Too Fast & Too Furious ! Il faut savoir s’arrêter.

Too Fast & Too Furious ! Il faut savoir s’arrêter.

Quand je sens le souffle de la nature, j’entends la mélodie de l’avenir : « Soyez enlacés, millions, j’embrasse le monde tout entier. »

Wilhelm Reich, Écoute, petit homme !, 1972.

 

PLAN :

Vivre ici-bas est écouter l’incomplétude.

Rester tranquille est écouter la parole.

Apprendre est écouter l’incomplétude et la parole.

 


Vivre ici-bas est écouter l’incomplétude.

Au commencement de leur vie, certains, et quelques-unes, ne comprennent pas tout de suite que « tout est lié » (sans mysticisme), et leur vie et l’atomisme de l’univers, et toutes les parties interreliées de la totalité sidérale, interdépendantes et dynamiques, et le « micro » et le « méga » ou le complexe, c’est-à-dire que chaque niveau de la réalité comporte ses propres lois visibles et invisibles, et que chacun de ses niveaux, pourtant interdépendants, n’a pas nécessairement d’incidences sur les niveaux inferieurs et supérieurs. « Principe d’incertitude » ou « d’incomplétude », dit-on savamment (Durkheim, 1895 + Heisenberg, 1927). Cette double totalité (physique et sociale-humaine) enchâssée se tient donc toute entière dans son... « secret ». — Sentir que notre petite vie particulière tient de la réalité de ces totalités à la fois cosmique et symbolico-sociale est un sentiment de pure joie qui traverse toute l’Humanité et se répand comme il peut. Et c’est encore un antidépresseur fameux — contre le speed de notre modernité tardive (ou traversée du NAAMSS = nihilisme, anomie, angoisse, misère sexuelle et symbolique).

 

Rester tranquille est écouter la parole.

On parle depuis 50 ans d’« économie de l’attention » (Simon, 1971 ; Citton, 2014) — qu’on doit évidemment lire « économie de la tension », c’est-à-dire du speed, monstruosité des effets de l’économie sur la psyché —, parce que plus personne, à part quelques vieilles dames ou bibliothécaires ou sages ou libertaires, ne sait se poser sans électricité ni électronique (que je lis évidemment « électro-nique-ta-mère »). Le « marché de l’information et de l’attention » (considération, reconnaissance, publicité) est certes présent devant nous depuis longtemps, mais le marché global de l’information l’a rendu incommensurable ou disproportionné.

Que sommes-nous devenu.e.s, sinon des êtres sociaux speedés (nerveux, sybarites, méprisants et dépressifs), c’est-à-dire jetés dans la précipitation de nos souvenirs photographiques et des choses impérieuses à faire : To Do List du boulot, du ménage, des courses, de la cuisine, des travaux et de l’amour à faire vite fait... Fausseté de l’hédonisme consumériste et de la vie quotidienne réduite à la misère téléphonique ! Qu’en est-ce qu’On pense ?... Qu’en est-ce qu’On s’arrête pour penser ?... A la télé, vraiment, ou ivre sur la plage ou lors de Festivals spécialisés ?...

L’impossibilité pour certains, et quelques-unes, de ne pas « savoir s’arrêter », comme dirait mon père, de ne pas savoir rester un peu tranquille, sans s’agiter, et d’écouter ce que le monde a réellement à nous dire est le problème fondamental de la modernité tardive. Mais que vend-t-on à la jeunesse (INSEE, 12-25 ans), sinon toujours plus d’accélération encore, plus de speed et de capital érotique, pour sublimer tout ça, ou Thanatos, la mort, la guerre, pour oublier la pensée ?...

En Europe, on trouve cette écoute de l’incomplétude et de la parole chez les présocratiques et chez Pascal, Spinoza et Nietzsche avant Heidegger, et chez quelques-uns de l’École de Francfort. Le synonyme médian et moral de l’écoute de l’incomplétude et de la parole est l’humilité, voire la vertu, un gros mot aujourd’hui. (Sans commentaire, puisque j’écris constamment contre la démesure nihiliste de notre époque.)

 

 Apprendre est écouter l’incomplétude et la parole.

Certains autres, et quelques-unes, ne perçoivent pas que le collège et le lycée sont des écoles de musique où l’on apprend seulement le solfège afin d’entendre — un jour, bientôt, si l’on fait quelques efforts pour entendre — toute la musique et la poésie du monde. (Monde = Nature + Humanité.) Certes oui, au ras des pâquerettes, l’École, c’est la République en plus petit. Certes oui, au ras des marguerites, l’École est à la fois comme un où-topos, une utopie républicaine, et une eutopie, un lieu de bonheur (presque...) fraternel et égalitaire. Mais une École, c’est surtout le bâtiment concret (que je lis évidemment en anglais « béton ») plus ou moins vaste, coloré et vétuste, d’une institution séculière où l’on peut tranquillement comprendre — c’est-à-dire apprendre à écouter et à entendre — que les philosophes grecs et arabes, et tant de rabbins, et toute la smala de la Renaissance, vivent encore en nous et avec nous, et que ce que pensaient Bacon, Galilée et Descartes, il y a déjà quatre cents ans, est exactement sur quoi nous vivons, interreliés et interdépendants, aujourd’hui. C’est cela une école républicaine de musique.

Si, pour Freud, les fonctions de l’École (l’enseignement bienveillant et la socialisation) ont pour but le « grandissement » de l’enfant, elles ont finalement pour but le retour à et le détour par l’émerveillement devant toutes les natures du cosmos matériel et social. — Je continue d’enseigner ma « petite musique » pour ça !

Edouard Bourély 🧭

Product (Owner + Manager + Designer) Freelance + Marin

9 mois

Et il est indispensable de se ménager des temps "hors tension" ! Sinon le petit cœur, qui tente de suivre tous ces rythmes, perd le fil et entre en fibrillation... La pause s'impose, défibrillateur de nos quotidiens sous stéroïdes, sortir du monde – physique et numérique pour prendre du recul, pour mieux revenir, lucide, et à son propre rythme.

Benoît Millet

"Donner forme à l'inconnu..." Designer - Formateur en design et en innovation responsable

9 mois

Celui qui freine a gagné ! La légende Porsche s'est construite sur cet argument, pourtant, tel des jeunes fous inconscients on entend plutôt « Celui qui freine a perdu ! ». Or, quiconque a déjà roulé sur un circuit le sait : il est essentiel de pouvoir compter sur un système de freinage puissant pour faire d'excellents temps au tour. L'économie de la tension (tu as raison, je préfère aussi à "l'attention") n'est pas faite pour penser mais pour réagir. Le design comme discipline "visant l'harmonisation de l'environnement humain" doit et peut proposer des scénarios pour un quotidien apaisé...

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