TÊTE À TÊTE AVEC MATTHIEU BORDES, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CHÂTEAU LAGRANGE...
A la tête du 2e plus grand Cru Classé du Médoc, Matthieu Bordes nous confie en tête à tête sa vision du vin, des Grands Crus et de l’avenir du Château Lagrange.
Quelle est la définition d’un Grand Cru selon vous ? Un Grand Cru se caractérise par sa singularité, son côté unique et historique. Il se doit d’être représentatif et respectueux du terroir qui l’a fait naître. C’est à mon sens un modèle d’élégance, de finesse et d’intemporalité qui a le devoir de cultiver l’excellence et susciter le rêve pour les amateurs du vin du monde entier.
Comment voyez-vous les Grands Crus de Bordeaux dans 10 ans ? D’un aspect technique, les Crus de Bordeaux sont à la pointe depuis une vingtaine d’année maintenant. La qualité des vins qui y sont produits est unique au monde. Il n’y a plus de millésimes médiocres, on observe même une succession de millésimes exceptionnels depuis une dizaine d’année. C’est euphorisant mais cela nous interpelle également pour l’avenir et notamment la gestion du vignoble face au réchauffement climatique. Nous avons beaucoup de Cabernet Sauvignon, et de Petit Verdot à Lagrange qui entre de plus en plus dans la composition de nos vins sur ces millésimes plus chauds et plus secs, mais que dire des merlots où les degrés dépassent régulièrement les 15%.
Nous devons anticiper ces changements dans la restructuration de nos vignobles pour la pérennité du terroir et des vins. Il faut conserver l’élégance et la fraîcheur qui ont fait la renommée de Bordeaux et permettent à nos bouteilles de traverser le temps. La question environnementale, insufflée depuis 35 ans par le groupe Suntory, sera aussi un des enjeux majeurs des prochaines années. Les Grands Crus se doivent d’être exemplaires dans ce domaine. Lagrange fût le premier Château à Bordeaux en 2005 à faire son bilan carbone, nous sommes certifiés domaine Haute Valeur Environnement 3, le niveau le plus haut et ISO 14001. Nous menons des essais en Biodynamie depuis plus de 10 ans, la minimisation de l’empreinte écologique est une préoccupation quotidienne et cela s’accélèrera à l’avenir.
Les Grands Crus ouvrent leurs portes aux visiteurs du monde entier, voyagent à la rencontre des amateurs aux quatre coins du globe. Ce besoin de proximité, d’échange, de transparence et d’ouverture s’amplifiera également.
Quelle est votre vision pour Château Lagrange, votre ambition ? La ligne de conduite n’a pas changé, il faut croire que le groupe familial était visionnaire au début des années 80. Nous continuerons à privilégier avant tout la qualité de nos vins, son identité, son terroir : c’est notre priorité sur l’ensemble des 142 ha du domaine.
Nous ne sommes que de passage sur l’échelle du temps d’un cru comme Lagrange vieux de plus de 400 ans. Il est donc de mon devoir d’en assurer la pérennité et de transmettre ce patrimoine en étant le plus respectueux possible du terroir, des vins et de l’environnement. Nous construisons un 4èmechai à barrique recouvert de panneaux photovoltaïques qui permettra d’autoproduire environ 15% de notre consommation électrique. Nous travaillons sur la réduction des intrants ainsi que des consommations d’eau et énergies fossiles… La diminution de l’empreinte écologique restera incontestablement une de nos priorités.
Les vins sont d’une qualité incroyable, pures, précis et racés. Nous travaillons dans ce sens en offrant des vins avec une fenêtre de dégustation plus grande. La maturité des raisins obtenus, rendue possible par les investissements et la technicité du Cru, permet d’optimiser le potentiel qualitatif de nos raisins et d’obtenir des vins approchables plus rapidement sans perdre leur capacité au vieillissement. Nos vins sont distribués dans plus de 65 pays, nous souhaitons pouvoir offrir à nos clients beaucoup de plaisir lorsqu’ils dégustent nos vins et une expérience unique lorsqu’ils viennent nous rendre visite.