Relations presse dans l’IT : quatre questions à se poser avant de se lancer

Relations presse dans l’IT : quatre questions à se poser avant de se lancer

Depuis la fin des années 2000, l’espace éditorial s’est considérablement réduit dans la presse high tech en raison de l’affaissement du marché publicitaire. Mais, paradoxalement, les agences de relations presse n’ont jamais reçu autant d’appels entrants d’entreprises souhaitant ainsi s’offrir un peu de visibilité et de notoriété. Nous avons demandé à cinq professionnels de nous éclairer sur leur métier, sur les bénéfices que les clients peuvent en tirer et sur les questions qu’il est important de se poser avant de se lancer dans les RP.

Les RP, en quoi ça consiste et à quoi ça sert ?

D’une manière générale, le métier des entreprises de RP dans le secteur IT consiste essentiellement à convaincre les journalistes de rencontrer ou d’interviewer les sociétés pour lesquelles elles travaillent afin d'en améliorer la crédibilité et la notoriété. Lorsqu’elles signent un nouveau client, elles réalisent généralement un audit pour comprendre son positionnement, ce qu’il propose, ses attentes, ses cibles, le bénéfice de ses nouveaux produits, etc. puis elles définissent un plan d’action : publication de communiqués de presse, rencontre de journalistes, community management…

« En pratique, chaque client a des besoins différents et il est important qu’il les exprime avant de démarrer quoi que ce soit, explique Franck Tupinier, consultant relations presse indépendant installé dans les Alpes-Maritimes à Sophia Antipolis. Une entreprise de services numérique cherchera plutôt à recruter, un éditeur voudra mettre en avant sa solution et recruter un réseau de distribution, une startup pensera plutôt levée de fonds ou occupation du terrain… »

Autre point important : « une stratégie RP se construit avant tout sur le long terme, expose Mathieu Micout, consultant indépendant basé en région parisienne. La patience est donc de mise. On peut obtenir de beaux résultats à court terme avec des actions ponctuelles, mais les médias peuvent vous oublier aussi rapidement qu’ils vous ont découvert. Mieux vaut donc étaler son budget communication sur l’année (et si possible sur plusieurs années), en insistant bien sûr sur les pics d’activité, qu’il s’agisse d’événements ou d’annonces importantes. » Un temps long qui malheureusement entre bien souvent en conflit avec la logique court terme des clients.

Ce n’est pas la seule contrainte qu’impliquent les RP. Une fois le brief de départ donné, le consultant ne va se débrouiller tout seul toute l’année et les articles ne vont pas affluer naturellement. Au-delà du budget, investir dans les RP, c’est aussi pour le client y consacrer du temps. « Il faut nourrir la stratégie avec de l’information, et se rendre disponible pour des interviews et des rencontres avec les journalistes », poursuit Mathieu Micout.

À ce titre, il est essentiel de déterminer si l’entreprise est suffisamment mature pour démarrer une campagne RP en continu. En clair, il faut que l’entreprise ait un minimum de « vécu » et de « matière » à partager. « Dans ma chaîne de valeur, le véritable client, c’est le journaliste à qui je dois présenter un sujet pertinent », rappelle Franck Tupinier. « Les journalistes ont « une histoire à raconter », et si l’entreprise n’a rien à dire, à prouver ou à prétendre, c’est qu’elle n’est pas prête », complète Mathieu Micout.

Quels bénéfices peut-on attendre des RP et existe-t-il des indicateurs de performance propres au métier ?

« Les RP restent un métier d’influence dont les résultats sont difficiles à tracer », rappelle d’emblée Marie-Laure Laville, directrice générale de Lewis France, auteure d’un livre sur l’évolution du métier des RP intitulé : « Les Relations Presse à l'heure du digital - des influenceurs aux ambassadeurs ». « Les RP c’est avant tout un métier de conseil qui consiste à préconiser au client de quoi il doit parler, à quel moment, dans quels supports et l’accompagner au quotidien dans sa réflexion, explique Georges-Antoine Gary, consultant indépendant. Pour lui la performance d’une prestation de conseil ne se mesure pas avec des outils de reporting classiques. « On veut coller des indicateurs de performances et de rentabilité sur une activité dont on sait pertinemment que les résultats n’arrivent que 6 à 12 mois après ».

