Retour des trains de nuit, une histoire belge et bruxelloise
Après des années difficiles, le chemin de fer reprend des couleurs en Belgique et en Europe. Bruxelles, se positionne déjà comme un nouveau pôle névralgique pour la nouvelle offre de trains de nuit.
L'occasion de se rappeler que le développement ferroviaire et le développement du pays ont souvent eu une histoire commune.
Retour des trains de nuit en Europe
Les nouvelles se succèdent ces derniers jours, un train de nuit reliant Bruxelles à Berlin sera mis en service dès le 26 mai 2023 par la société ferroviaire European Sleeper. La capitale allemande sera accessible en train, l’ouverture de la billetterie au départ de Bruxelles est annoncée pour le 20 février prochain.
Cela vient compléter le Nightjet reliant Bruxelles à Vienne géré par ÖBB qui fut lancé en 2020.
Une carte de l'offre de trains de nuit en Europe :
Voyager en train de nuit est à la fois pratique et économique. Pratique, car le train de nuit présente l’avantage de pouvoir dormir pendant la majorité du trajet. Économique, car on peut se rendre dans une ville éloignée sans trop dépenser. Le train de nuit revient, aussi pour son côté, écologique, insolite, romanique et parcqu'il permet de prendre le temps d'arriver à destination..
Le 31 janvier dernier, la Commission européenne annonçait sa volonté de valoriser l'offre ferroviaire.
La Commission annoncait donc son soutien à 10 projets pilotes « visant à mettre en place de nouveaux services ferroviaires transfrontaliers ou à améliorer les services existants ».
Une démarche qui vient soutenir et mettre en oeuvre un plan d'action annoncé en décembre 2021, dont le but est de « stimuler le transport ferroviaire de voyageurs sur de longues distances et transfrontaliers de voyageurs ».
Il est temps de donner les moyens au train de rivaliser avec l'avion
Il faudra que cette annonce soit suivie d'une vraie politique des prix. Car le train reste encore trop cher face à l'avion. Les billets d'avion bon marché existent grâce aux avantages fiscaux donné au secteur aérien. Le kérosène des avions n’est pas taxé depuis 1944. Les trains, eux, doivent payer des taxes sur l’énergie qu’ils utilisent dans leur pays respectifs.
La récente émission de France 5 vous explique très clairement ce qui pose problème. Regardez ce tweet.
Les billets d’avion sont aussi exemptés de TVA. Ce n’est pas le cas pour les billets de train dans certains pays européens. Et en plus il faut payer un droit d'usage pour utiliser les rails.
Bref, il faut remettre le train sur les rails de la concurrence avec une aviation toujours plus imporante et polluante.
La marque Thalys disparaîtra en septembre au profit d'Eurostar
Dévoilé en 2019, le projet de fusion Eurostar-Thalys a survécu au Brexit et à la crise de la Covid. Fort de sa notoriété à l’international, Eurostar a été retenue pour porter la marque commerciale du nouveau groupe ferroviaire, Thalys devant disparaître au troisième trimestre 2023, vraisemblablement en septembre.
Dès octobre, Eurostar disposera d’une application unique et d’un nouveau site web pour présenter en détail la compagnie et réserver ses billets sur l’ensemble de ce réseau opérant sur cinq pays européens. Il sera par exemple possible d’acheter en quelques clics un Londres-Francfort.
A plus long terme les villes desservies fonctionneront comme des hubs grâce à l’intégration informatique des dessertes nationales de la SNCF, de la SNCB et de la DB.
Que pouvez-vous atteindre en moins de 5 heures de voyage ?
Benjamin un internaute malin, a créé une carte de toutes les destinations que l'on peut atteindre en train en moins de 5 heures de voyage.
Sur Twitter : @_benjamintd
Le projet est open-source et disponible sur Github.
Mais revenons à notre histoire de Belgique et au développement de ses trains.
Histoire de Belgique et histoire des chemins de fers, une histoire commune…
L'histoire du chemin de fer en Belgique commence au milieu du 19e siècle, le premier mai 1834 exactement, le parlement de la nouvelle Belgique vote la création d’une société belge des chemins de fer par 56 voix contre 28, une initiative de Charles Rogier, alors ministre de l'intérieur.
A cette époque, le tout jeune pays se développait rapidement et les besoins en transport de marchandises et de voyageurs devenaient de plus en plus importants.
