SILENCE, on coache !…
2/ Le silence du coaché, un espace de profondeur et de liberté
« Ce qu’un homme ne dit pas est le sel de la conversation » Proverbe japonais
Le silence d’un client en séance -tel la lettre vide reçue par Pantagruel, page blanche ouverte à tous les possibles- peut avoir plusieurs significations : il peut traduire la gêne d’évoquer, la difficulté à dire, l’incapacité à formuler clairement ou encore la résistance à mettre en mots ; mais il peut aussi –et c’est souvent le cas- être une pause de l’esprit, un temps de maturation nécessaire, un temps de traitement de l’information. Il est alors un support sur lequel la verbalisation à venir prend appui avant de s’élancer (un « pro logos »). Dans les deux cas, s’il y a éclipse de la parole, il n’y a pas pour autant éclipse du sens : si le silence ne dit rien, il signifie quelque chose. Pendant cette vacance verbale en effet, notre client va plonger plus profondément dans sa réalité intérieure, pour se rapprocher de ce qu’il est réellement, dans une écoute intime plus attentive. Jung disait : « Celui qui regarde au dehors rêve, celui qui regarde au-dedans s’éveille ». Celui-là en effet va identifier ses forces, (re)découvrir ses ressources, ébaucher des réponses, voire trouver des solutions. Seul face à lui-même pendant cette rencontre avec soi, il peut faire des liens, détruire des représentations invalidantes ou en créer d’autres plus résolutoires. Revenu à la surface de cette mine de diamants, il en sera porteur de trésors, parce qu’il aura eu accès à des pensées plus profondes, des émotions plus fines, dans une confrontation avec lui-même qu’il aura peut-être jusqu’alors esquivée. Car cette confrontation est redoutée, peut-être même redoutable : lorsque la parole est suspendue, la personne l’est aussi, face à son propre vide ; rien d’étonnant alors à ce qu’elle soit prise de vertige.
Elle accède en effet à un espace privilégié qui est aussi difficile d’accès qu’il est riche de sens. C’est ce que Don Juan, le sorcier yaqui, explique à Castaneda[1] : à partir d’une posture ascétique, il est possible d’approcher les « noyaux de l’abstrait », non par le truchement des mots, mais par intuition directe : le discours cède alors la place à la « connaissance véritable ». Mais ce qu’il lui propose est en fait un véritable parcours initiatique, long et douloureux, qui obligera l’initié à s’affronter lui-même, crevant la couche superficielle de son être pour approcher ce qu’il est réellement. Nous savons que ce voyage à l’intérieur de soi n’est pas sans risque, car cela peut amener, dans une lecture psychanalytique, à briser quelques mécanismes de défense du Moi, chers à Anna Freud, et à affronter une « réalité » parfois inconfortable, voire destructrice, sans être sûr de pouvoir se reconstruire.
C’est peut-être pour cela aussi que nous avons tendance à redouter le silence depuis l’antiquité (dans la Bible, le silence de Dieu n’est-il pas la punition suprême ?). Du silence à la mort, il n’y a qu’un petit pas dans l’Inconscient Collectif. La parole, si on la considère comme l’expression de pulsions érotiques (au sens analytique), c’est la vie. Le silence quant à lui, devient alors l’absence de pulsions de vie et représente la mort. Vie et mort. Eros et Thanatos. Parole et silence.
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Comme on le voit, le silence est difficile… mais il est vertueux. Notre client n’en sort jamais comme il y est entré, car il s’y dépouille et s’y enrichit à la fois. Et si la grandeur de l’homme commence quand il se voit tel qu’il est, alors il en sortira plus grand. « Le silence permet de trouver son destin » disait Lao Tseu.
A suivre...
Rémy JOURDAN
[1] Carlos Castaneda : « La force du silence ». Gallimard 1988
Managing Director - Auteure du livre "Révélez votre leadership avec l'équicoaching" aux Editions Edipro - 2020
3 sem.Rémy JOURDAN ce texte est magnifique et tellement approprié dans un société qui hurle de plus en plus pour éviter le silence. Les chevaux curieusement, eux aussi, peuvent avoir des temps de silence dans les conversations. Et probablement pour les mêmes raisons : savoir comment je me sens dans ce qui vient de se produire.
Coach professionnelle certifiée. J'aide les dirigeants à avancer avec confiance sur le chemin du leadership 🤝 | DISC 🔴🟡🟢🔵
3 sem.Merci Rémy JOURDAN pour cet article sur le silence des coachés. Ton article vient illustrer ce qui me questionne en ce moment. Le "faire" et l'"être".
Coach certifié 🎈 & Formateur passionné ✨ Coaching Orienté Solution® et Coaching Intégratif 🌞 Facilitateur en : Management / Communication / Gestion du Stress 👩🏼🤝🧑🏿 Forte expérience en accompagnement des jeunes
3 sem.Aux coaches de mon réseau : 😉 Nicolas Gounin Eric PERRIN Stéphane Ginocchio Sylvie Nouri-Delimele Soizic BRUNEAU Céline Poloce Julien Lareynie Laurence Carrubba Claude Berthoumieux Alain Cardon, MCC, Nathalie Bartel Isabelle Aubry Isotta Sonia Sahnoun ⚓️Yves B. Karine Aubry Soumiya Brandon Emmanuelle Dobbelaere Thierry LE SCOUL Dr Maria Chaoui Bounjou Nicolas VERDOT Michel Laks Christine Simon Corinne Loutski Marina Péré Thierry DENOYER Amimeur Nadia Audrey Mouffe Nathalie BAUD Alain Palacios Stéphane BAETCHE Camille Gallard Nadine Dal Cortivo Laetitia COCHET Antoine Edelist Christine REINA Laurene Moreau Nathalie Hauchard-Poloni Dominique Bériot Joanne FOURTANIER Isabelle Fasquel Herlin Francois Debly Chamimé ASSEFDJAH Muriel Janoir Bessioud Christele HEURLIN LANGOUET Marie-Hélène Abrond-Bonneau Anne BLANDIN Emmanuelle Dobbelaere Célia CHARTRAIN Delphine BÉRAIN Francois SOUWEINE Eric Messié Marie Helene BARBIER Cyrille Mongens Hélène VAILLANT Monique BUIS Pascal Teracher Ingrid PIERONNE Stéphane Ginocchio Stephane Baradat David Claude Hélène Lefebvre Sandrine Clergerie Aude Fuselier Laurence Gavilan Dr. Vanessa M. Christine Pansier Cécile Chapelle ... et d'autres, taggués ailleurs 🙂