Il existe néanmoins quelques indicateurs clés sur lesquels la plupart des professionnels s’accordent. Si le temps où on comptait les articles pour les convertir en équivalent publicitaires est révolu, le nombre d’articles obtenus dans les média et le nombre de rencontres de journalistes reste, qu’on le veuille ou non, l’indicateur de performance universel. Les RP peuvent aussi être mesurées à l’aune de la qualité/influence des supports. Mais, Franck Tupinier rappelle que la performance d’un article n’est pas liée au prestige du média qui le publie mais à l’efficacité de ce dernier sur la cible visée. En clair : une information channel paraissant dans les Echos aura bien moins d’impact que la même information paraissant sur Channelnews.fr. Malheureusement beaucoup de clients raisonnent sur l’effet Waouh au risque de se priver de retombées business, explique-t-il.

Si l’Intérêt grandissant des clients pour les RP est une bonne nouvelle, leur niveau d’exigence est trop élevé, complète Gilles Lyonnet, dirigeant-fondateur d’Eliotrope, une agence RP spécialisée dans le secteur high tech, bien connue du marché. En clair, tous veulent être dans Les Echos ou Le Figaro. « Il est important de d’expliquer les chances réelles qu’un sujet soit repris et d’annoncer le nombre d’articles que l’on peut raisonnablement attendre », détaille Franck Tupinier, qui assume s’engager sur des objectifs dans ses propositions commerciales. « Je ne conçois pas me défausser sur une simple obligation de moyens », confesse-t-il.

Quelles sont les évolutions du métier de RP, quel est l’impact de la digitalisation et quel rôle jouent les réseaux sociaux ?

Gilles Lyonnet ne parle plus de relations presse mais de relations publics, selon la terminologie du Syntec RP, car « les relais d’opinion ont évolué : les sources d’information sont de moins en moins gérées par des sites de presse ». De fait, les médias ne représentent plus que 50% du temps qu’il consacre en relationnel. Le reste de son temps, il le consacre aux blogueurs et autres influenceurs. Georges-Antoine Gary n’est pas du tout sur cette longueur d’onde. Pour lui, le buzz a ses limites. Les lecteurs attendent des articles de référence, réalisés par des journalistes. Il ne démarche les blogueurs que s’ils sont journalistes.

Une chose est sûre, les réseaux sociaux prennent de plus d’importance dans la stratégie des agences RP. Marie-Laure Laville explique ainsi recourir de plus en plus à Twitter pour optimiser les campagnes de ses clients. Les réseaux sociaux ont un double avantage aux yeux des RP : ils servent de caisse de résonance sur la cible finale des entreprises clientes et permettent de communiquer via un autre canal, plus « hype » et moins saturé que l’e-mail, avec les journalistes, analyse Mathieu Micout. Certains ne se contentent pas d’entretenir le buzz en partageant les articles de presse sur les réseaux sociaux mais y publient carrément leurs communiqués de presse. Une façon de donner plusieurs vies à leurs contenus.

Une tendance à relier au fait que les agences de RP sont de plus en plus à la manœuvre pour produire des contenus et plus seulement les placer. Dans les grandes agences comme Lewis, qui compte une quarantaine de salariés en France, on trouve des personnes qui se consacrent exclusivement à la production de contenus personnalisés pour alimenter les journalistes mais également les blogs, les newsletters et autres supports marketing. Une activité en passe de devenir majoritaire pour beaucoup d’agences, qui deviennent pour certaines de véritables usines à contenus pour le compte des marques. Le stade ultime de cette logique consiste à proposer des articles clé en main aux médias. On parle de brand journalism. Une part de plus en plus importante de l’espace éditorial de certains journaux est ainsi occupée par ces articles clé en main.

Combien ça coûte ?

Dans les petites agences et chez les indépendants, le budget moyen tourne autour de 2 K€ par mois. Dans les plus grosses agences, le ticket d’entrée se situe plutôt à 36 K€ par an.

Ségolène Roche

Lead - comm et marketing international - she/her

6 ans

Article très pertinent, même si la réalité est que les articles clé en main sont une part de plus en plus importante du quotidien des agences. L'image des agences RP qui ne font que du relationnel et du conseil est un peu vieillotte, mais est tenace ! De nombreux candidats qui souhaitent se lancer sous-estiment le temps passé à se renseigner et à rédiger des contenus toujours plus spécialisés pour des clients et des médias de plus en plus exigeants. Au final, le RP est un touche à tout qui doit être aussi à l'aise au téléphone à convaincre, derrière son ordinateur à rédiger, et en face-à-face à présenter des plans extrêmement précis et documentés pour des clients qui veulent être sur le devant de la scène.

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