Sportifs de haut niveau et épidémie.

Sportifs de haut niveau et épidémie.

Un épisode sans précédent.

Depuis des mois, notre actualité, rythmée par les rebondissements de l’épidémie de Covid-19, fait état d’un monde « qui ne sera plus jamais comme avant » ou encore de la crise économique qui nous attend.

Nous sommes tous touchés. Certains physiquement. D’autres moralement. Beaucoup psychologiquement. Probablement encore économiquement.

Chômage partiel, télétravail, suspension d’activité, tous les métiers ont dû répondre tant bien que mal à une situation peu ou pas anticipée mais aussi totalement inédite.

Le mouvement sportif a voulu y croire.

De son côté, le monde du sport a tout tenté pour allonger sa durée de vie annuelle. 

Moins de 2000 spectateurs, moins de 1000, huis clos.

Le 11 Mars après l’annonce de l’interdiction de rassemblement de plus de 1000 personnes, l’ASVEL et le PSG décident de jouer malgré tout à huis clos. 

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Finalement, le sport doit se rendre à l’évidence et finir bien au calme sur son banc de touche.

Le 13 Mars, la LFP annonce la suspension de tous les matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 jusqu’à nouvel ordre. Toutes les ligues et fédérations sont de la même façon rapidement suspendues.

Le 17 Mars, la France est confinée.

Cette date marque le début d’une nouvelle façon de vivre. Celle où l’on est contraint de rester chez soi, de travailler à distance et de faire ses courses comme on le peut.

Et les acteurs du sport de haut niveau là-dedans ?

2 mois et un déconfinement plus tard, c’est le statut quo pour le sport professionnel.

Hormis quelques championnats étrangers, il est toujours à l’arrêt.

Le sport de haut niveau regroupe, en effet, par essence, tout ce que les fameux gestes barrières ne sont pas. Il regroupe des milliers de spectateurs dans des espaces clos. Il fait s’affronter parfois de dizaines de personnes au contact les uns des autres convoitant un objet commun et ne peut respecter que très rarement la distanciation sociale. 

Du jour au lendemain, des milliers de sportifs de haut niveau et d’entraîneurs se sont retrouvés au « chômage technique ». 

Comprendre cela, c’est comprendre que c’est toute une profession qui subit de plein fouet sa fragilité bien difficile à assumer. 

En prenant une supposition peu probable (bien que la notion de probabilité ait aussi pris ne sacrée claque depuis le mois de Février), il est intéressant d’aller plus loin. 

Admettons donc qu’aucun traitement ou vaccin ne soit disponibles avant des mois. Admettons qu’un autre type d’épidémie touche notre société causant les mêmes types de problématiques. 

Admettons donc que, comme il est souvent dit, notre monde ne soit plus jamais comme avant. 

Quelle profession est autant en danger que celle d’athlète de haut niveau (et/ou coach) ? Connaissons-nous une profession si dépendante d’autant de facteurs de « danger » (un public, des entraînements en groupe, des rassemblements) ?

Les artistes ? Probablement. Le monde de la culture en général ? Sûrement. 

La finalité est que beaucoup d'autres corps de métiers, aussi difficile que cela puisse être à mettre en œuvre pour eux, ont des outils pour s’adapter. 

Je suis sportif de haut niveau. 

Le 13 Mars, j’ai participé à mon dernier entraînement collectif. Le 22 mai, je ne sais toujours pas quel est l’avenir de mon métier. 

Loin de ce texte l’idée de s’alarmer sur une situation généralement bien favorable depuis des années que celle de sportifs professionnels. Nous avons eu la chance, pour certains, de pouvoir continuer à toucher tout ou partie de nos salaires et notre avenir à court terme est assuré. Nous vivons d’une passion et, pour les tout meilleurs, la santé financière de plusieurs générations est assurée.

Il convient quand même d’ajouter à cela que pour beaucoup d’athlètes de haut niveau considérés comme « précaires » l’arrêt des compétitions est une véritable catastrophe.

L’objectif est plutôt de mener une réflexion plus profonde sur ce qu’est le sportif de haut niveau. L’actualité sportive s’est limitée depuis des semaines à des débats sans fin sur des luttes de droits TV, de gestion de classement et de calendrier mais avons-nous vraiment été plus loin que ces simples contradictions et conflits d'intérêt à court terme pour réfléchir sur notre propre condition ? 

En lisant une interview de T.Dusautoir dans la journal l’équipe, j’ai repris espoir. Merci. 

Il y est question de double projet et de construction d’avenir à côté d’une pratique sportive professionnelle (ici le rugby).

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Parce qu’en effet, que serait un sportif de haut niveau s’il ne pouvait définitivement plus exercer dans un contexte susceptible de lui rapporter de l’argent pour en vivre ? (Public, sponsoring).

Notre contribution à la société est aujourd’hui, bien modestement, de pouvoir créer des spectacles et performances suffisamment intéressants pour trouver un public et des sponsors qui accepteront de payer pour cela.  Au mieux, nous pouvons inspirer certains autour de valeurs liées à notre pratique. 

Depuis deux mois, nous ne sommes, "jusqu'à nouvel ordre", RIEN. 

Qu’en sera-t-il s’il existe un jour le COVID-20 puis le 21… ?

Sous contraintes sanitaires peut-être, mais les dentistes pourront toujours exercer, les constructeurs pourront toujours construire, les vendeurs pourront toujours vendre. 

N’est-il donc pas tant de se poser des questions bien utiles sur notre contribution réelle à la société ? On parle souvent du fameux « double projet », de la « reconversion » comme d’une option à envisager, une possibilité que nous ferions bien d’aborder parfois pour nous donner bonne conscience. Ce n’est plus une option. C’est un devoir. 

Passer plusieurs mois d’attente à vivre sur un contexte sociétal arrangeant (chômage partiel par exemple) n’est plus une solution. « Il n’y pas l’économie pour soutenir ce rythme » nous dit T. Dusautoir dans l’équipe.

A l’heure où les seules conclusions officielles sont celles qui annoncent des baisses de budget considérables, le sportif ne peut plus se contenter de vouloir performer sur le terrain. Cela tout simplement parce que cette crise nous a montré à quel point ce terrain pouvait devenir insaisissable et tout simplement impraticable.

Il est de notre devoir de contribuer, de nous former, de créer des projets, d’entreprendre, de nous construire une identité plurielle et de nous faire accompagner sur des problématiques qui dépassent parfois le cadre fermé de notre pratique sportive. L'objectif est ici simple : il s'agira pour chaque sportif de limiter toute forme de dépendance psychologique et financière à notre activité de cœur, à notre sport pour ne plus jamais avoir à passer plusieurs mois à n’être plus RIEN.



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