REFLEXIONS. Le bitcoin doublant est troublant.

Je profite que le bitcoin depuis mon réflexions du 15 mai ait doublé pour citer Oscar Wilde et sa définition du « cynique, celui qui connait le prix de tout et la valeur de rien ». Le bitcoin serait alors la monnaie cynique par nature. Proche de ses plus hauts historiques, je ne reviendrai pas sur les facteurs explicatifs de cette hausse, qui sont abondamment commentés dans la presse ces derniers jours, ou dans le Réflexions du 15 mai repris ci-dessous. En revanche, contrariant, à cette phase du cycle boursier, les alternatives et les autres outils de diversification me semblent plus attractifs.

Nous avions vu il y a 6 mois, que le coût de production d’un bitcoin ressortait entre 3500 et 6500$, et c'est ce qui constituait une des différences fondamentales avec les autres devises dont le coût de fabrication est nul. Avec la hausse du coût de l’énergie depuis et celui du prix des semis, ce coût a certes été relevé de 10 à 15% depuis, mais insuffisant pour offrir le même soutien à la baisse qu’en mai. Nous sommes aujourd’hui en moyenne à plus de 3 fois son prix de production, versus moins de 2 fois alors. Ayant déterminé son prix, il faudrait dériver sa valeur, politique ou macro-économique (monnaie à l’univers fini dans un monde de QE), et ce que font de nombreux analystes ces jours-ci. Mais la visibilité offerte par un quasi retour à la normale courant 2021 justifie un retour sur des actifs risqués dont nous pouvons dériver une valeur : la Livre Sterling ou l’Euro maintenant que nous approchons de la phase finale de négociation du Brexit, les actions et notamment les dossiers M&A ciblés sur les activités de services dans les industries lourdes (pensons à l’équipement pétrolier qui doit réajuster et compléter son outil de production) ou les activités BtoC, telles que la consommation cyclique ou les financières (cf RSA, Banques espagnoles, italiennes) qui ont su montrer leur résilience dans cette crise.

Dans le même esprit que mon billet très optimiste de la semaine dernière, un retour à meilleure fortune avec la diffusion des vaccins en 2021 va nécessiter de faire des choix plus marqués en faveur de critères ESG, que le bitcoin ne remplit d’aucune manière, notamment avec les chocs climatiques qui se profilent (El Nina, réchauffement). La concurrence enfin de monnaie digitale lancée par les Banques Centrales à moyenne échéance, même si elle est combattue par les banques traditionnelles, retirerait une partie de l’utilité (simplicité du blockchain) du bitcoin.

En conclusion, si en mai on pouvait diversifier les investissements considérant leur couple risque/profitabilité, cela est de moins en moins vrai aujourd’hui, au profit d’une allocation de plus en plus actions, seul actif liquide capable de générer rendements et couverture contre l’inflation. Le bitcoin garde, dans ce contexte, son utilité, mais attendons que sa valeur revienne plus proche de son prix.

A bientôt,

Laurent

REFLEXIONS du 15 mai. Le bitcoin cogne à la porte.

Il n’aura pas fallu attendre que le gérant de Hedge Funds Paul Tudor Jones annonce la semaine dernière son investissement d’une partie de ses fonds dans les crypto-monnaies pour que leur légitimité se trouve renforcer. La crise sanitaire actuelle et la capacité de résistance des crypto-monnaies, en qualité d’actif risqué mais avec une certaine profondeur de marché, indiquent que les intervenants ie les investisseurs sont de plus en plus nombreux.

Présenté comme un instrument de diversification de l’investissement en même temps qu’une monnaie d’échange, le trading se concentre de plus en plus: les 10 premières monnaies en termes d’échange concentrent 90% du volume de trading contre 75% il y a un an. Le code de ces monnaies qui les empêche de dépasser au bout d’un certain temps un nombre prédéterminé d’unités (21 millions d’unités pour le bitcoin, montant qui devrait être atteint en 2040 selon les prévisions), semble les garantir contre l’inflation et le risque de dévaluation comme peuvent l’être les monnaies traditionnelles, dans les mains de banques centrales qui usent de la planche à billet à leur discrétion, voir à la discrétion du pourvoir politique (voir le Réflexions de la semaine dernière, « il y a guerre d’indépendance »).

Les bourses d’échanges se professionnalisent, les banques traditionnelles sont prêtes à assurer le financement des plateformes qui « minent » la monnaie, en complet revirement par rapport aux cris d’orfraie qui étaient lancés il y a 2 ans encore. Comme n’importe quelle ressource, le coût de production offre un certain plancher à la monnaie (entre 3500$ et 6500$) selon que les plateformes de minage se trouvent dans des endroits où l’énergie est bon marché, le coût du terrain faible, et la température assez basse (considérant que ces plateformes consomment d’énormes quantité d’énergie, de serveurs avec des puces très puissantes mais à la durée de vie relativement faible pour avoir les capacités de calcul suffisantes et produisent beaucoup de chaleur). 

L’impact carbone et le coût écologique sont donc manifestement des facteurs à considérer. Mais notons qu’elles exploitent l’énergie renouvelable à hauteur de 60% en moyenne, que les déchets électroniques profitent des progrès technologiques et devraient donc petit à petit baisser et que la chaleur commence à être réutilisée et réinjectée dans le circuit traditionnel de chauffage. Pour autant reconnaissons que ces monnaies comme toute la technologie du blockchain ont justement comme barrière à l’entrée ce fort besoin d’énergie, ce qui assure aussi la sécurité du système. Le système est donc perfectible et le sera au fur et à mesure que la confiance des acteurs/ intermédiaires/ investisseurs va s’installer.

J’ai comme beaucoup été sceptique sur la possibilité de cette monnaie mais au regard de la monétisation de la dette récente par les banques centrales, on constate que derrière une devise il y a une dette aujourd’hui, dévoyant en quelque sorte la fonction première d’une monnaie, convertible jusqu’en 1971 en or pour le dollar. La banque centrale émettrice qui avait alors un bilan contraint se trouve être aujourd’hui les millions d’ordinateurs en charge de vérifier que chaque crypto-monnaie soit bien unique et que la transaction soit légitime.

Elle se détache en outre du caractère politique que l’on essaie d’affecter aux devises, quand on voit la manière dont le dollar est instrumentalisé pour contrôler les pays qui subissent un embargo de la part des USA.

Enfin le monde financier a horreur du vide : le Yuan risque de mettre encore quelque temps pour s’imposer comme monnaie internationale, la Livre Sterling est en train d’accélérer son déclin post Brexit, l’Euro est toujours à la merci d’une crise politique interne, le Yen a accepté avec un flegme tout japonais de s’affaiblir inexorablement, laissant le chemin libre au Dollar, renforcé en outre par un nombre de pays de plus en plus faible qui peuvent assurer un taux de change fixe avec elle (voir le problème actuel des monnaies du Moyen-Orient). Après 12 ans d’existence, avec une communauté de HF qui assure une liquidité et une visibilité de plus en plus forte, que leur acceptation comme moyen de transaction se diffuse, nul doute que les crypto-monnaies pourront accéder à un statut de monnaie universelle. Seul bémol à ce tableau angélique : il ne faudrait pas que le prochain virus majeur qui affecte la planète soit un virus informatique.  

A bientôt,

Laurent

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