Salarié protégé et résiliation judiciaire : un licenciement nul pour violation du statut protecteur
Pour rappel un salarié protégé est un salarié titulaire d’un mandat tel que celui de délégué syndical ou de membre titulaire ou suppléant du Comité Social et économique.
Pour rappel la résiliation judiciaire n’est pas la prise d’acte du contrat.
Existe-t-il une différence de taille avec les salariés non protégés c’est-à-dire avec les salariés n’ayant pas de mandats représentatifs ?
1. Ce n’est que depuis 2005 que le salarié protégé peut demander la résiliation judiciaire de son contrat devant le Conseil de Prud’hommes
Il s’agit d’un revirement important car le salarié protégé peur désormais s’appuyer sur la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de Cassation et les délais de procédure sont moins longs devant le Conseil de Prud’hommes que devant le Tribunal administratif. (Cass. soc. 16-3-2005 n° 03-40.251 ; 25-1-2006 n° 03-44.372).
Ce mode de rupture n'est donc pas soumis au contrôle de l'inspecteur du travail : c'est au juge prud'homal qu'il appartient de trancher le litige.
2. Pendant la procédure, le contrat se poursuit
Cette demande implique la poursuite des relations contractuelles dans l'attente de la décision du juge prud’homal compétent pour statuer sur la demande.
3. Le Conseil de Prud’hommes décidera si le contrat est rompu
Dans le cas où elle est jugée justifiée, la rupture du contrat de travail est effective au jour du jugement et produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur (Cass. soc. 26-9-2006 n° 05-41.890 ; Cass. soc. 26-9-2006 n° 05-41.890).
Si elle n’est pas jugée justifiée, le contrat se poursuit.
Il n'existe donc aucun risque pour le salarié de voir la résiliation prononcée à ses torts. (Cass. soc. 16 mars 2005; Cass. soc. 25 janvier 2006 ; Cass. soc. 23-9-2015 n° 14-10.763)
4. Si le contrat est rompu le salarié est indemnisé
Le salarié a droit aux indemnités au titre de la rupture du contrat de travail :
- indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
- indemnité compensatrice de congés payés
- indemnité compensatrice de préavis
- des dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement, par application de l'article L 1235-3-2 du Code du travail
5. qu’est-ce qu’un manquement grave ?
La Cour de cassation a jugé, à de nombreuses reprises, que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail par un salarié protégé à qui on avait imposé la modification de son contrat ou de ses conditions de travail était nécessairement justifiée et produisait nécessairement les effets d'un licenciement nul (Cass. soc. 30-6-1993 n° 89-45.479 ; Cass. soc. 15-2-2006 n° 03-42.510 ; Cass. soc. 4-5-2011 n° 09-42.606).
Par exemple, s’il est demandé au salarié d’utiliser un nouveau système alors qu’il n’y avait pas recours dans ses précédentes tâches, ceci constituait un changement des conditions de travail que l'intéressé était en droit de refuser.(Cass. soc. 13-12-2017 n° 15-29.116)
Le critère est celui de savoir si les fonctions étaient exercées avant par le salarié protégé et si la demande est exceptionnelle ou non.
La poursuite de l'exécution du contrat de travail aux nouvelles conditions sans protestation ni réserve ne vaut pas acceptation (cass.soc. 11-2-2009 n° 07-43.948)
6. le cas fréquent est celui des réorganisations avec nouvelle direction
En effet, dans de nombreux cas celle-ci entraîne la modification des fonctions et conditions de travail à l’arrivée d’un nouveau directeur.
La société change la répartition des tâches en refusant de produire les nouvelles fiches de postes pour échapper au contrôle.
C’est donc le plus souvent de façon souterraine que les conditions de travail sont modifiées.
Il est donc important de formaliser les changements pour pouvoir apprécier l’existence ou non de manquements graves.