Sobriété et décroissance
La sobriété consiste à consommer peu, en nature et en quantité - dans notre contexte, à consommer moins. C'est un quasi-synonyme de frugalité, celle-ci connotant plutôt une discipline presque militaire et celle-là plutôt une preuve de bon goût. La sobriété évoque d'abord le renoncement volontaire au superflu et le recentrement sur l'essentiel, mais elle peut aussi être un euphémisme pour « privations ». La décroissance suppose la réduction d'activité corollaire de celles de production et de consommation - soit la fin de la « société d'abondance ». Elle implique cependant un autre revirement majeur : non seulement l'avenir ne sera pas « meilleur » au sens d'une plus grande prospérité et d'ouverture de nouveaux possibles, mais il sera dégradé de façon définitive, sauf si nous trouvons un vecteur d'énergie non polluant. Or, depuis le début de notre histoire, nous avons travaillé avec l'espoir d'un lendemain où nous ne souffririons ni du froid, ni de la faim, et où nous ne serions pas en permanence exposés à la violence. Avec la fin de la croyance que la technologie mène au progrès, ce serait sans doute la première révolution copernicienne depuis la psychanalyse. Et pas plus que pour les précédentes, nous ne savons où ce nouveau point de vue va nous mener.
Alors, peut-on consommer moins et mieux - c'est-à-dire plus écologiquement ? Les réponses de notre société, où tout dépend des prix et des contraintes budgétaires, ne sont pas pertinentes. Peut-on produire plus avec moins ? Oui, dans une certaine mesure, mais tout comme la planète, cette adaptation a des limites. Alors, produire et consommer autrement ? Ou plutôt cesser de considérer que vivre consiste à faire alternativement l'un et l'autre ? Puisque nous devons utiliser le moins possible de ressources naturelles et d'énergie, la seule variable qui nous reste, c'est nous - notre temps et notre énergie. Cette fois sobriété et décroissance convergent : il faut changer l'approche du temps humain, notamment au travail.