Syndrome de l'imposteur : Comment enlever le masque (1/2 )?
Il y a quelques jours de cela Anne ( prénom changé ) avec qui je travaille en transverse reçoit des félicitations de l’équipe client pour un contrat signé avec l’un de nos clients.
Ce qui est mis en valeur c’est surtout la qualité et le soin qu’elle a accordé à ce dossier et je connais suffisamment cette équipe pour savoir que les mots et intentions sont sincères dans ce contexte d’affaires difficiles.
Quelle a été sa réaction ?
« J’ai eu de la chance », « Je ne mérite pas , j’ai juste fait mon travail », « Je suis payé pour cela «
Des personnes comme Anne, nous en croisons tous les jours, parfois sans le voir, sans le savoir et parfois même en nous regardant dans le miroir.
Ponctuellement, nous connaissons tous et toutes ce qui est communément appelé le syndrome de l’imposteur.
Derrière ce nom énigmatique ne se cache pas le titre du dernier roman policier de Pierre Lemaitre ou d’un thriller mais bien un poison insidieux qui a parfois des conséquences néfastes dans notre quotidien.
Fort heureusement, nous possédons l’antidote qui nous permet non seulement de moins courir les mains dans le dos mais aussi d’aider les autres à en prendre conscience si ce n’est pas le cas et de leurs proposer des solutions.
Quels en sont les symptômes ?
Ils sont multiples.
Lorsque l’on nous annonce une bonne nouvelle parfois notre première réaction ne sera pas de dire « yesssss » mais plutôt « non, c’est pas possible, vraiment ? », nous allons avoir tendance à réfuter celle-ci. Nous allons minimiser notre implication dans les réussites nous concernant comme pour Anne en mettant cela sur le compte de la chance ou d'autres facteurs externes.
Plus fort encore, nous pouvons, dans le cas d’un compliment, le disséquer pour chercher l’intention maligne cachée « ok il me dit que j’ai très bien suivi le dossier avec une vraie implication…pour m’en donner d’autres, pour ne pas m’augmenter, parce que c’est méchanique, parce que ....parce que....."
Il y aurait de quoi écrire un roman avec toutes les mauvaises raisons présupposées !
Plus profondément, le syndrome fait en sorte que nous pensons avoir un I comme imposteur gravé sur notre torse ou notre front vis-à-vis de nos compétences et il nous dit que nous devons tout faire pour que les autres ne le voit pas... donc nous endossons un costume qui n’est pas le nôtre dans ces moments là.
« Tu n’es pas assez bon », » tu vas te planter »....les silences et les non-dits peuvent confirmer mon imposture.
Je vais prendre la parole en public, présenter un budget, un dossier….mais j’ai peur de ne pas être à la hauteur, d’être démasqué….etc…etc
Le stress prend le dessus et parfois le syndrome nous fait parler comme des marionnettes, les mots sortent vides de sens, vides de ce que nous sommes vraiment.
Parfois également, dans un groupe ou une soirée, nous avons le sentiment de ne pas être à notre place avec des gens qui nous ressemblent.
Qui est touché ?
Même si certaines études montrent que 70% de la population est concernée, en fait, nous le sommes toutes et tous.
Là où Margaret Thatcher dit « Je ne suis pas chanceuse, je l’ai mérité », Albert Einstein dit « Je me considère comme un escroc involontaire , je ne mérite pas ma réussite »
Il semble néanmoins que les effets soient plus importants lorsqu’ils concernent une personne en minorité dans un groupe ( une femme dans un groupe d’hommes ou l’inverse par exemple )
Etude et explications
Pauline R.Clance, psychologue américaine étudie ce syndrome en 1978.
Elle cherche à comprendre via un panel de 150 femmes très performantes, possédant des hauts diplômes et professionnellement reconnnues, pourquoi subissent-elles les effets de syndrome.
Il apparait d’abord que lorsque nous doutons de nous, nous le faisons seul (logique !)
