Territorialisation des systèmes entreprenants et ressources apprenantes

Territorialisation des systèmes entreprenants et ressources apprenantes

 

 Le territoire et l’entrepreneuriat : vers des collectifs d’excellence

Si la compétence économique relève bien des collectivités territoriales et des organisations consulaires elle est nécessairement partagée avec l’ensemble des entrepreneurs, des associations et des professions indépendantes. Les modes de sollicitations de l’entrepreneuriat obéissent plus ou moins à des dispositifs professionnels sectorisés (pôle de compétitivité, clusters, fédérations et groupements professionnels…) correspondant à des besoins précis liés à la création, la transmission, l’innovation, l’investissement, la recherche, le soutien à l’exportation, la formation et localisés sur des bassins d’emploi de plus en plus réduits par la désindustrialisation de l’économie.

Dans la problématique qui devrait préoccuper les acteurs publics et institutionnels, l’enjeu prioritaire devrait être de retisser un canevas de systèmes entreprenants plus soucieux des équilibres entre les territoires hyper-urbain et les campagnes. Dans cette hypothèse il semble nécessaire de s’interroger sur l’accès à ces dispositifs et sur leur efficience au regard notamment des problèmes d’emploi, de cessation d’activités, de désindustrialisation que connaissent de nombreux territoires notamment en zone rurale et dans les villes moyennes. Au demeurant, il n’est pas inutile de rappeler que l’accès à ces dispositifs d’aide est lié à des conditions objectives qui les rendent plus ou moins accessibles, favorables ou attractifs.

Parmi ces conditions nous pouvons citer :

La proximité des centres de décisions, de ressources et d’ingénierie qui favorisent le contact direct, l’échange d’informations,  l’accompagnement et la mise en œuvre de projets ; la volonté des pouvoirs publics et des institutions d’optimiser l’impact que peuvent avoir les aides sur l’emploi, la sous-traitance, les qualifications, les nouvelles technologies, ce qui suppose une taille critique ou une certaine dimension des projets ; la capacité des entrepreneurs à comprendre les circuits décisionnels et à investir du temps et des ressources dans l’amont d’un projet, dans son pilotage, son suivi et son contrôle.

 Pour les entreprises notamment les TPEs et PMEs les plus éloignées de ces conditions, il semble essentiel de reconstruire du collectif à partir de démarches privées soutenues par les collectivités. Si l’on souhaite retrouver un équilibre au local entre les bases de l’économie productive et celle de l’économie résidentielle, il est essentiel que les élus locaux sollicitent les entreprises de leur territoire et favorisent leur coopération dans le but de générer des pistes de réflexions utiles au développement de nouvelles activités en partant de l’existant.

Cette sollicitation doit être à l’abri des agitations de la décision publique et l’orientation qui peut en être donnée, choisie par les acteurs économiques indépendamment des dispositifs déjà existants. Il s’agit bien sûr de favoriser des démarches créatives et de créer les conditions d’une culture partagée sur une logique ouverte de projet. Ce qui n’est jamais le cas dans la mesure où l’on crée des projets au regard des cadres disponibles alors qu’il faudrait faire l’inverse. C’est ce que l’on peut commencer à proposer comme condition initiale au retissage d’un canevas des systèmes entreprenants spécifique à chaque territoire

Pour illustrer notre propos, nous pouvons citer la démarche originale du label Valais Excellence (Suisse) entrepris à l’initiative de consultants et de quelques chefs d’entreprises soucieux de porter une image positive et exigeante du territoire en rassemblant l’ensemble des entreprises certifiés ISO 9001 et ISO 14001. Cette association compte aujourd’hui plus de 200 membres certifiés par le label Valais Excellence sans distinction d’activités. Elle illustre de manière exemplaire le déplacement d’une initiative privée vers l’espace public.

 Sont présents dans cette association : des administrations communales et cantonales, des services de la formation professionnelle, des compagnies de transports, des coopératives agricoles, des entreprises de constructions, des industries, des bibliothèques et médiathèques, des institutions caritatives, des banques, des campings et hôtels, des exploitations viticoles, des offices de tourisme, des structures de conseil et de formation… 

Aujourd’hui, une dizaine d’années après le lancement du label, l’ensemble des membres collaborent à la création d’activité, à des démarches continues de progrès et d’échange, à enrichir les outils de coopération et porter collectivement l’image du Valais à l’extérieur. Cet exemple de mutualisation des ressources et de solidarité d’initiative privée pourrait être adapté expérimentalement autour des nouvelles régions.

La mutualisation et la relocalisation des ressources apprenantes d' ingénierie et de formation 

La mutualisation des ressources répond à un double impératif d’efficacité et d’économie des ressources publiques. Elle est en fait la continuité logique du dialogue interterritorial et des échanges entre la ville et la campagne. Elle peut être dirigée principalement vers les domaines suivants :

Faciliter l’appropriation des normes et les adapter à la réalité des territoires en transférant le temps nécessaire, les savoir-faire territoriaux potentiellement disponibles (ingénierie, conseil, accompagnement de projets) vers les territoires en demande.

Favoriser l’accès à la culture, à la formation, à l’enseignement professionnel et supérieur des jeunes les moins qualifiés et les plus éloignés des structures d’éducation et de professionnalisation. Il semble essentiel de réfléchir dans un cadre interterritorial à la transportabilité de l’offre culturelle, des systèmes de formation, d’enseignement technique et supérieur, de téléconférences favorisant la découverte intellectuelle, scientifique et professionnelle.

 Cette réflexion doit être développée au regard des progrès techniques qui accompagnent la dématérialisation progressive de l’offre culturelle, éducative et informationnelle portée par les réseaux numériques et les nouvelles applications apprenantes. L’accès facilité à ces réseaux doit également permettre de promouvoir notamment en milieu périurbain et rural des expériences plus collectives d’échange et de coopération pratique ouvert à d’autres savoirs, d’autres cultures, d’autres territoires, d’autres langues… ceci quel que soit le lieu où l’on réside et où l’on travaille. La mise en réseaux de médiathèques ou de centres multimédia pouvant servir de structuration à cette promotion éducative et sociale.

Inciter au regroupement des structures associatives ainsi qu’au co-portage des projets et des activités de service. Il semble de plus en plus évident que l’éparpillement des initiatives associatives et notamment dans les communes, fragilisent les ressources et les moyens dont elles disposent isolément. Il conviendrait d’accompagner les collectivités territoriales et locales dans une démarche de progrès des associations visant à fédérer leurs moyens, étendre leurs missions économiques et sociales dans un cadre interterritorial, les accompagner dans les évolutions juridiques et coopératives.

Ces quelques suggestions ne sont pas en elles-mêmes révolutionnaires mais si l’on s’accorde à les mener de front et dans la durée elles modifieront complètement le regard que les acteurs économiques, les citoyens, les bénévoles portent sur la gouvernance des projets dans le cadre des nouveaux territoires.

 Christophe Thiébault  - le 17 Septembre 2019

 

 

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