Or la jeune Belgique venait de séparer des Pays-Bas. Et notre ancien souverain, Guillaume Ier des Pays-Bas appelé « le roi commerçant » avait développé chez nous un réseau de canaux pour amener vers la mer les produits destinés à l’exportation. Or, ces canaux passent pour la plupart par le territoire néerlandais, ce qui empêchent l'accès au port d'Anvers jusqu'à la rédaction du traité des XXIV articles en novembre 1839 et l'armistice qui en découla.
Rapidement donc, un débat s'ouvre sur l'opportunité de créer des lignes de chemins de fer publiques et d'y utiliser la locomotive à vapeur récemment mise au point en Angleterre. Les routes étaient souvent en mauvais état et les moyens de transport existants, tels que les chariots et les bateaux, étaient limités en termes de capacité et de vitesse.
En 1835, la première ligne de chemin de fer belge est ouverte entre Bruxelles et Malines. Le 5 mai 1835, jour de l’inauguration, le Roi (qui ne montera pas dans le train c'est trop dangereux) et la population bruxelloise attendent nerveusement le départ du premier train. Le train est composé de 3 locomotives, la Flèche, la Stephenson et l’Eléphant suivi de 30 wagons qui embarquent à leur bord 900 passagers triés sur le volet. Les 22 kilomètres de la ligne furent parcourus en 50 minutes (on fit rouler le train lentement pour ne pas effrayer les invités). Et au retour, c'est la panne, les invités sont invités à descendre du train en plein milieu des champs pour rentrer en calèche à Bruxelles.
Cette ligne a été rapidement étendue à d'autres villes du pays et, en peu de temps, le réseau ferroviaire belge s'est développé considérablement.
Le chemin de fer offrait une solution plus rapide, plus fiable et plus économique pour transporter les gens et les biens. Il a également permis de relier les différentes régions du pays et de favoriser le commerce et l'industrie en facilitant les échanges.
En outre, le chemin de fer était considéré comme un symbole de progrès et de modernité à l'époque. Les gouvernements et les investisseurs étaient prêts à investir dans le développement du réseau ferroviaire pour montrer la force et la puissance de leur pays.
Au fil des ans, le chemin de fer belge a connu de nombreux défis, notamment lors des deux guerres mondiales. Cependant, il a continué à évoluer et à s'adapter aux besoins en constante évolution des voyageurs et des entreprises.
Aujourd'hui, le réseau ferroviaire belge est considéré comme l'un des plus dense d'Europe et il continue à jouer un rôle important dans le transport des voyageurs et des marchandises dans le pays.
Les trains sont modernes et généralement confortables, et les voyageurs peuvent emprunter de nombreuses lignes pour se déplacer rapidement et efficacement à travers le pays.
La SNCB teste, dans certains trains, la « zone de silence » jusqu’au 31 mai 2023 entre Eupen et Ostende dans un premier temps, et entre Bruxelles et Luxembourg dans un second temps.
Bruxelles, une ville redessinée par et pour le train...
Peu de bruxelloises et bruxellois imaginent que le passage de 1.200 trains par jour sur la jonction Nord - Midi, à Bruxelles, fait de celle-ci la section ferroviaire la plus utilisée du pays. De son vrai nom, « Ligne 0 Bruxelles-Midi - Bruxelles-Nord » elle se compose de 6 voies.
Et la partie souterraine de cette jonction, un tunnel de 2 kilomètres, est même le tunnel ferroviaire le plus fréquenté au monde.
La construction, de cette jonction entre la gare du Nord et la gare du Midi, a duré plus de 40 ans. Une histoire, longue et mouvementée entrecoupée par deux guerres mondiales. Une liaison qui va changer profondément la capitale.
Fin du 19e siècle, les gares terminus de Bruxelles sont les Gare du Nord et la Gare du Midi. Ils faut donc traverser la ville pour continuer son voyage. Et devinez-quoi ? ils y a des bouchons à Bruxelles !, les retards s’accumulent et les voyageurs sont furieux. Pour le gouvernement, il faut agir vite et trouver une solution.
Entre 1895 et 1901, pas moins de trois commissions d’experts sont mises sur pied pour trouver une solution. Et c’est le projet de liaison ferroviaire en grande partie souterraine qui va l’emporter. Ce projet est signé par l’ingénieur, Frédéric Bruneel.
Pour réaliser cette jonction entre les gares du Nord et du Midi. Il va falloir redessiner le centre-ville de Bruxelles.
Une longue procédure d’expropriation commence, 1.650 maisons sont concernés par les démolitions, les autorités profitant de ces travaux gigantesques pour raser des quartiers populaires entiers et ce malgré la protestation des habitants.
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Au total, 12.000 Bruxellois sont expulsés, et vont devoir trouver un nouveau logement, la plupart sans aide aucune de l’état.
