SARL – Devoir de loyauté du dirigeant – Dérogation possible à l’unanimité des associés
Co-auteurs : Emeric Jolivot, Germain Chaux, Ghislaine Betton
Cass. com., 18 mars 2020, n°18-17.010
Comme tout dirigeant, le gérant d’une SARL est tenu d’un devoir de loyauté envers celle-ci[1], ainsi qu’envers ses associés[2]. Il doit donc s'abstenir de créer et/ou de conduire une activité concurrente à celle de la société qu'il représente. Ainsi, en application de cette exigence, le cogérant d'une SARL ne peut, avant d'avoir abandonné cette fonction, exercer des activités pour le compte d'une société concurrente sans engager sa responsabilité[3]. Il en est de même pour le gérant d'une SARL qui crée une société concurrente avant de présenter sa démission[4].
Pourtant, un récent arrêt rendu par la Cour de cassation démontre qu’il est possible de contourner le devoir de loyauté dont est tenu le gérant d’une SARL à l’égard de sa société.
Les juges du Quai de l’Horloge proclament en effet que « le gérant d’une société à responsabilité limitée qui, durant son mandant, exerce […] une activité concurrente à celle de la société qu’il dirige ne manque pas à son devoir de loyauté […] s’il a reçu, pour ce faire, l’autorisation unanime des associés ».
En cas de décision collective des associés, il est en effet considéré que la société, personne morale, a consenti à ce qu’un fait dommageable porte atteinte à l’un des intérêts dont elle peut disposer.
Plus encore, la Cour admet le contournement de l’article L.223-27 du Code de commerce. Elle proclame en effet que « la communauté des associés avait pris valablement la décision de valider la création par le gérant d’une activité concurrente, même si elle n’avait pas été formalisée dans le cadre d’une assemblée générale ».
Nul besoin, donc, de prendre cette décision de dérogation au devoir de loyauté en assemblée générale.
On rappellera que les statuts d’une SARL peuvent prévoir que les décisions sont prises par consultation écrite ou par le recueil du consentement de tous les associés dans un acte. Ici, la Cour passe complètement sous silence l’exigence de l’article L.223-27 : tout ce qui importe, c’est que la décision soit prise à l’unanimité.
De même, le consentement unanime des associés n’a pas à être exprimé dans un seul acte. En l’espèce, il résultait même de simples échanges de mails. Aucun formalisme ne semble donc nécessaire.
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1] : Cass. Com., 24 février 1998
2] : Cass. Com., 27 février 1996, n°94-11.241
3] : CA Paris, 4e ch., 10 novembre 1992
4] : Cass. Com., 7 juin 1994, no 92-13.935