Smart fol

Mon téléphone est fou. Oh oui, je sais, vous allez dire que ce pauvre objet n’y est pour rien à l’inverse de son propriétaire. Qui veut changer son téléphone l’accuse de folie et autres proverbes sentencieux. Mais non ! Pas du tout ! Il est vraiment fou. Rien qu’hier, il a appelé deux personnes sans me prévenir ni me dire pourquoi, alors qu’il n’était pas dans ma poche, ce qui réfute l’hypothèse du pocket call. Il a aussi conversé avec un robot qui cherchait à me refourguer des panneaux solaires. Mais le pire s’est produit hier soir. J’assistais à un concert (vous l’aurais-je déjà dit ?) lorsqu’il s’est connecté sur une plateforme de streaming pour écouter de la musique. Je m’explique : pendant une phase relativement silencieuse d’un morceau (comme souvent dans le blues, c’est pour ça que c’est beau) j’entends une musique nasillarde. Je fusille du regard ma voisine qui est naturellement en train de filmer l’intégralité du spectacle, comme les deux tiers de l’assistance, tout en m’interrogeant sur un tel comportement. Jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’elle me retourne un regard tout aussi courroucé et que je constate que c’est mon propre smartphone qui émet ce son. C’est peu dire que j’étais couvert de honte, seulement protégé par l’obscurité de la salle. Comment un tel prodige - si l’on peut dire ainsi - a-t-il pu se produire ? Je ne saurais l’expliquer. Je me demande cependant en ces temps de frénésie législative pour la sécurisation d’internet, si de nouvelles mesures pourraient être prévues pour réfréner l’autonomie aventureuse de nos compagnons électroniques ? Bien sûr, certains crieront à l’atteinte à la liberté des terminaux. Au droit à la folie artificielle. Mais quand je vois que, parmi ceux qui se sont opposés à la loi votée hier au nom de la liberté d’expression, se trouvent des partis qui ont une conception pour le moins restrictive de cette dernière, je me demande si ce n’est pas le monde qui est fou. Moi ? Ça va très bien, pourquoi ?