher, je peux vous partager ce que représente le coût de votre salarié en burnout ou en mal-être au travail." Il n'y a pas de condamnation des modèles en place dans ce types d'échanges avec les dirigeant(e)s des organisations. En outre, il y a une vraie volonté de présenter deux alternatives aux modèles stratégiques de gestion des ressources humaines au sein des structures. Ce postulat est d'autant plus défendable qu'il est aujourd'hui possible d'observer des nouvelles formes d'organisations dans certains secteurs d'activités pour participer à un changement organisationnel du travail favorisant le bien-être des salarié(e)s : un jour de télétravail dans la semaine, une meilleure organisation dans les transferts de savoir pour mieux intégrer les nouveaux(les) arrivant(e)s par exemple.

Tout ceci dans un contexte de changement lié à un processus clé au niveau helvète: le recrutement. Cet acte déterminant qui va impulser la dynamique d'intégration et d'accompagnement, nous l'avons vu au sein des HUG. La dimension que prend dès lors ce processus au sein de la société suisse dans la vie d'une organisation relève d'un acte militant destiné à favoriser le bien-être du(de la) salarié(e) au coeur de son parcours professionnel.

Le modèle français aux portes de l'Histoire

Au sein du territoire hexagonal, se situe une réflexion similaire mais qui tend à se structurer sur d'autres contextes "du moment". Loin de moi l'idée de mettre de côté le stress au travail et son impact financier direct sur les organisations. Je souhaiterai revenir sur le contexte actuel lié à la réforme des retraites et à son impact direct au sein des organisations. De la même façon que l'on prononçait cet adage à l'encontre de la génération née en 2000 confrontées à bon nombre de difficultés d'intégration professionnelle et universitaire durant le COVID: "Qu'il est difficile d'avoir 20 ans en 2020"; je pourrai dire ici: "Qu'il est difficile d'être salarié(e) en 2023 et qu'il est difficile d'être Patron(ne) en 2023."

Il est vrai que les processus d'intégration et de fidélisation sont en place ou tendent à se mettre en place au sein des organisations françaises. Il existe de nombreuses thématiques phares pour structurer l'accompagnement au sein de la vie professionnelle d'un(e) collaborateur(trice) en entreprise : La GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), la marque employeur, les ambassadeur(drice)s d'entreprise, les mentoring, etc... Néanmoins, face à une réalité offrant plus de perspectives anxiogènes que positives, collaborateur(trice)s comme patron(ne)s sont dans une situation sociale peu évidente à appréhender.

"M'investir pour ma boîte OK je veux bien, mais dans quel but, pour que demain je finisse avec le dos en vrac à 64 ans sans pouvoir profiter de ma retraite. C'est le patron qui va me le racheter mon dos? Alors à quoi bon."

J'ai récemment vécu chez un client une situation illustrant ce contexte compliqué tant du point de vue patronal que du point de vue salarial. Un dirigeant était assez agacé par le comportement d'un de ses collaborateurs pour lequel il a mis en place une machine de production éradiquant définitivement tous les problèmes de pénibilités au travail (ce poste comporte des actions répétées de charges lourdes et la machine installée permet au collaborateur de produire sans avoir à porter la moindre charge). Son agacement venait du fait que le collaborateur était allé manifesté pour les retraites là où lui, il se bouge pour améliorer ses conditions de travail. "Il serait peut-être intéressant de l'entendre sur le sujet des retraites" glissais-je alors dans ce climat pour le moins "vif". Mais sans aller à l'encontre des propos du dirigeant, nous sommes allés rencontrer le salarié. Dans cet échange aussi franc et pagnolesque que sur le port de la crié, nous avons pu entendre le collaborateur nous évoqué le point suivant : " J'ai mon père qui nous a quitté à l'âge de 64 ans, mon grand-père à 62 et mon frère aînée à 59, j'en ai 54 et j'ai un peu peur du signe indien et que l'Histoire se répète alors oui cette réforme à 64 ça me travaille pas mal." Ce point de vue lâché comme un aveu avait plus des airs de catharsis en réalité et de courage (il n'est pas si facile d'évoquer ce point de vue à son dirigeant dans un contexte "vif"). Je salue ici le courage de ce collaborateur qui a pu faire tomber les murs de l'incompréhension et qui a permis à son dirigeant de lui évoquer toute la volonté que ce dernier met dans l'amélioration des conditions de travail pour que ce même collaborateur, non seulement aille jusqu'à la retraite durant son parcours dans l'entreprise, mais d'autant plus, y aille en bonne santé physique pour profiter de l'après-carrière. Je m'arrête sur ce point en analysant deux prismes, celui du collaborateur, et celui du patron: dans les deux cas, leurs raisons de militer sont louables, mais force est de constater que le contexte politique les a littéralement coupés de cette capacité à échanger normalement sur ces points si pertinents. Dès lors, je peux évoquer qu'il est tout aussi compliqué d'être salarié(e) que patron(ne) en France dans ce contexte de réforme des retraites.

Si j'évoque un modèle français aux portes de l'Histoire, c'est pour rappeler la dimension du cycle de vie professionnel dans le cadre de ce modèle.

En effet, il est observable qu'en France, bon nombre de processus d'accompagnements des collaborateur(trice)s se structurent autour du cycle de vie professionnel de la personne. Les portes d'entrées et de sorties professionnelles sont souvent regardées de près par les organisations. La réforme des retraites illustre notamment les portes de sorties. Elles sont de plus en plus (et ce n'est pas trop tôt) associées aux portes d'entrées au sein de l'organisation(ici du recrutement). En d'autres termes, comment mieux recruter et mieux intégrer les collaborateur(trice)s dans un cycle de vie professionnelle plus adapté et amélioré.

La difficulté de cette tâche est grande et de nombreuses organisations se mobilisent, à raison, pour soutenir les stratégies d'entreprises à de meilleurs modèles de recrutement et d'intégration. Je salue ici tout le travail mené par l' OPCO 2i et plus spécifiquement je tiens à saluer le travail de mes confrères et consoeurs Valérie LAVAUD , Jérémy Ceyrat , Laëtitia DUROUX , Anne DELACROIX , Delphine BOMBENGER , Sandra LATHUILLE tant sur les territoires de Nouvelle-Aquitaine que sur l'Auvergne Rhône Alpes dans l'accompagnement des entreprises à une meilleure mise en place de stratégies Marque Employeur pour favoriser de meilleurs parcours d'intégration.

Il est donc nécessaire d'amener au sein des entreprises françaises plus d'échanges concernant des thématiques "à risque".

"Je pourrai résumer mon travail à rendre plus comestibles en entreprises les sujets à ne pas aborder durant les repas de famille."

Là où il y a de l'échange, il n'y a pas de risque

La dimension qui m'anime chaque jour dans mes interventions au sein des entreprises est de favoriser le développement des organisations par l'échange et l'écoute de chaque acteur(trice) de ces mêmes organisations. Il est vrai que le contexte économique actuel n'est pas évident à appréhender tant du côté salarial que patronal, mais la possibilité d'échanger collectivement sur des craintes, n'est-ce pas l'un des premiers éléments de pilotage nécessaire au développement de l'entreprise? Là où la transparence est présente, il y a généralement des échanges qui amènent à des structurations de stratégies bien plus impactantes que là où collaborateur(trice)s et patron(ne) n'ont pas pris le temps d'échanger. Le risque serait de ne pas échanger et de passer à côté des portes de l'Histoire pour l'entreprise et ses collaborateur(trice)s. S'écouter est un acte collectif et responsabilisant en entreprise. Recruter pour commencer à écrire l'Histoire est un acte militant en entreprise.

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