Savoir renoncer [8/10]
8/10 Y a-t-il un stratège derrière une stratégie promotionnelle ?
Si les stratèges pouvaient avoir la lampe d’Aladin et son bon Génie, leur vie bien plus simple. Il suffirait de demander pour avoir ses vœux exaucés. Le monde sans contraintes, aux ressources infinies, s’appelle Utopia et il n'existe que dans les livres, au même titre que l’omnipotence ou Superman.
La dure loi d’airain du monde réel, est, que les possibles sont fortement corrélés, voire même enchainés, aux moyens, et que les ressources ne sont pas infinies. Face à ce constat le stratège, doit faire des choix, souvent cruels toujours douloureux. Il est impossible d’atteindre un objectif, dans un environnement incertain, avec des adversaires aux volontés contraires, sans subir des revers, sans enregistrer des pertes. Le joueur d’échec sacrifie parfois une figure pour progresser vers l’aboutissement de sa stratégie. Et lui aussi le fait avec parcimonie car les pièces d’échec ne se renouvellent pas facilement.
Dans les tragédies, que sont les conflits armés, ces décisions sont lourdes de conséquences, car elles se soldent par des sacrifices suprêmes. Le stratège doit prendre en compte ces limites matérielles, et humaines quand il construit sa vision. Il est irresponsable de compter sur les miracles, de croire qu’il suffit d’écrire ou de dire pour que les mots deviennent des faits. Il y a une différence entre une volonté affirmée et une obstination mortelle. Sans parler des idéologies mortifères qui sont capables d’élever le suicide au rang de stratégie, les désastres et des fiascos militaires arrivent quand les officiers supérieurs ne trient pas les objectifs tactiques entre, ceux au service de leur stratégie, et tous les autres, même si ils sont indispensables, importants et urgents.
A vouloir tout faire, on ne fait rien, et celui qui ne renonce a rien perd tout. « Il y a beaucoup de généraux qui voient beaucoup de choses a la fois, moi je n’en vois qu’une. » disait Napoléon.
Beaucoup de spécialistes s’accordent à dire que la divisions des forces Allemandes en trois fronts lors de l’agression de l’URSS en 1941, a précipité l’affaiblissement de chacun des fronts. L’exemple le plus tragique d’un renoncement stratégique est le choix délibéré de ne pas bombarder les nœuds ferroviaires au cœur de l’Europe occupée. Ce qui aurait pu ralentir les convois de trains vers les camps. Le calcul froid, immoral et sans émotions a évalué les risques de perdre des avions et des pilotes necessaire a la destruction des aiguillages, eux memes remplaçables en 48 heures. Ces capacités de bombardement étaient aussi nécessaires pour affaiblir l’effort industriel nazi, en vue du débarquement. Les premières missions auraient ralenti un génocide, les deuxièmes devaient stopper définitivement la guerre. Les stratèges ont renoncé à tout faire, pour sécuriser la stratégie. En temps de paix, les choix sont beaucoup moins tragiques, mais pas moins cornéliens. La survie d’une entreprise peut passer par des licenciements.
Pour le stratège en promotion, les renoncements ne vont pas lui causer des cas de conscience, mais au mieux des déceptions, au pire une dépression. L’ombre menaçante du contrôleur de gestion est une contrainte forte qui pousse à faire des choix. Mais le pire qui puisse arriver à un vraix faux stratège , c’est d’avoir à faire des choix par convictions !
Tout le monde à le souvenir d’un cadre supérieur ou d’un donner d’ordre qui abuse de sa position dominante pour demander la glace et le feu dans un même bocal. Par ignorance ou par cynisme ces faux stratèges camouflent leurs incompétences en se protégeant de tous bords. Ce qui conduit à des demandes du type : « faite quelques chose de sexy ! » ou bien « Nos valeurs, c’est la meilleur qualité, le plus grand choix, le prix le plus bas et le service haut de gamme » C’est tout ….il ne manque rien comme promesse ? Peut-être pourrait on aussi garantir le beau temps dans le magasin, et la vie éternelle aux clients fidèles ??
Ces pseudo stratèges sont tellement tétanisés par les conséquences que leurs choix auraient sur leur carrière, qu’ils sont incapables d’un parti pris, d’une opinion, d’une conviction. Leur idéal est de traverser la vie professionnelle, sans vagues, à l’aide du consensus politiquement correct, jusqu’aux rivages de la retraite. Il y a encore pire, c’est celui qui dit « fais au mieux ». On peut lire entre les lignes, au choix, « je me moque de tes efforts » ou bien « quoique tu fasses, je me réserve le droit de critiquer ». Cette folie conduit l’entreprise a financer des paradoxes qui ne conduiront jamais au but, car il n’y a pas de but. Le stratège ne peut pas prétendre au droit opposable et à la protection sociale permanente.
Quand César traverse le Rubicon, avec ses légions, en direction de Rome, il sait qu’il franchit une ligne rouge. Il ne pourra pas s’excuser et prétendre que c’était un accident d’étourderie. La célèbre phrase « Alea jecta est » témoigne de la pleine conscience du décideur face à sa conviction. Comme César, un stratège doit renoncer par conviction pour optimiser ces ressources et affirmer son positionnement. Les premières générations d’adhérents E. Leclerc étaient sans concessions sur le prix de vente. Un opus interne, stigmatisait les derniers du classement ! Le groupement est toujours là depuis 1949 ! A l’oppose du spectre prix , LVMH revendique aussi sa position dans le luxe, et les résultats financiers démontrent que la stratégie n’est pas un échec. Deux strategies prix diametralement opposées, qui conduisent au succes , a force de congruance.