Retards / rattrapages de loyers - Comment imputer les montants versés par le locataire ?

Retards / rattrapages de loyers - Comment imputer les montants versés par le locataire ?

Cet article est avant tout destiné à apporter un éclairage global sur la thématique choisie, et à pousser locataires et bailleurs à se poser les bonnes questions respectivement à consulter un avocat en cas d'incertitude.

Introduction

Lorsqu'un locataire est en retard dans le paiement du loyer ou des frais accessoires, se pose la question de l'imputation des montants payés.

Un exemple valant mille mot, prenons l'hypothèse suivante:

  • un locataire doit payer un loyer de CHF 2'000.-, au plus tard le 15 de chaque mois;
  • Le 16 janvier 2023, son loyer dû pour le mois de janvier n'était toujours pas payé;
  • le 17 janvier 2023, il reçoit un avis comminatoire lui impartissant un délai de 30 jours pour payer, à défaut de quoi le bail sera résilié;
  • le 16 février 2023, alors que le loyer de février est également exigible, il verse le montant de CHF 2'000.-, sans indiquer de motif de versement.

La question que doit se poser le bailleur est "faut-il attribuer le versement du 18 février 2023 au loyer dû pour le mois de janvier ou pour celui de février ?"

Cette problématique est loin d'être banale, puisque si le bailleur choisit d'imputer le virement du 16 février 2023 au loyer de janvier, alors le locataire aura rattrapé son retard et le bail ne pourra pas être résilié sur la base de l'avis comminatoire reçu le 25 janvier 2023.

Le bailleur sera alors obligé d'adresser au locataire un nouvel avis comminatoire lui impartissant un délai de 30 jours pour rattraper son retard de loyer (cette fois pour le mois de février).

A l'inverse, si le bailleur choisit d'imputer le virement du 16 février 2023 au loyer de février, le locataire ne sera pas en retard s'agissant du loyer de février, mais n'aura pas acquitté le montant dû pour le mois de janvier 2023 dans le délai imparti, ce qui permettra alors au bailleur de résilier le contrat de bail.

Ainsi, pour un même complexe de faits, le sort du contrat de bail dépendra d'une simple question comptable.

Qu'en est-il du droit ?

Selon les règles générales du droit des obligations, le locataire qui a plusieurs dettes à payer au même créancier a le droit de déclarer celle qu'il entend acquitter lors du paiement.

A défaut d'indication par locataire, le bailleur peut alors choisir la dette à laquelle il entend imputer le paiement reçu, en quittançant la réception du paiement. En cas de désaccord du locataire, celui-ci doit s'opposer immédiatement au choix du bailleur.

A défaut de déclaration valable du locataire, ou si le bailleur n'indique pas - dans la quittance - le loyer sur lequel il entend imputer le paiement reçu, celui-ci viendra éteindre, dans l'ordre:

  • le loyer (exigible) qui a donné lieu aux premières poursuites;
  • à défaut de poursuites, le loyer échu en premier.

Et donc, dans notre affaire ?

Dans notre cas, si le locataire n'indique pas la dette qu'il entend éteindre avec son paiement du 16 février 2023, et à défaut de communication du bailleur à réception du paiement, le locataire aura par conséquent dûment payé son loyer de janvier 2023, mais sera alors en retard dans le paiement de son loyer de février, ce qui forcera le bailleur à notifier un nouvel avis comminatoire.

Inutile de préciser que, dans un tel cas, toute résiliation qui serait notifiée au locataire sans être précédée d'un nouvel avis comminatoire le mettant en demeure d'acquitter le loyer de février serait nulle.

Suggestion

  • En ce qui concerne les bailleurs, dans la perspective de résilier le bail, si le versement n'est accompagné d'aucun motif, et si le locataire ne se manifeste pas, il est recommandé au bailleur d'imputer le versement sur le loyer qui n'a pas fait l'objet de l'avis comminatoire, donc, dans notre affaire, sur le loyer de février 2023, et donc d'en avertir le locataire. Le loyer de janvier 2023 restant en souffrance, à défaut d'une contestation du locataire, la voie sera alors ouverte à une résiliation du bail. Dans tous les cas: veillez à toujours quittancer les loyers reçus lorsque le locataire est en demeure!
  • S'agissant des locataires, veillez à toujours indiquer le motif du versement (par exemple, dans notre cas: "loyer janvier 2023"), à défaut de quoi vous courrez le risque que le bailleur l'affecte à un loyer autre que celui que vous avez choisi, cas échéant. A défaut de motif, et si le bailleur vous indique qu'il a imputé le versement à un loyer déterminé: vérifiez que ledit loyer corresponde bien à celui ayant fait l'objet de l'avis comminatoire et, dans le cas contraire, manifestez immédiatement votre opposition au bailleur en lui expliquant (par écrit ou par e-mail, gardez des traces !) que le versement était destiné à acquitter le premier loyer échu.


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