The Apprentice
Présenté en Compétition à Cannes cette année, ce nouveau coup de maître d'Ali Abbasi (علی عباسی) prouve qu'un cinéaste né en Iran, et ayant choisi de vivre en Scandinavie (il a fait des études de cinéma à Copenhague), peut s'emparer d'une histoire américaine avec une justesse impressionnante. En fait, s'en saisir avec une lucidité que seul un regard extérieur peut développer, son personnage, parfaitement écœurant sur le plan moral, bénéficiant aujourd'hui d'un large soutien populaire, son électorat considérant visiblement l'homme d'affaires comme garant de la réussite économique et politique des États-Unis, les dégâts qu'il causerait inévitablement important finalement assez peu. Car, c'est de personnages bien réels qu'il s'agit : Donald Trump présenté comme créature du démoniaque Roy Cohn, avocat sulfureux proche de McCarthy et de Reagan, décrit comme un maître chanteur amoral et dépravé... Deux cyniques ayant alimenté la fascination de l'un pour l'autre, Trump ayant, si l'on prend cette fiction pour argent comptant - elle semble abondamment documentée - développé sa personnalité en suivant les préceptes de son maître (remarquable séquence des trois principes). Et puis l'élève dépassa le maître, ce dernier ayant finalement été tragiquement « puni » par sa « mauvaise vie »... L'autre, profitant du délitement institutionnel new-yorkais, mais aussi fort d'une lucidité sur le devenir de la ville (il est difficile de lui nier un sens des affaires), s'en est emparé comme un vampire de sa proie. La mise en scène est nerveuse, tout comme les protagonistes le sont, mais aussi très efficace. On est embarqué dans une aventure très divertissante qui fait sourire et qui fait mal. À voir au cinéma !