Les chiffres sont impressionants, pour construire cette liaison de 35 mètres de large et 3,5 kilomètres de long (dont 2 km de tunnel), les ouvriers ont déblayé un million de m3 de terre, enfoncé 85 km de pieux en béton, utilisé 45.000 tonnes de charpentes métalliques et 742.000 tonnes de béton armé.
Le chantier débute réellement en 1911. On pense que les travaux vont aller bon train et que tout sera terminé en 1915. Et, effectivement, les travaux avancent bien, notamment avec la construction du viaduc allant de l’église de la Chapelle à la gare de Bruxelles-Midi et celle du pont métallique enjambant le boulevard du Midi.
Mais la Première guerre mondiale éclate et stoppe les travaux. Il faudra attendre 1936 pour une vraie reprise du chantier titanesque.
Les Bruxellois peuvent assister au creusement d’un cratère géant à l’emplacement de la future gare Centrale, dessinée par l’architecte Victor Horta. La construction de cette gare débute en 1937.
La Seconde Guerre mondiale va ensuite mettre un coup d’arrêt aux travaux (lors de l’Occupation, les Allemands utilisent même une partie du tunnel pour mettre leur état-major à l’abri des bombardements).
Mais le travail reprendra assez vite après le conflit, grâce notamment aux moyens dégagés par le plan Marshall.
Et finalement le samedi 4 octobre 1952, le jeune roi Baudouin inaugure officiellement la jonction Nord-Midi dans la nouvelle gare Centrale. Celle-ci est encore la plus fréquentée du pays, avec jusqu’à 180.000 voyageurs quotidiens.
La nouvelle gare de Bruxelles-Central a été dessinée par Victor Horta. Les travaux commencent en 1937. À la mort de Horta, en 1947, la relève des travaux sera confiée à Maxime Brunfaut.
La gare Centrale a été édifiée sur plusieurs niveaux, en raison du dénivelé entre la ville haute et la ville basse.
La gare, avec un hall central prestigieux et un escalier monumental, a été conçue dans le but avoué de donner à Bruxelles une gare exceptionnelle, destinée aussi à accueillir des visites officielles. Il y a même un discret salon royal aménagé dans la gare.
Dans les prochains mois et années de gros travaux seront faits pour connecter mieux la gare au métro bruxellois.
Deux autres gares sont construites à cette occasion, Bruxelles-Chapelle, dans le quartier des Marolles, aménagée sous le viaduc de la jonction, juste avant l’entrée du tunnel vers la gare Centrale.
Et, Bruxelles-Congrès au style très moderne, qualifié de “style international fonctionnaliste ”. La gare est signée par Brunfaut aussi. Sa particularité tient dans cette tour ornée d'une gigantesque sculpture, faisant 25 mètres de haut. Ce haut bâtiment abrite les conduits de ventilation de la jonction ferroviaire.
La jonction Nord-Midi est devenue aujourd’hui la zone la plus embouteillée du réseau ferroviaire national et a subi en 2019 de gros travaux de mise aux normes.
La Place du jeu de balle est en fait un ancien atelier de construction de locomotives !
La société du Renard est constituée en S.A. en 1837, elle sera dissoute en 1847
L'usine de machines Renard est fondée par la Société Générale de Belgique dans le quartier des Marolles, sous la direction de M. Cocheaux. L'usine tire son nom 'Renard' de la Rue des Renards, où elle était située. C'était une usine qui employait quelques centaines de travailleurs de la région.
Malgré le succès modeste, la Société du Renard a continué d'exister pendant un certain temps, mais le nombre de commandes a progressivement diminué. La concurrence de la Société anonyme John Cockerill, qui a pu survivre grâce aux efforts de l'État belge, était trop lourde pour l'usine de Bruxelles. L'usine ferme ses portes en 184, avec 400 ouvriers mis à la rue, un coup dur pour le très pauvre Quartier des Marolles.
L'artiste belge Antoine Wiertz a loué les halls d'usine abandonnés à partir de 1847 pour y établir son atelier. Il y peint Triomphe du Christ, Deux filles ou la belle Rosine, L'Enfant brûlé et La Fuite en Egypte.
Après le départ du peintre Wiertz, les halles ont été utilisées pendant un court moment comme espace pour exposer le bétail. Entre-temps, l'échevin de travaux publics de la Ville de Bruxelles, Auguste Blaes souhaitant mettre fin à la prolifération de bidonvilles insalubres et à la situation malsaine du Quartier. Il décida d'aérer le quartier par la création de la Rue Blaes et la Place du Jeu de Balle . Les halls d'usine ont finalement été démolis en 1958 pour faire place à la Place du Jeu de Balle et aux bâtiments adjacents dont la caserne de pompiers.
