Se  déconnecter pendant les vacances : Une nouvelle injonction ?

Se déconnecter pendant les vacances : Une nouvelle injonction ?

Se déconnecter pendant les vacances : Une nouvelle injonction ? Non, c’est un droit en vigueur depuis le 1er janvier 2017. Instauré par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels il permet  de ne pas être en permanence joignable par son employeur notamment pendant les WE et vacances. L’employeur à l’obligation de poser des règles quant à la déconnection aux travers d’accords négociés ( guide du droit à la déconnexion) et "un salarié ne peut pas être licencié pour faute grave lorsqu’il ne répond pas en dehors de son temps de travail à des sollicitations professionnelles" (Cassation soc.17 février 2004, n°01-45.889).

Que dit la loi ?

 « La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte sur : (…) 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. » (Code du travail, article L. 2242-8 7°) et « Un salarié ne peut pas être licencié pour faute grave lorsqu’il ne répond pas en dehors de son temps de travail à des sollicitations professionnelles »

L’employeur à l’obligation de poser les règles de l’organisation du travail selon les niveaux de responsabilité : elles peuvent se manifester par des consignes ou des mesures plus ou moins contraignantes (système de messagerie qui empêche l’envoi ou la réception d’emails après une heure donnée ou obligation de laisser le matériel professionnel – téléphone, ordinateur portable ou tablette – au bureau, etc.). La mise en place d’un système d’évaluation et de suivi de la charge de travail est recommandée en particulier vis-à-vis des cadres et des salariés en télétravail. Et l’accord ou la charte peut rappeler de ne pas joindre un salarié pendant son temps de repos.

Un droit n’est pas une obligation.

Vous n’êtes donc pas obligé de répondre ou lire vos mails professionnels pendant les vacances. Vous avez le droit de ne pas vous connecter pendant vos vacances ou de le faire, si le cœur vous en dit...

D’ailleurs, nous sommes nombreux et nombreuses à le faire, le soir quand les enfants sont couchés et que la sérénité s’installe, le WE pour terminer un dossier, en vacances pour savoir si un client a signé un contrat ou pour prendre le temps de réfléchir à un dossier de fond, de penser stratégie et créativité pour son activité …

La  digitalisation permet une souplesse dans l’organisation des effectifs : les effectifs sont adultes et aptes au travail, on peut faire leur confiance quant à leur niveau d’autonomie. Enfin, on devrait…

Je me souviens que dans les années 90, le chauffage était coupé à 20 heures dans certaines tours dans le quartier de la Défense : l’objectif était de faire fuir les cadres qui travaillaient trop… Maintenant, il est possible de se connecter quand on veut, en mode «open-bar». La métaphore n’est pas innocente car parfois  il s’agit d’addiction c’est-à-dire de symptômes liés aux manques de limites qui peuvent conduire à l’épuisement. La digitalisation n’en est pas responsable comme les marchands de vin ne sont pas responsables de l’alcoolisme…

Addiction ou passion ?

Je connais des gens qui aiment leur travail : et ce n’est pas une maladie. Cela devrait même être la norme car il est un moyen de conjuguer ses valeurs, de ressentir des émotions de fierté et le sentiment d’être « à sa place » comme la joie d’apprendre, de dépasser des peurs et de sortir de sa zone de confort bref  de se réaliser dans son activité, de se développer et de s’y épanouir de façon rémunérée.

Si on trouve du plaisir uniquement dans les interstices vacants de son travail et que celui-ci est vécu comme un pensum alors quelque chose a échoué : erreur d’orientation, problème de représentation, conflits de valeurs, perte de sens ou inadéquation entre la fonction et l’entreprise et la personne. Et c’est vraiment dommage.  Les gens épanouis dans leur jobs y performent davantage : qu’on se le dise ! Et si on ne se réalise pas du tout dans son travail alors il faut changer. Et qu’on ne se plaigne pas si ceux et celles qui s’éclatent dans leur job se connectent la nuit ou pendant leurs vacances, si cela leur fait plaisir…

Les abus nuisent à la santé : les surcharges de travail, l’absence de pause et l’impossibilité de déconnexion sont toxiques. Il est nécessaire de temps en temps de faire autre chose et d’abreuver son mental à d’autres sources que celles de son travail pour l’équilibre de sa vie et de sa santé. Quand il devient impossible de penser à autre chose, quand le travail devient le centre de toutes les préoccupations, quand plus rien d’autre n’existe alors il y a addiction.  Et il faut se faire aider. L’employeur peut déceler si certaines personnes dérapent et les faire accompagner dans l'objectif de veiller à leur santé comme à leur performance et fidéliser ls talents.

J’accompagne des cadres depuis une trentaine d’années : parfois des bonnes élèves et des bons soldats, ayant le dévouement, le sacrifice de soi, le devoir comme valeurs et qui sont toujours au garde-à-vous : prêt à répondre aux demandes de l’entreprise voire de les anticiper dans le but d’obtenir de la reconnaissance, la plupart du temps… La frustration, la fatigue et le manque de reconnaissance (jamais assez) les rattrapent souvent... Il s’agit alors d’identifier ce qui les pousse à se surinvestir et à s’immoler sur l’autel de leur travail malgré les conseils des uns et des autres  et  les alertes de leur entourage. Puis de leur apprendre à poser des limites pour respecter leur vie privée et leur santé : personne ne leur demande de se tuer au travail ! Ceux et celles-là ont besoin d’un accompagnement mené par un psychologue du travail ou un coach spécifiquement formés: les conseils glanés sur le net ne leur suffisent pas…

 Alors, maintenant, si, on se détendait ?

Si on décidait de prendre des vraies vacances, c’est-à-dire de faire ce qui plait, sans injonction, genre : « Je mange quand j’ai faim, je me réveille quand j’ai fini de dormir et je me connecte si j’en ai envie, je fais comme je veux, puisque je suis en vacances ! » Parce qu’en vacances c’est le moment de larguer les injonctions en tout genre et de voguer sur son bien-être ! Et bon vent à ceux et celles, qui en vacances, se connectent pour me lire !

Fatima LAMY

RRH Généraliste, partenaire stratégique du développement humain.

2 ans

Nous nous sommes laissés déborder par les NTIC et notre besoin de savoir ce qui se passe au bureau en notre absence... Nous devons apprendre à nous déconnecter pendant les vacances mais aussi pendant notre repos.

Carole Vercheyre-Grard ⚖️📖

Avocate au Barreau de Paris - droit du travail- droit des affaires

2 ans

Le droit à la déconnexion n'est malheureusement pas toujours effectif voire compatible avec les fonctions de cadre dirigeant..c'est bien dommage...

Fabrice Marichal

Référent régional des psychologues du travail/conception offre de service

2 ans

Étonnant, comme aujourd'hui le bonheur se prescrit et devient une injonction par des personnes qui savent mieux que nous ce qui est bien pour nous 🤔 et comme vous le dites, si on ne pensait qu'à être bien, notre façon personnelle d'être bien... ?

Marjolaine MAQUEREL

Coach & Psychologue | Je vous accompagne en coaching sur tous les aspects de votre vie pro 💼 pour exploser vos objectifs 🎉 et booster votre confiance ✨

2 ans

Très bon article ! Ce #EnModeVacances m'a également interpelé car il sous-entend une universalité des besoins et modes de fonctionnement. Chacun ses envies et besoins, les limites étant celles de la santé (physique et mentale) et de la loi, comme vous l'avez si bien rappelé.

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