Sans tabou, quelles actions prioritaires pour la politique de la ville ?
Après l’expression du Président Macron sur la politique de la ville Le 30 mai 2018
Par Michel Champredon, Maire d’Evreux 2008- 2014
Président départemental d’une association de distribution alimentaire
Si l’objectif des Pouvoir publics est toujours de réussir la mixité sociale…
Il faut avoir le courage de sortir de la gestion institutionnelle de la politique de la ville
La situation sociale de notre pays me laisse penser qu’une partie de l’avenir de la République se joue dans ses quartiers. Ainsi, sans résignation ni renoncement, il faut répondre aux deux enjeux majeurs par un indispensable investissement dans la politique de la ville :
- les enjeux urbains, économiques et sociaux, les concertations avec les nombreux acteurs de la politique de la ville et le besoin de développer trois axes d’action (exposés ci-après),
- l’avancée de la pauvreté et des communautarismes notamment religieux, la remise en cause de la Laïcité comme des valeurs de la République, les pertes électorales importantes pour les partis de gouvernement, la forte montée de l’abstention et des votes protestataires.
L’Etat doit :
- assurer une présence politique de l’Etat sur le terrain, auprès de la population et de tous les acteurs de la politique de la Ville,
- donner du sens et de la perspective à la rénovation urbaine,
- raccrocher les citoyens des quartiers et notamment les jeunes à l’acte civique.
Quatre priorités d’action ?
Il faut bien-sûr faire aboutir les projets d’investissement en cours dans les quartiers. Mais au-delà d’eux, et compte tenu de la limitation des crédits publics, il faut se concentrer sur quatre actions nécessaires pour avancer vers une meilleure mixité :
- 1 – Agir contre la communautarisation du commerce : quelle intervention de la puissance publique pour assurer la mixité commerciale ? En effet, la communautarisation du petit commerce engendre la communautarisation de la population (selon le quartier, lorsque qu’un commerce ferme c’est un restaurant chinois, un kebab ou un commerce d’alimentation subsaharienne qui ouvre). En dix ans, votre centre commercial est devenu communautaire de façon mécanique, et la population qui ne trouve pas satisfaction quitte le secteur. Il faut remettre en cause la loi du 14 juin 1789, dite « Loi Le Chapelier », de liberté du commerce, et permettre à la puissance publique de s’opposer au rachat de certains boxes commerciaux, de pouvoir choisir la nature d’activité à y réinstaller et ainsi de forcer la mixité.
- 2 – Conduire un accompagnement social lourd : comment mieux accompagner les familles en grande pauvreté avec les services sociaux ? Certaines familles ont renoncé à se battre et n’ont plus de ressort intérieur. Seul un accompagnement social individualisé (lourd) peut permettre de rallumer une flamme intérieure, pour les sortir de la marginalité sociale. Il faut investir dans l’humain notamment avec les départements, les CCAS et les associations.
- 3 – Lutter contre la dégradation des copropriétés : quels moyens juridiques envisager pour permettre à la puissance publique locale d’être présente dans les copropriétés dégradées pour permettre la réalisation des travaux trop onéreux pour les propriétaires ? Il faut modifier le droit pour lui permettre de participer au financement des travaux de remise en état des parties communes et des pourtours d’immeubles. Le paradoxe actuel est que les copropriétés dans les quartiers sont en plus mauvais état que les immeubles de logements sociaux et tirent les quartiers vers le bas.
4 – Gérer équitablement le DALO : comment porter de façon équitable le droit au logement ? Actuellement, les préfets sollicitent surtout les organismes de logements sociaux publics, qui déjà hébergent l’essentiel des familles en difficultés. Les organismes de logements privés doivent apporter une part plus grande de l’effort pour loger des familles en DALO.
Par ailleurs, il faut conduire une pédagogie/action pour :
- développer une réflexion avec des intellectuels sur l’avenir de la Ville, l’avenir du Vivre ensemble, définir les moyens d’action pour contrarier les évolutions naturelles et définir un nouveau Pacte républicain qui soude la Nation autour d’un nouveau projet collectif,
- expliquer pourquoi les parents accompagnants les sorties d’écoles ne peuvent porter de signe religieux ; en demandant aux parents de confession musulmane s’ils accepteraient que leurs enfants soient accompagnés par des parents portants une croix sur la poitrine ou une Kippa ? La neutralité c’est la liberté de chacun de pratiquer la religion de son choix, sans l’imposer aux autres,
- expliquer aux chefs d’entreprise qu’ils doivent embaucher des compétences issues des quartiers ; qu’il en va de la lutte contre les discriminations mais aussi de la survie de notre société. Lorsque l’exaspération sociale sera à son comble les premiers touchés seront certainement les responsables politiques mais aussi l’outil de production symbole de rejet,
- expliquer aux jeunes qu’ils doivent croire en eux et en leur pays, que la meilleure manière de construire sa vie est de se prendre en charge et que l’Administration, si elle peut les accompagner, ne peut se substituer à eux-mêmes et n’a pas vocation à régenter leur vie future,
- demander aux jeunes non influençables d’être attentifs aux évolutions religieuses de leurs amis/ies, d’être protecteurs en prévenant les autorités lorsqu’ils perçoivent des dérivent vers des aventures intégristes… qui peuvent mal se terminer.
L’action publique doit renouer avec une de ses fonctions premières : la pédagogie pour réhabiliter aux yeux des citoyens le beau mot de « politique ».
En effet, je suis convaincu qu’une partie de l’avenir de notre République se joue dans les quartiers et que nous devons occuper le terrain et ne pas donner un quelconque sentiment de retrait du fait de problématiques sociales complexes.
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Présentation de Michel Champredon
Issu d’une ville moyenne dont la population est mélangée (+ 70 nationalités), avec ses quartiers populaires en « politique de la ville », j’ai une sensibilité face à ces enjeux et une habitude dans la rencontre avec des cultures et catégories sociales différentes et à la gestion des problématiques générées par un tel contexte.
Cela m’a conduit notamment à assumer des responsabilités de,
maire d’une ville de 54 000 habitants (2008-2014), président d’une agglomération en charge de la politique de la Ville 52008-2014), président d’un OPAC départemental pendant sept ans, 2001-2008 (17 000 logements sociaux et 5 projets ANRU),
mais aussi,
de président départemental d’une association de distribution alimentaire (Les Restaurants du Coeur), et impliqué dans l’association Territoire zéros chômeurs de longue durée (TZCLD).
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