RETRAITES: Brouillard Epais….

Quelques mois de grèves plus tard, l'horizon des retraites en France n'est pas plus clair. Certes, le discours public a évolué, le gouvernement a déposé un projet de loi et a changé de responsable de projet mais tout cela n'a contribué qu'à diffuser un brouillard de plus en plus épais sur les réalités des retraites à venir. Opacité d'autant plus inquiétante que le discours du gouvernement est complètement déconnecté du contenu de son projet de loi lui-même complètement déconnecté des désirs d'avenir et pratiques financières des caisses de retraite existantes. Même le Conseil d'Orientation des Retraites (COR), seul organisme à émettre des avis chiffrés, a perdu toute crédibilité financière. Trop d'avis du COR ne sont que des manipulations politiciennes. Par exemple, le buzz ces jours-ci appuyé par le COR est de dire que le passage au calcul sur la carrière entière va favoriser untel ou untel. Non, mathématiquement si vous faites une moyenne sur plus d'observations plus faibles, la moyenne baisse. Par contre, il est vrai que la moyenne baisse moins si les données/trimestres en plus sont moins éloignés de la moyenne existante. Donc en fait la réforme ne favorise pas tel ou tel dans une logique redistributive mais défavorise moins tel ou tel sans aucune logique redistributive prévisible en fonction de l'histoire professionnelle personnelle de chacun. La Conférence de Financement s'annonce comme un dur rappel à la réalité et au réalisme.

La valeur du point (passage des valeurs cotisées au nombre de points, valeur en euros de retraite des droits exprimés en points) est une donnée macroéconomique d'équilibre financier du régime sur laquelle la confusion et les impasses financières s'accumulent chaque jour. Il aura fallu la programmation d'une Conférence de Financement (par laquelle on aurait dû commencé) pour réaliser sous la pression des caisses existantes ce que n'importe quel expert financier pouvait prévoir, à savoir que les mesures d'âge ne seront pas suffisantes pour rétablir l'équilibre des comptes même à un horizon lointain dans le système proposé. Donc, toutes les avantages sociaux et garanties sur la valeur du point annoncés par le Gouvernement ou proposés dans le projet de loi ne seront pas financés ou finançables. La manière dont sera géré ce problème est totalement absente du débat pour le moment. Mais la réforme ne changera rien au fait que seule une combinaison de mesures d'âge, de baisse de la valeur du point (baisse des pensions en termes absolus ou relatifs) ou de hausse des cotisations et d'impôts peut permettre de ramener l'équilibre du régime universel par répartition.

Comme je le l'ai toujours soutenu, et comme il apparaîtra dans la Conférence de Financement si elle est réaliste, le régime universel par répartition ne suffira pas à assurer à lui seul des revenus décents à l'avenir aux retraités pour toutes sortes de raisons sur lesquelles je ne reviens pas. Vu le mode de calcul, il a aussi le gros inconvénient "d'user" les retraites dont le pouvoir d'achat s'érode avec le temps. On se demande pourquoi les parties prenantes ne conviennent pas de cet état de fait pour organiser des alternatives par capitalisation ou des régimes complémentaires pour ceux qui le peuvent.