Dormir dans un train en Europe, une idée belge !
Les wagons-lits ont été inventés par Georges Nagelmackers, un belge, en 1872. Il a fondé la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL), une entreprise française de chemins de fer internationale célèbre pour ses services de voyage de luxe dans les trains à travers l'Europe et l'Asie.
S'inspirant du modèle des trains de nuit américain de Pullman, avec lequel Nagelmackers s'associa dans les premiers temps. Nagelmackers fit construire les premières voitures couchettes, voitures restaurants d'Europe, et lança le buffet des gares, créant ainsi tout l'écosystème touristique du voyage en train. En 1883, il inaugura une ligne de luxe qui allait devenir l'iconique, le fameux "Orient-Express".
Les wagons-lits de la CIWL étaient connus pour leur confort, leur luxe et leur commodité, et étaient très appréciés par les voyageurs les plus aisés.
Les wagons-lits de la CIWL sont devenus un symbole du glamour et de l'aventure du voyage en train, et sont encore souvent associés à ces images dans l'imagination populaire.
Présente à l'origine dans de nombreux pays, la compagnie s'est recentrée ces dernières années sur l'Europe et devrait connaître à nouveau une implantation mondiale grâce à sa filiatisation récente. Elle jouit notamment encore du monopole de la restauration ferroviaire en Italie, France, Espagne, Autriche.
N’oublions pas d’autres gares bruxelloises comme :
La Gare de Schaerbeek : Cette gare se trouve dans le nord-est de Bruxelles et est un important point de correspondance pour les trains nationaux et internationaux.
Elle offre également des services de tramway et de bus. C’est la qu’on peut aussi aller admirer le magnifique Musée Train World.
« Moby Train » est le nom de la sculpture monumentale que la SNCB et le musée Train World rêvent d’installer près du pont Van Praet, sur le rond-point jouxtant le centre commercial Docks.
Un projet dans les cartons depuis quelques années et que ses porteurs aimeraient voir aboutir en 2026, pour le centenaire de la société de chemin de fer.
La Gare de Luxembourg : Cette gare se trouve dans le sud-ouest de Bruxelles et est une importante gare de correspondance pour les trains nationaux et internationaux. Elle offre également des services de tramway et de bus.
Et toutes nos gares communales désservient par les trains S,
Qu'est-ce que c'est ?
Les trains S désignent l'offre ferroviaire suburbaine de 5 villes belges : Bruxelles, Liège, Charleroi, Anvers et Gand. Ces trains, en plus de rouler dans les villes, couvrent une zone d'environ 30 km autour de celles-ci.
Quels sont les avantages des trains S ?
Vous atteignez facilement le travail ou la ville, et faites le chemin du retour sans efforts.
Grâce au grand nombre de gares desservies, vous vous déplacez partout dans et autour de la ville en train. Vous prenez facilement votre correspondance pour les trams, bus et métros. Vous économisez aussi du temps le week-end en évitant les bouchons et les recherches de places de parking.
On pourrait encore raconter beaucoup de choses sur Bruxelles et le train.
Je finirai en vous montrant le réaménagement réussit de l'ancienne gare maritime. le site Tour et Taxis (en néerlandais : Thurn en Taxis) est un ancien et vaste site industriel bruxellois situé le long du canal. Composé de vastes entrepôts et de bureaux entourant une gare abritée sous une vaste halle, le site a été désaffecté puis restauré pour accueillir des entreprises et de grandes manifestations culturelles.
Pour le fans des trains :
Une conférence sur l’histoire de ce train mythique et sur celle de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits. Ce double parcours, initié par le Liégeois Georges Nagelmackers, est marqué par de nombreux événements liés aux transformations de l’Europe, depuis les années 1870 jusqu’après le second conflit mondial
Mon fils et moi sommes des fidèles voyageurs en train ( Bruxelles à Vienne; le retour de train de nuit nous réjouit. Nous sommes passionnés des voyages en train.
Responsable du tourisme, des évènements et mise en selle / Membre du Conseil Européen Council EuroVelo / Administratrice l'autorité publique du tourisme visit.brussels
1 ansMerci pour ce super récap Olivier ;)
Senior Portfolio Manager at ING Private Banking
1 ansVivement le retour des trains de nuit au départ de Bxl vers le sud et l’Italie avec la voiture !! Comme dans les années 70/80 (?)! C’était top 👍🏼