Speak No Evil
Je n'ai pas vu Gæsterne, le film réalisé par Christian Tafdrup : il n'est pas sorti en salle en France. On le trouve cependant assez facilement en VOD. Il avait été présenté à Sundance en 2022. Le film de James Watkins en est un « remake » qui tient bien la route, même si la radicalité du film original a été considérablement adoucie par Hollywood. C'est du « cinéma de genre » qualitatif. Les personnages y sont caractérisés de manière approfondie, selon le principe psychologique hollywoodien classique, qui permet de s'attacher à l'œuvre par l'un ou plusieurs des protagonistes en fonction de son goût : préfère-t-on un lâche ou une mère courage ? Préfère-t-on un méchant ou un gentil ? Nul doute que la finesse de l'écriture danoise a beaucoup apporté à ce film qui, sans ce regard caustique sur la masculinité, n'aurait pas permis de développer un « héros » aussi veule. Et sa couardise est d'ailleurs nuancée au fil de l'histoire à mesure que l'escalade dramatique le conduit à une forme d'héroïsme malgré lui. Réflexion féministe aussi, sur le sacrifice, sur la bravoure, sur la franchise... Au machisme crétin du tortionnaire, les auteurs opposent la lucidité d'une femme qui assume un rôle entier au sein du couple victime, après s'être malheureusement soumise à son petit mari (il est d'ailleurs physiquement plus petit qu'elle). Drôle par ailleurs, la cohésion des familles est aussi douteuse dans un camp que dans l'autre : famille « réelle » ou recomposée, la réalité de la famille est questionnée au fil de l'histoire. Quantité de sujets sensibles sont d'ailleurs testés à coups de piques : les bonnes manières ; l'autorité parentale ; le mensonge ; la virilité aussi... Le film est plus intéressant qu'on ne pourrait le croire avant de l'avoir vu... Belle surprise.