Si par exemple nous sommes trois à travailler sur une présentation à rendre, je peux avoir tendance à me dire que moi seul rencontre des difficultés à la faire versus mes deux confrères ( qui eux aussi doivent en rencontrer ) mais comme nous n’en parlons pas je reste seul avec mes croyances imaginant que pour eux tout s’est bien passé.
L’enfance est un moment clef où se développe le syndrome de l’imposteur.
Si nous avons vécu dans l’entourage de personnes subtilisant « notre lumière, notre espace », un frère ou une sœur « jugé(e)» plus brillant(e) que nous, avec en parallèle des critiques portées sur nos réalisations et des piques sur nos échecs…. nous allons trainer longtemps nos valises de plomb de croyances.
Dans une autre étude, les histoires de personnes très performantes repoussant toujours plus loin leurs domaines d’expertise sont étudiées. Dans l’enfance, les parents leurs disaient qu’ils étaient parfait et qu’ils pourraient tout faire dans leurs vies plus tard. Sauf que tôt ou tard, comme tout le monde, la chute arrive et les pousse à remettre en question cette histoire racontée par leurs parents ,à verser encore plus dans le perfectionnisme et se priver d’oxygène à force de vouloir aller plus haut.
On peut dédier sa vie à montrer que l’on est compétent et cela ne marche jamais.. cela revient à remplir son tonneau des Danaïdes.
Que se passe t'il dans notre tête ?
Nous doutons de nous-même et ce malgré des preuves évidentes de nos compétences.
Nous ruminons.. tout le monde doit être plus intelligent que moi..
Nous ressassons des croyances de plomb !
« Je suis un fraudeur » ;peu importe le domaine, le métier, la position, le succès.
Cela touche la crédibilité, l’autorité et les réalisations
Quelles sont les conséquences ?
Si je ne mérite pas mes réussites, je ne mérite pas l’intérêt ou l’attention.
L’estime de soi est concernée car si je n’arrive pas à accepter les compliments des autres je ne suis pas en mesure de m’en faire à moi-même.
L’anxiété est concernée car finalement, je me retrouve seul face à cela, avec mon masque et une armure de silence pour cacher qui je suis en réalité et finalement cela devient pesant.
Personne aime l’échec ou faire des erreurs ou ne pas connaitre la réponse mais quand cela arrive, l’imposteur ressent de la honte.
Dans le cas où je représente une minorité dans un groupe…je vais devoir en faire 4X plus que les autres tout en ayant le sentiment que je n’atteins jamais mes objectifs.
Je peux verser de plus en plus dans le perfectionnisme car la moindre erreur va révéler mon incompétence et mon imposture
Du coup…. je ne partage plus et ne communique plus mes bonnes idées, je me refuse de postuler à des emplois auquel je peux accéder (puisque je ne veux surtout pas être démasqué dans l’entretien )…
Que pouvons-nous faire ?
Pour éviter un article trop long et fastidieux la suite est publiée mercredi avec un lien entre les deux.
N'hésitez-pas à regarder cette vidéo ( sous-titres en français disponibles )
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Senior Africa Cluster Manager - @ Orange Wholesale/Orange International Networks Infrastructures & Services (OINIS)
6 ansIntéressant! Chacun de nous a pu se retrouver un jour au cours de son parcours professionnel face à cette expérience..bonne journée
Facilitateur managérial & commercial, Management à distance, Consultant , Manager de transition, storytelling Start 'Up,PME et TPE Coach/médiateur: Tiers de confiance externe
6 ansBonjour Jean Elie: Si on fait une analogie, cela ressemble au fonctionnement d'un tribunal (estime de soi=jugement), mais qui aurait les particularités suivantes: La victime serait l'entreprise, l'accusé serait l'imposteur, le procureur serait le sur moi de l'imposteur: Par essence, ce tribunal est incompétent puisqu'il condamne seulement les vraies victimes et parfois à la peine capitale...Bref, il est toujours faux d'être le pire de ses juges,ouf.